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Chaque votant produit, par son vote, deux effets égaux et distincts ; il prive un parti d'un suffrage, il en donne un à l'autre. L'absent ne produit qu'un de ces effets, mais c'est toujours la moitié du mal. 2. Négligence. Est-on obligé de voter sur toutes les questions, on est conduit naturellement à leur donner quelque degré d'attention, à se faire un avis, sous peine de tomber dans une nullité absolue. Mais ce motif d'honneur n'existe plus quand on peut s'absenter librement. On abandonne la partie plutôt que de se compromettre. On se livre à l'indolence; et plus on néglige les affaires, moins on est en état de s'en occuper.

3. Admission de sujets moins capables. Dès qu'un emploi donne de la considération et du pouvoir sans imposer aucune gène, il est brigué, acheté, trafiqué par des hommes qui n'ont ni la volonté ni la faculté de s'y rendre utiles.

Ces places deviendront souvent l'apanage de la fortune et de la dignité; mais, s'il fallait en remplir assidûment les fonctions, ces petits motifs de vanité ne tiendraient pas contre la gène du travail. On ne verrait plus, parmi les candidats, que ceux qui trouvent dans les fonctions publiques quelque attrait particulier; et, quoique le goût pour un emploi ne fasse pas preuve-de talent, il n'est point de meil. leur gage de l'aptitude au travail que le plaisir qui l'accompagne.

4. Inaction par défaut de nombre requis. Ce mal tient au précédent. Dès que les places seront occupées par des hommes qui n'en aiment que la décoration, ils se dispenseront au moins du courant des affaires. Il en faudra venir à l'expédient de fixer un quota pour former une assemblée, et cet expédient même produira des jours d'inaction.

3. Danger de surprises. On doit considérer comme surprise toute proposition dont le succès a résulté de l'absence, et qui aurait été rejetée dans l'assemblée complète.

6. Affaiblissement d'influence. L'opinion publique, dans un gouvernement représentatif, est naturellement disposée à se conformer au vœu de l'assemblée, et ne demande qu'à le connaître. Mais le vœu de l'assemblée entière aurait-il été celui de la portion dont la décision émane? Voilà ce qui devient plus problématique, à mesure que cette partie s'éloigne de la totalité. La partie absente -est-elle plus grande que la partie présente, le public ne sait plus à quoi s'en tenir. En tout état de cause, l'assemblée incomplète aura moins d'influence que l'assemblée complète.

Moyens préventifs.

Je me borne à l'idée générale. Le premier de ces

moyens consiste à exiger de chaque membre, au commencement de chaque quartier, un dépôt contenant autant de fois 50 liv. qu'il peut y avoir de jours de séance dans ce quartier. Ce dépôt lui sera rendu à la fin du terme, déduction faite de 50 liv. pour chaque jour d'absence.

Si les députés reçoivent un salaire, ce salaire sera mis en dépôt pour subir la même retenue et de la même manière.

Cette retenue aura toujours lieu sans exception, même dans les cas où l'absence est motivée par les excuses les plus légitimes.

Ce moyen paraitra d'abord singulier, c'est-à-dire qu'il est nouveau ; mais ce n'est pas là une objection, s'il est particulièrement efficace. Il appartient à cette classe de lois qui s'exécutent d'ellesmêmes. Au lieu de cette retenue, établissez une amende égale. Il faut dès lors un accusateur, une procédure, un jugement: au contraire, la déduction n'est sujette à aucune incertitude; elle s'opère d'après un simple calcul, et n'a point le caractère d'une loi pénale.

Les émoluments sont le prix d'un service. Peut-on se plaindre qu'on y attache la condition du service rendu?

Si l'emploi est de nature à être accepté sans salaire, la chance de perdre une partie du dépôt doit être envisagée comme le prix de la place.

