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la pratique des plus grands saints. « Vous me de» mandez, monseigneur, disoit-il à Bossuet, où je

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prends ce sacrifice absolu? je le prends dans » la tradition des Pères, qui supposent une mer» cenarité dans les justes imparfaits, et qui la » tranchent dans les parfaits. Le retranchement » en est absolu et sans condition retranchement >> et sacrifice sont la même chose le sacrifice de » la mercenarité est donc, selon les Pères, absolu >> et sans condition dans les parfaits. Mais n'allons » pas si loin je prends ce sacrifice dans votre pro» pre livre, où vous expliquez saint François de » Sales. Il portoit dans son cœur comme une ré»ponse de mort assurée; il portoit une impression » de réprobation. C'est là-dessus qu'il prit une » terrible résolution (1). Qui dit terrible, dit quel» que chose qui coûte cher à la nature; il dit un » acte où l'on sacrifie quelque grand attachement: » aussi assurez-vous qu'un acte si désintéressé vainquit le démon. Pourquoi étoit-il si désin» téressé? C'est qu'il excluoit quelque intérêț.... Appelez cet intérêt comme il vous plaira : au » lieu de dire sacrifier, dites renoncer ou retran» cher : tous les noms me sont indifférens, pourvu » que le fond de la chose demeure incontestable. >> Ce qui est certain, c'est que voilà un intérêt que » saint François de Sales abandonne par cet acte » terrible. Cet abandon n'est point conditionnel;.. >> il exclut donc absolument cet intérêt..... C'est >> donc dans les pères, dans saint François de Sales,

«

(1) Instr. sur les Etats d'orais. liv. ix, n. 3: tom. xxvii, p. 349.

124.

» dans vos propres ouvrages que j'ai trouvé ce » sacrifice absolu (1). »

Nous observerons de nouveau, en terminant Conclusion. cette analyse, que notre intention n'a pas été de prononcer entre les deux illustres adversaires, mais seulement d'exposer avec impartialité les raisons alléguées de part et d'autre, afin de laisser au lecteur éclairé le soin et la satisfaction de former lui-même son opinion. Au reste, quelque parti que l'on prenne dans cette discussion, il résulte, ce semble assez clairement de notre exposé que, pour le fond de la spiritualité, les deux prélats n'étoient pas si opposés qu'on le pense d'ordinaire, et que le sujet de leur controverse, qu'on a si souvent affecté de traiter avec une sorte de mépris, étoit vraiment digne d'occuper les méditations de deux esprits aussi supérieurs. Ajoutons que si, dans le cours de cette contestation, Fénélon s'est montré profondément versé dans la théologie mystique, Bossuet a rendu à la même science un service inappréciable, en foudroyant à jamais les illusions et le fanatisme qui paroissoient vouloir la dégrader.

(1) Troisième lettre à Boss. contre sa Rép. à quatre Lettres, n. 5:

tom. VI.

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DÉCLARATION

SIGNÉE PAR L'ABBÉ DE FÉNÉLON

LE 22 JUIN 1694.

Je déclare devant Dieu, comme si j'allois comparoître tout à l'heure à son jugement, que je souscrirai sans équivoque ni restriction à tout ce que M. Tronson décidera avec messeigneurs de Meaux et de Châlons, sur les matières de spiritualité, pour prévenir toutes les erreurs et illusions du quiétisme et autres semblables. Je consens même qu'on montre le présent écrit toutes et quantes fois que ces trois personnes le jugeront nécessaire, et je promets que je parlerai en conformité dans toutes les occasions où ils le croiront à propos. Fait à Issy le 22 juin 1694.

Signé, l'abbé de FÉNÉLON.

J'ajoute que je suis prêt à souscrire à toutes les condamnations que l'Eglise fera des personnes sans aucune exception, si elle le jugeoit nécessaire dans la suite, pour flétrir davantage la doctrine erronée.

ADRESSÉ A M. L'ÉVÊQUE DE CHALONS

PENDANT LES CONFÉRENCES D'ISSY.

JE

Je ne veux me justifier ni pour le présent, ni pour le passé; mais, comme M. de Châlons m'a fait la grâce de me dire que l'on avoit été peiné de voir mes sentimens sur la sainte indifférence, et sur l'inspiration de l'homme passif, je rapporterai simplement en peu de mots ce que j'ai toujours pensé làdessus.

Pour la sainte indifférence, je l'ai toujours réduite, non aux seules épreuves intérieures, comme les propositions qu'on m'a communiquées semblent le marquer; ce qui, je crois, ne suffit pas; mais à l'amour désintéressé sur la peine et la récompense. C'est ainsi que saint François de Sales dit qu'une ame abandonnée à Dieu est également prête à sa salvation et à sa damnation. C'est ainsi que saint Clément dit que le gnostique préféreroit la gnose à la gloire céleste. J'ai dit la même chose, avec cette restriction positive bien des fois répétée, que l'amour pur ne peut jamais inspirer l'indifférence pour cesser d'aimer Dieu. Ainsi j'ai tout réduit à l'indifférence pour son propre bonheur ou malheur, en tant que propre, et détaché de l'amour de Dieu. En un mot, toute ma doctrine (bien ou mal expliquée à des

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