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DE

LA VEUVE.

PREMIÈRE PARTIE.

DES DROITS ET DES OBLIGATIONS DE LA FEMME VEUVE.

TITRE PREMIER.

DU CONTRAT DE MARIAGE ET DES DROITS Respectifs des ÉPOUX.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

1. La loi ne régit l'association conjugale quant aux biens qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos (1), pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs et à certaines prohibitions déterminées par la loi.

2. Les époux se marient sous le régime de la communauté de biens, ou sous le régime dotal.

3. La communauté de biens est appelée légale ou conventionnelle.

La communauté légale prend naissance lorsque les époux n'ont point fait dresser de contrat de mariage, ou lorsqu'ils se sont bornés à déclarer, d'une manière générale, dans le contrat, qu'ils se mariaient sous le régime de la communauté.

D

La communauté conventionnelle s'établit lorsque les époux

(1)

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Les conventions matrimoniales doivent être libres comme le mariage lui

même. (Discours de Siméon sur les contrats de mariage.)

ont, par un contrat (1), dérogé au régime de la communauté légale, ou l'ont modifié par toute espèce de conventions non contraires aux prohibitions de la loi. (Art. 1387, 1388, 1389 et 1390 C. N.) (2).

La communauté conventionnelle reste d'ailleurs soumise aux règles de la communauté légale pour tous les cas auxquels il n'y a pas été dérogé par le contrat, soit explicitement (c'est-àdire en termes formels et clairs), soit implicitement (c'est-àdire par induction ou par conséquence).

4. Le régime dotal est celui sous l'empire duquel la jouissance seulement de tout ou partie des biens présents et à venir de la femme, ou même d'un objet individuel (3), est apportée au mari pour supporter les charges du mariage, sans que le fonds puisse être aliéné, ni par le mari, ni par la femme, hors les cas d'exception déterminés par la loi.

5. Sans se soumettre au régime dotal, les époux peuvent déclarer qu'ils se marient sans communauté ou qu'ils seront séparés de biens.

C'est ce qui constitue les conventions exclusives de la communauté, mais ne forme point un régime particulier.

6. Ces principes fondamentaux une fois posés, nous allons en déduire rapidement les conséquences, afin d'esquisser, sous ses divers aspects, la position de la veuve, au point de vue de ses intérêts.

(1) Toutes conventions matrimoniales doivent être rédigées, avant le mariage, par acte devant notaires, et ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage (art. 1394 et 1395 C. N.). L'usage qu'avaient adopté cer taines contrées de la France de rédiger ces conventions par acte sous seing privé a été abrogé.

(2) Ainsi, par exemple, les époux n'auraient pu changer l'ordre légal des successions, soit par rapport à eux-mêmes dans la succession de leurs enfants ou descendants, soit par rapport à leurs enfants entre eux la femme n'aurait pu valablement renoncer à son autorité sur ses enfants, en cas de veuvage, non plus qu'à la tutelle qui lui appartient de plein droit dans le même cas; elle n'aurait pu convenir qu'elle supporterait dans les dettes de la communauté une part supérieure à celle qu'elle aurait stipulé devoir prendre dans l'actif, ou qu'elle ne pourrait renoncer à la communauté.

(3) Tel qu'une maison, une ferme.

Mariée sous le régime de la communauté purement legale, la femme apporte dans la masse commune son mobilier présent et futur, les fruits de sa collaboration et la jouissance de ses immeubles, et livre le tout à l'administration absolue du mari, en réduisant ses droits à l'espoir de partager les bénéfices, s'il y en a, lors de la dissolution de la communauté.

Toutefois, les intérêts de la femme sont sauvegardés par la faculté que la loi lui réserve d'accepter la communauté ou d'y renoncer, et par la faveur de n'être tenue des dettes de la communauté que jusqu'à concurrence de l'émolument qu'elle peut en retirer.

Mariée sous l'empire de la communauté conventionnelle, c'est-à-dire avec la volonté personnelle ou provenant de sa famille, de réglementer, en toute liberté, ses intérêts, et de ne pas les soumettre simplement à la loi commune, la femme a pu tempérer ce que nous appellerions les rigueurs de la communauté légale, s'il était permis de lui en prêter quelquesunes; elle a pu se constituer ou recevoir une dot (1), n'eu abandonner au mari que la jouissance, pour l'aider à supporter les charges du mariage, et s'en réserver la propriété; enfin elle a pu mettre en société tout ou partie de ses biens, et, par suite, en abandonner au mari la jouissance et la disposition, en livrant l'une et l'autre aux chances de bénéfice ou de perte départies par le sort.

Mariée sous le régime dotal, c'est-à-dire avec l'intention de s'écarter entièrement du régime en communauté, et de se ménager les avantages d'une garantie plus sûre et d'une plus rigoureuse réciprocité, la femme a pu ne faire frapper la constitution de dot que sur une partie de ses biens présents et à venir, ou même sur un objet individuel, en apporter la jouis

(1) La dot, en effet, qui est le bien dont la femme apporte la jouissance au mari pour supporter les charges du mariage, n'est pas constituée sous le régime dotal seulement; elle est propre aussi au régime de la communauté. Il doit être entendu qu'il ne peut s'agir que de la communauté conventionnelle, puisque sous l'empire de la communauté purement légale, les époux n'ont fait aucune stipulation, et ont laissé à la loi seule le soin de régir leurs intérêts.

sance seulement au mari, se réserver le surplus, et en conserver ainsi l'administration et la jouissance exclusives.

Telles sont les conséquences de la position que la femme s'est faite ou qui lui a été créée lors de son mariage.

7. Sous quelque régime que se soient mariés les époux, l'union intime qui existe entre eux amène naturellement la confusion de leurs biens.

Aussi la mort de l'un d'eux vient-elle rendre nécessaire une distinction et une séparation de ces mêmes biens entre l'époux qui survit et les héritiers du prédécédé : les tiers même peuvent avoir intérêt à cette distinction et à cette séparation.

De là naît pour la veuve le besoin d'être éclairée sur la nature de ses droits et sur la manière de les exercer.

8. Nous nous occuperons, tout d'abord et sous le chapitre Ier, de ce qui concerne le régime en communauté, parce que ce régime étant le plus usuel dans une grande partie de la France, on lui accorde généralement une sorte de prééminence, et nous indiquerons, tour à tour, les règles immuables de la communauté légale et les variations possibles de la communauté conventionnelle.

Nous traiterons ensuite des conventions exclusives de la communauté et du régime dotal, et nous en ferons la matière des titres II et III de la première partie.

CHAPITRE PREMIER.

DU RÉGIME EN COMMUNAUTÉ.

9. La communauté, soit légale, soit conventionnelle, commence du jour du mariage contracté devant l'officier de l'état civil, et l'on ne peut stipuler qu'elle commencera à une autre époque (art. 1399 C. N.).

PREMIÈRE DIVISION.

DE LA COMMUNAUTÉ LÉGALE.

10. Pour faire apprécier exactement les droits de la veuve mariée sous le régime de la communauté légale, il faut expli

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