Souffrir des cas d'exception, ce serait dénaturer ce moyen. Son essence est dans son inflexibilité. Admettez les excuses, vous admettez la mauvaise foi, vous admettez la faveur ; le refus de les recevoir devient un affront: à l'économie rémunératoire, vous substituez l'économie pénale. Mais, en cas de maladie, faut-il ajouter à ce malheur naturel un autre mal factice? Oui, pour une occasion si importante. L'homme de profession, l'artisan, ne sont-ils pas sujets aux mèmes pertes? Au prix de ce seul inconvénient, on prévient des contraventions sans fin, on assure le service public, qui ne saurait ètre assuré par un moyen plus facile et plus doux.

Cet expédient même ne suffirait pas. Il faut y ajouter une peine coercitive, car c'est toujours là qu'il faut arriver pour donper de la force aux lois. Je propose seulement un jour d'arrêt pour chaque contravention, bien entendu que chaque excuse légitime d'absence est admise pour l'exemption de cette peine.

Ceci est nécessaire pour embrasser une classe d'hommes sur qui la perte du dépôt n'aurait qu'une influence incertaine.

Ne verrait-on pas des riches tirer vanité d'un pareil sacrifice? Ne seraient-ils pas disposés à

1 Voyez Théorie des peines et des récompenses, ch. IV.

404 DE LA FIXATION DU NOMBRE NÉCESSAIRE POUR FORMER UNE ASSEMBLÉE.

acquérir un poste honorable à titre onéreux ? Ne verrait-on pas des devoirs ouvertement enfreints, et une sorte de gloire attachée à cette infraction même? Il se formerait peut-être deux classes dans l'assemblée, ceux qui seraient payés pour leurs fonctions, ceux qui payeraient pour ne pas les remplir; et comme l'opulence donne le ton, il pourrait en rejaillir une espèce d'avilissement sur la classe utile et laborieuse.

Il faut donc une peine qui soit telle pour tout le monde, une peine très-légère, mais inévitable. Il est vrai que les excuses seront admises; mais il n'est pas naturel que, pour éviter le désagrément d'un jour d'arrêt, on compromette son honneur par un mensonge.

Ces moyens seront encore renforcés par un registre, dans lequel tous les cas d'absence seront spécifiés. Les noms y seront inscrits, avec la date du jour de l'absence, les excuses données ou les jours d'arrêt subis. Ce mémoire sera imprimé à la fin de chaque session.

Le pouvoir d'accorder des congés ne doit pas exister. Ce pouvoir réduirait bientôt la demande qui en serait faite à une formalité futile.

Si ce règlement eût existé dans le sénat de Rome, les lettres de Cicéron ne contiendraient pas tant de plaintes amères contre ces sénateurs qui le laissaient presque seul lutter contre la corruption et l'intrigue, pour se livrer à leurs plaisirs dans un repos voluptueux, ou plutôt pour éviter de se compromettre, et prévariquer sans danger.

Pour savoir jusqu'où peut aller l'abus de l'absence, il faut considérer ce qui se passe en Angleterre.

Dans la chambre des communes, sur six cent cinquante-huit membres, on exige la présence de quarante, et souvent ce nombre ne se trouve pas. Les annales offrent peu d'exemples d'une séance où il n'ait manqué un cinquième du nombre complet. Qu'on juge par là du cours ordinaire!

Les deux tiers de cette assemblée sont composés de personnes pour qui les fonctions du parlement ne sont qu'un objet secondaire. Mettez à part les hommes en place et les chefs de l'opposition qui cherchent à leur succéder, il reste des hommes de loi, des négociants, des hommes du monde, qui, à moins d'un intérêt particulier dans une question, ne vont à la chambre que comme à un spectacle, pour varier leurs amusements. Ils s'en éloignent pour le moindre plaisir. Ce sont eux qui, en général, composent la classe dont les deux partis se disputent les suffrages, et à laquelle ils adressent leurs plaidoyers.

Faut-il s'en prendre aux individus? Non, car, à cet égard comme à tout autre, les hommes sont ce que les lois les font être.

