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les administrer, avec charge de lui rendre compte des fruits, ou celui-ci a pu en jouir sans mandat (ou procuration).

Dans le premier cas, la veuve a le droit d'exiger que les héritiers du mari lui rendent compte des fruits, et ils en sont tenus vis-à-vis d'elle, comme tout mandataire. (Voir, au no 640, ce qui sera dit sur cette partie des obligations du mandataire.)

Dans le second cas, et s'il n'y a point eu opposition de la part de la femme à ce que son mari administrât, quoique dépourvu de procuration, les héritiers de celui-ci ne sont tenus que de représenter à la femme les fruits existants au jour du décès, et ne sont pas comptables de ceux qui ont été consommés jusqu'alors, parce que ces fruits sont supposés avoir servi à l'alimentation des besoins du ménage (art. 1577 et 1578 C. N.).

300. De ces expressions: avec charge de lui rendre compte des fruits, insérées dans la procuration, l'on peut induire que si elles ne s'y trouvaient point, les héritiers du mari ne seraient soumis qu'à l'obligation qui leur est imposée dans le cas où le mari a administré sans opposition de la part de sa femme, c'est-à-dire à la seule représentation des fruits existants au moment du décès.

301. Si le mari avait joui des biens paraphernaux, malgré l'opposition constatée de la femme, les héritiers du mari seraient comptables envers la veuve des fruits, tant existants (1), que de ceux consommés.

La loi ne trace pas le mode de constatation de l'opposition, mais il faut décider qu'elle résulterait particulièrement d'un acte d'huissier.

302. Du reste, le mari qui a joui des biens paraphernaux, s'est trouvé soumis à toutes les obligations de l'usufruitier, obligations dont nous avons parlé sous le titre 1er, section 2o du chapitre 2.

DISPOSITION PARTICULIÈRE.

303. En se soumettant au régime dotal, les époux ont pu (1) Sans aucune exception.

néanmoins stipuler une société d'acquéts, c'est-à-dire la mise en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourrait en résulter, des biens meubles et immeubles qu'ils acquerraient pendant le mariage (art. 1581 C. N.); et les effets de cette société doivent être réglés ainsi qu'il a été dit sous le no 53.

TITRE IV.

DU CAS OU LA VEUVE EST DONATAIRE OU LÉGATAIRE DE SON MARI.

304. Les dispositions entre époux ont lieu, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage.

305. Par contrat de mariage, les époux peuvent se faire réciproquement, ou l'un des deux à l'autre, telle donation qu'ils jugent à propos, sous les modifications qui seront ci-après exprimées (1).

306. Cette donation, simple, ou réciproque, peut comprendre les biens présents ou ceux à venir seulement, ou, cumulativement, les biens présents et à venir, en tout ou en partie.

La donation de biens présents n'est point censée faite sous la condition de survie du donataire (2), si cette condition n'est formellement exprimée (art. 1092 C. N.). Ainsi, en l'absence de cette condition, les héritiers de l'époux donataire prédécédé recueillent la donation.

La donation de biens à venir, ou, cumulativement, de biens présents et à venir, faite entre époux par contrat de mariage, soit simple, soit réciproque, est soumise aux règles établies les donations pareilles faites, par contrat de mariage, aux

pour

(1) Le mineur même, peut valablement, par contrat de mariage, donner à l'autre époux, soit par donation simple, soit par donation réciproque, pourvu que la donation ait lieu avec le consentement et l'assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité de son mariage, et, avec ce consentement, il peut donner tout ce que la loi permet à l'époux majeur de donner à l'autre conjoint (art. 1095 C. N.).

Les donations faites par contrat de mariage ne peuvent être attaquées ni déclarées nulles, sous prétexte du défaut d'acceptation (art. 1087 C. N.).

(2) Celui à qui on fait une donation.

époux, par leurs pères, mères, leurs autres ascendants, leurs parents collatéraux, et même par des étrangers, si ce n'est que la donation n'est point transmissible aux enfants issus du mariage, en cas de décès de l'époux donataire avant l'époux donateur (c'est-à-dire l'époux qui a fait la donation) (art. 1093 C. N.) (1). 307. De l'application des règles dont il vient d'être parlé, résultent cinq conséquences.

308. La première que la donation de biens à venir ne sera irrévocable qu'en ce sens seulement, que le donateur ne pourra plus disposer à titre gratuit des objets compris dans la donation, si ce n'est pour sommes modiques, à titre de récompense ou autrement (art. 1083 C. N.), ce qui implique cette autre conséquence que le donateur pourra disposer de ces mêmes objets à titre onéreux, c'est-à-dire, moyennant un prix stipulé. Il faut, toutefois, que cette disposition ait lieu sans déguisement et de bonne foi, autrement, elle pourrait être annulée après la mort du donateur.