Celles qui existent pour prévenir cet abus sont bien faites pour être inefficaces. Dans les anciens temps, on a statué des amendes, cinq livres sterling, puis dix, puis quarante, etc. Ce mode est passé. Il ne reste que l'emprisonnement chez le sergent de la chambre (ce qui implique une assez forte rançon à titre d'honoraires). Mais de cette peine même, il n'existe guère que la menace. Elle ne peut avoir lieu que dans le cas d'un appel spécial (a call of the house), comme si un devoir constant ne devait se remplir qu'à certaines époques; et, dans le cas de cet appel spécial, une excuse solide ou frivole, vague ou articulée, suffit pour se dispenser. Un tribunal peut-il être sévère quand tous les juges sont intéressés dans la contravention? Peut-on s'attendre qu'un corps politique fasse des lois efficaces pour prévenir un abus dans lequel chacun trouve son compte?

Il faut dire toutefois que cette négligence habituelle, qui aurait perdu toute autre assemblée, a des palliatifs particuliers au régime parlementaire.

La division en deux partis les a engagés insensiblement à se laisser représenter par une certaine portion de chacun d'eux. Chaque portion est comme le tout. Dans les questions importantes, c'est-à-dire d'une importance relative au parti, les chefs donnent le signal, et l'on vient en nombre.

Il y a peu de danger de surprises, parce que les motions principales sont annoncées d'avance, et que toutes les mesures ministérielles passent par plusieurs délibérations, à jours différents. Si la décision prise par le petit nombre est contraire au vœu de la majorité, on se rassemble en force le jour suivant, et l'œuvre de la veille est abrogée.

CHAPITRE XXVIII.

DE LA FIXATION DU NOMBRE NÉCESSAIRE POUR FORMER UNE

ASSEMBLÉE.

Avec de bons règlements contre l'absence, on n'aurait pas besoin de recourir à ce moyen.

Son usage principal est de contribuer indirectement à forcer la comparution. Le nombre fixe est-il en défaut, les affaires sont en retard, on commence à penser à l'opinion publique, à craindre un éclat. Ceux qui dirigent sont obligés de se donner des soins pour obtenir le nombre requis; et les moyens de rigueur ont une excuse, si la négligence devient

excessive.

Cette fixation du nombre est le dernier expédient

auquel on devrait recourir dans cette vue; car la suspension des affaires est-elle autre chose qu'une peine infligée aux commettants, quand les mandataires sont en faute?

Il parait d'abord bien singulier qu'on transfère ainsi le pouvoir de toute l'assemblée à une si petite portion. C'est qu'abstraction faite d'un plan de surprise, il n'y a pas plus à craindre d'une fraction de l'assemblée que du nombre total. Abstraction faite des différences individuelles de talent, tel est le tout, telle est chaque partie. Si le tout n'a pas la volonté de prévariquer, il n'y a pas de raison d'attribuer cette volonté à aucune des portions du tout. D'ailleurs la responsabilité, par rapport au public, est toujours la même..

On pourrait craindre qu'entre des partis formés, celui qui se trouverait un jour en force supérieure n'en abusât pour produire quelque décret contraire au vœu de la majorité. Mais ce danger ne ya pas loin; car la majorité, dès le lendemain, casserait le décret de la veille, et la victoire usurpée par le parti le plus faible se changerait en une défaite honteuse.

L'avantage général, en cas d'absence, est tout entier du côté de la puissance exécutive. C'est elle qui est toujours en activité; c'est elle qui a des moyens tout particuliers d'influence pour assurer l'assiduité de ses partisans.

CHAPITRE XXIX.

FIXER L'HEURE DES SÉANCES.

Il faut bien que l'heure où la séance s'ouvre soit fixée.

Mais convient-il d'avoir une heure fixe pour la lever, même au milieu d'un débat? Je dis une heure fixe, ou à peu près, car il doit être admis qu'on laisse achever un discours commencé.

Ce règlement me paraît très-convenable, et plus important qu'il ne paraît l'ètre au premier aspect.

A considérer les convenances personnelles, cette fixation de l'heure, utile à tous, est nécessaire aux valétudinaires et aux vieillards. Un inconvénient qui peut détourner les personnes faibles et délicates de ce service national, ne doit pas être négligé.

Mais la raison principale est qu'il n'y a pas d'autre moyen d'assurer à chaque sujet un degré de discussion proportionné à son importance. La durée du débat est-elle illimitée, l'impatience de ceux qui

se sentent les plus forts, les porte à prolonger la séance au delà du terme où les facultés de l'esprit humain peuvent s'exercer sans affaiblissement. La conclusion est souvent précipitée, ne fût-ce que par ce sentiment d'inquiétude qui résulte de la fatigue ou de l'ennui.

Dans les circonstances où les partis sont le plus animés, où chacun d'eux, aspirant à la décision, serait le plus porté à excéder le temps ordinaire, c'est alors que la règle serait particulièrement utile en interrompant le débat, elle favorise la réflexion, elle diminue l'influence de l'éloquence, elle donne au résultat un caractère de modération et de dignité.

1o Mais, dit-on, il en résultera des délais. Ceux qui craignent de se trouver dans la minorité prolongeront les débats, dans l'espérance qu'un jour gagné peut leur donner quelque avantage.

Je crois qu'un plan systématique de délai, fondé sur ce moyen, est peu probable. Le parti qui voudrait parler pour consumer le temps, se ferait trop de préjudice à lui-même. Parler pour ne rien dire dans une assemblée dont on entend les murmures d'indignation, devant un public qui vous juge, c'est un rôle qui demande un degré d'impudence rare; et cependant il faudrait supposer un grand nombre d'hommes qui entrassent dans cette honteuse conspiration pour la faire réussir.

2o On dira peut-être encore que c'est ouvrir une porte à l'intrigue, à ce genre d'intrigues qui consiste en sollicitations personnelles auprès des membres, dans l'intervalle des deux séances.

Mais cette objection se réduit à rien. Il n'y a pas plus de facilité à solliciter après le premier debat qu'il n'y en avait auparavant. Il y en a même moins ; car ceux qui ont énoncé leurs sentiments craindraient de se rendre suspects par un changement d'opinion si subit.

Cette objection, si elle était solide, irait à conclure que tout doit s'improviser dans les assemblées, qu'on ne doit point savoir d'avance l'objet des délibérations, qu'enfin l'unique moyen de garantir leur intégrité est de les prendre toujours au dépourvu, et de leur couper toute communication au dehors.

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parce que les règlements assurent des délais. Chaque bill doit passer trois fois dans la chambre, outre la discussion dans le comité général. Il y a donc deux ajournements nécessaires, et il peut y en avoir un plus grand nombre 1.

Les séances ne commencent qu'à quatre heures, et même plus tard. Cela tient à la composition de l'assemblée. Les ministres sont occupés le matin dans les bureaux ; les juges et les avocats, dans les cours de justice. Un grand nombre de négociants sont nécessairement à leurs affaires. Les différents comités de la chambre ont plusieurs personnes à appeler; et ce service dans une grande ville ne peut se faire commodément que pendant le jour.

Ces convenances ont fait préférer les séances du soir, malgré l'inconvénient de prolonger des débats bien avant dans la nuit, de produire souvent de la précipitation par l'impatience, d'affecter la santé des personnes délicates, et d'exposer ce service national à la redoutable concurrence de toutes les dissipations d'une grande ville. Si l'on voulait rétablir l'ancien usage de s'assembler le matin, on changerait nécessairement, par cette seule différence, la composition de la chambre des communes.

CHAPITRE XXX.

ÉLECTION D'ORATEURS.

Je vais indiquer un moyen de réduire le nombre des orateurs dans une assemblée trop nombreuse pour laisser à tous le droit de délibérer.

Ceci ne peut convenir qu'à des constitutions démocratiques; car, avec une bonne tactique, six cents personnes au moins peuvent exercer le droit de la parole, sans avoir besoin de le limiter à un certain nombre.