309: La seconde conséquence est : qu'à la donation faite cumulativement des biens présents et à venir, en tout ou en partie, devra être annexé un état des dettes et charges du donateur, existantes au jour de la donation, et qu'il sera libre au donataire, lors du décès du donateur, de s'en tenir aux biens présents, en renonçant au surplus des biens du donateur.

310. Si l'état dont il vient d'être parlé, n'avait point été annexé à l'acte contenant donation des biens présents et à venir, le donataire (2) serait obligé d'accepter ou de répudier cette donation pour le tout; en cas d'acceptation, il ne pourrait réclamer que les biens qui se trouveraient exister au jour du décès du donateur, et il serait soumis au payement de toutes les dettes et charges de la succession (art. 1084, 1085 et 1093 C. N. combinés).

(1) La loi suppose que le donateur n'a voulu gratifier que l'époux donataire. Les enfants, d'ailleurs, retrouvent les biens donnés dans la succession, ou du donateur, ou du donataire.

(2) La veuve, par exemple.

311. La troisième conséquence est: que la donation par contrat de mariage, aura pu être faite à telles conditions qu'il aura convenu au donateur d'imposer, par exemple, celle de payer indistinctement toutes les dettes et charges de sa succession; que le donateur aura pu mème imposer des conditions dont l'exécution dépendait de sa seule volonté, et contrevenir ainsi à la règle donner et retenir ne vaut. Quoi qu'il en soit, le donataire sera tenu d'accomplir ces diverses conditions, s'il n'aime mieux renoncer à la donation (art. 1086 et 1093 G. N. combinés).

312. La quatrième conséquence est que dans le cas où l'époux, donateur par contrat de mariage, se serait réservé la liberté de disposer d'un effet compris dans la donation de ses biens présents ou d'une somme fixe à prendre sur ces mêmes biens, l'effet ou la somme, s'il mourait sans en avoir disposé, serait censé compris dans la donation, et appartiendrait au donataire ou à ses héritiers (art. 1086 et 1093 C. N. combinés).

313. La cinquième et dernière conséquence est : que la donation de biens à venir deviendrait caduque, c'est-à-dire, sans effet, si le donateur survivait à l'époux donataire et à sa postéritė (art. 1089 et 1093 C. N. combinés).

314. Les dispositions entre époux, pendant le mariage, ont

lieu :

Par donation entre-vifs,

Ou par testament.

On verra sous le titre 14 (chapitre 4, section 1, et chapitre 5, 1 section), titre qui traitera des libéralités que la veuve peut faire et de celles dont elle peut être l'objet, la définition et la forme de ces actes.

315. Les dispositions entre époux, faites par donation entrevifs, peuvent comprendre les biens présents et à venir (argument tiré des art. 947 et 1094 C. N. combinés).

316. Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre-vifs, sont toujours révocables (art. 1096 C. N.).

317. Cette révocabilité constitue une exception au principe d'après lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée (art. 894 C. N.), et cette excepfion a été introduite dans des vues de haute moralité. Le législateur a voulu que les donations entre époux, pendant le mariage, fussent l'effet d'un consentement libre, qu'on ne pùt les attripuer ni à la subornation ni à une affection momentanée ou inconsidérée; il a voulu bannir entre époux, qui se doivent une affection sincère, des vues d'intérêt et de séduction; il a voulu qu'un époux qui aurait tout donné à l'autre époux ne fût pas exposé au mépris et à l'abandon; enfin, et pour rendre la révocation plus libre encore, et pour qu'on ne pût argumenter de l'indivisibilité des dispositions d'un même acte, le législateur a ordonné que les époux ne pourraient, pendant le mariage, se faire, ni par acte entre-vifs ni par testament, aucune donation mutuelle et réciproque, par un seul et même acte (art. 1097 C. N.). Les donations entre époux, pendant le mariage, participent essentiellement, comme on le voit, de la nature des donations à cause de mort.

318. La révocation est expresse ou tacite; expresse, quand elle a lieu par un acte formel; tacite, par la vente des biens compris dans la donation.

La révocation peut être faite par la femme, sans y être autorisée par le mari ni par la justice. Exiger l'autorisation de la femme par l'un ou l'autre de ces modes, c'eût été rendre illusoire la faculté de révoquer, et amener un sujet de discorde entre les époux.

319. La survenance d'enfants depuis la donation, n'entraîne pas la révocation (art. 1096 précité). Les époux, en effet, qui ont le droit de révoquer la donation faite pendant le mariage, sont les premiers appréciateurs de l'influence que peut exercer sur leurs dispositions la survenance d'enfants.

320. Les dispositions entre époux, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, embrassent une quotité différente, suivant les cas qui vont être examinés.

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