Le moyen le plus simple serait : 1o d'élire vingt-quatre orateurs en titre; 2o de tirer au sort cent autres personnes, pour donner une chance à tous les partis; 3o de permettre à chacun de ceux-ci de se désister de son droit en faveur d'un autre membre de l'assemblée, à son choix. Celui qui ne se sentirait pas le talent ou l'inclination de parler, céderait volontiers sa place à un homme de son parti qui lui paraîtrait plus propre à la remplir. Mais il faudrait toujours réserver à tous les membres

1 Le sénat romain ne pouvait commencer aucune affaire avant le lever du soleil, ni en conclure aucune après son coucher. C'était une précaution contre les surprises; mais la méthode anglaise est bien préférable. Dé

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Dans une nombreuse assemblée délibérante, il ne doit point y avoir de place prédéterminée. Chacun doit prendre la sienne à son choix, selon l'ordre où il arrive.

Cet arrangement libre est préférable à un ordre fixe, pour plusieurs raisons, et d'abord, parce qu'il tend à produire un débat d'une meilleure espèce.

Les membres du même parti doivent avoir la facilité de concerter leurs opérations et de distribuer leurs rôles. Sans ce concert, les arguments ne seront jamais présentés dans l'ordre le plus convenable, ni placés sous le jour le plus avantageux. Ce n'est que par une continuelle correspondance des membres entre eux, qu'on peut prévenir une multitude d'inutilités, de longueurs, de contradictions, de répétitions, d'inconséquences et d'autres incidents dont la tendance commune est de rompre cette unité de plan nécessaire pour conduire les affaires à un dénoùment. En ceci, les intérêts de parti sont les mêmes que ceux du public. Il faut, pour le bien public, que chaque parti puisse plaider sa cause avec toute sa force, faire valoir tous ses moyens, puisque la vérité seule a tout à gagner dans ce concours.

Des conseils tenus avant l'assemblée ne sauraient suppléer à ces petits conseils du moment. Il suffit d'une observation particulière, d'une proposition nouvelle, pour donner un nouvel aspect aux affaires, et nécessiter un changement de mesures. La prévoyance la plus consommée ne pourrait anticiper tous les incidents qui peuvent naître dans le cours d'une discussion. Il en est ici comme d'une bataille: le meilleur plan formé d'avance ne pourrait jamais suppléer au besoin de ces ordres occasionnels, suggérés à chaque instant par les événements de la journée.

La pratique anglaise est conforme à cette théorie. L'arrangement étant libre, les deux partis se sont mosthène fit passer un décret par surprise, après que le parti contraire au sien se fut retiré, croyant la séance finie. Ce cas n'aurait pas pu arriver dans le sénat britannique.

naturellement placés aux deux côtés de la salle. Le premier banc, à la droite de l'orateur, qu'on appelle le banc de la trésorerie, est occupé par les ministres et les autres personnes en place; mais c'est une affaire de courtoisie et non de droit. Le premier banc à sa gauche est celui où siégent les principales personnes du parti de l'opposition.

Il y a une seule exception à cette liberté des places, exception louable dans le principe, mais trop rare dans la pratique pour créer un inconvénient. « Il est entendu, dit M. Hatsell, que les membres qui ont reçu les remerciments de la chambre dans leur place, ont droit à cette place, au moins pendant la durée de ce parlement, et elle leur est généralement allouée par la courtoisie de la chambre. » (Hatsell, 67.)

Dans la chambre haute, différents bancs sont appropriés de droit à différents ordres, un aux évèques, un autre aux ducs, etc.; mais ces appropriations sont fort peu observées.

Les états de Hollande et de West-Frise s'assemblaient dans une salle où, à en juger par le local, la fixation des places devait être de rigueur. Chaque ville avait son banc ou sa part de banc. Les places étant toutes occupées, on ne pouvait en changer sans occasionner quelque dérangement. Quant aux inconvénients qui devaient en résulter, c'est une matière à conjecture, et rien de plus, car tout se passait en secret dans les assemblées bataves. On n'y a jamais connu cette liaison essentielle entre la liberté et la publicité, qui se maintiennent l'une par l'autre.

Cet arrangement libre est favorable à l'égalité, dans un cas où l'égalité, ne pouvant nuire à personne, est justice. Prévenir des disputes de préséance, prévenir ces vaines contestations d'étiquette, qui ont si misérablement absorbé l'attention des assemblées politiques, ce serait dejà un grand bien; mais corriger la disposition même qui fait attacher de l'importance à ces distinctions, est un avantage bien supérieur. Pour exécuter ce plan d'injures graduées, on commence par supposer qu'une place est préférable à toute autre, et que l'occuper est une marque de supériorité. Ce système d'insultes qui vont régulièrement en croissant de la première place à la dernière, est ce qu'on appelle ordre, subordination, harmonie; et ces distinctions honorifiques, c'est-à-dire ces gradations d'affronts reçus et rendus avec privilége, sont ordinairement envisagées avec plus de respect, et défendues avec plus d'opiniâtreté que les lois les plus importantes.

C'est là une cause de contentions et de petitesses qu'il faut exclure d'une assemblée politique. Les distinctions de places et les disputes de rang y doivent être inconnues. Merita sua teneant auc

tores: nec ultrà progrediatur honos quàm reperiatur virtus.

En Angleterre, on entend parler quelquefois d'une querelle de préséance, mais ce n'est jamais que dans des assemblées d'amusement, entre des femmes, et seulement entre elles. Si ces démêlés parviennent jusqu'aux hommes, ils n'y prennent part que comme à un sujet de plaisanterie.

Y aura-t-il une place assignée à ceux qui parlent?

Pour répondre à cette question, il faudrait avoir deux données, la forme et la grandeur de la salle, et le nombre des députés.

Dans une assemblée nombreuse, l'orateur est mieux entendu en parlant d'une tribune placée près du centre, et visible à tous. Le débat, mieux suivi, cause moins de fatigue. Ceux qui ont la voix faible ne sont pas obligés de la forcer pour se faire entendre aux extrémités; et c'est une considération qui n'est pas à dédaigner dans une assemblée politique où il doit y avoir une grande proportion d'hommes âgés et studieux.

La police y gagne. Si chacun peut parler de sa place, il y a tout au moins danger de confusion; il est plus difficile au président de prévenir les interruptions irrégulières. La nécessité d'aller à la tribune arrête une foule de propos insignifiants et précipités; c'est un acte délibéré qu'on ne fait qu'après avoir réfléchi sur ce qu'on veut dire : il faut se mettre en scène, et il est ridicule d'appeler l'attention sur soi quand on n'a rien à dire qui soit digne de cette attention.

D'ailleurs, dès qu'il y a une tribune établie pour être le lieu de la parole, tout le reste de l'assemblée doit être sous la loi du silence. Si quelqu'un parle hors du lieu privilégié, il commet une irrégularité sensible, et il est aussitôt rappelé à l'ordre.

La tribune présente enfin un certain avantage d'impartialité. Si l'assemblée, selon la disposition de tous les corps politiques, se forme en deux partis, chacun tend naturellement à se cantonner dans une portion de la salle. Si chacun parle du sein de son parti, on sait d'avance dans quel sens il va parler; mais il y a toujours des hommes plus ou moins impartiaux et indépendants. partiaux et indépendants. Il est bon d'appeler tous les membres à parler d'une tribune, la même pour tous, qui ne présente pas l'association de l'individu avec le parti auquel il tient. Je sais que ce moyen ne va pas loin, parce que tous les individus se connaissent bientôt les uns les autres; mais il n'en est pas de même par rapport au public qui les écoute, et qui est dérouté quand il est appelé à juger l'orateur sur ce qu'il dit, et non d'après la place d'où il parle.

C'est une gène, dira-t-on, et cette gène peut

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