grandeurs, il a toujours regretté, il a toujours pleuré sa faucille; il a eu la nostalgie de l'outil.

» Tel est le cas qu'un pareil homme faisait du travail des mains; et c'est ce qui a fait sa grandeur; c'est ce que Dieu a béni en lui. La preuve en existe,

» Je vous ai dit les gloires de Citeaux; mais ces gloires n'ont pas toujours duré. Les désastres de la guerre de Cent ans ont détruit l'ordre partout, même dans les monastères; mais quand l'ordre revint avec la paix, Citeaux ne retrouva pas sa grandeur, le travail des mains avait cessé; les splendeurs de Citeaux étaient finies. Les moines blancs continuèrent à édifier le monde par leur piété, mais l'histoire ne releva aucun fait à leur honneur. Ils se contentèrent d'être les pieux gardiens de grands souvenirs.

» Au temps de sa splendeur, tout ce qu'il y avait de grand en Bourgogne avait voulu être enterré à Citeaux; des tombes illustres étaient abritées sous les voûtes de l'église de Citeaux; les moines blancs furent les gardiens de ces tombeaux,

Les moines du xve siècle laissèrent des mains mercenaires labourer, moissonner où avaient labouré et moissonné saint Robert, saint Albéric, saint Étienne, saint Bernard; des mercenaires entretinrent les constructions que tant de saints avaient édifiées. Ce n'était plus le Citeaux d'autrefois, C'en était le sol et les murs, mais ce n'en était plus l'esprit. Aussi, pendant les derniers siècles, Citeaux resta grand, mais seulement par ses souvenirs.

» Les fureurs révolutionnaires se déchaînèrent à Citeaux d'une façon plus horrible qu'ailleurs. Citeaux a été non seulement rasé, mais profané, souillé. Moi qui vous ai raconté les gloires de ce sol, je ne vous raconterai pas les ignominies dont il a été témoin.

» L'impiété, le vice, devant de telles ruines, avaient cru Citeaux mort.

» Mais est-ce que le bien, le grand, le noble, peut mourir ? on dit que s'il meurt, sa mort n'est pas la mort, c'est l'attente de la résurrection.

» La Vierge de Citeaux, que les moines avaient portée aux extrémités du monde, qu'ils avaient placée au haut des églises de leurs trois mille trois cents monastères, sous le ciel froid de la Norwège comme sous le ciel brûlant de la Méditerranée;

au milieu des brumes de l'Irlande et dans les marais de la Pologne, n'avait pas renoncé à cette terre qui avait enfanté tant de miracles en son nom.

» Jésus, que l'histoire nous représente se préparant à sa divine mission par le travail des mains et se faisant ouvrier avant d'évangéliser le monde, Jésus pouvait laisser l'horrible impiété s'acharner pour un temps sur Citeaux, mais il ne pouvait lui abandonner à jamais cette terre de bénédiction.

» Celui qui fut choisi par la Vierge de Citeaux et par le Sauveur pour relever Cîteaux en était digne entre tous. L'abbé Rey a été le second fondateur de Citeaux; il a fait revivre un Citeaux digne du premier. Ses mains et les mains de ses enfants ont repris l'OEuvre de saint Robert et de saint Bernard. Tout ici est l'ouvrage des enfants de l'abbé Rey comme tout dans l'ancien Citeaux était l'ouvrage des enfants de saint Robert. Le noble et sanctifiant travail des mains est la base de l'organisation du nouveau Citeaux comme il l'était de l'ancien.

» L'abbé Rey était seul digne de relever la Vierge de Cîteaux; qui pouvait en effet avoir plus de titres que lui? Tandis que le monde, dans son ignorance, dans sa légèreté, dans son égoïsme, avait jugé que les âmes des délaissés et des abandonnés étaient irrémédiablement vouées au mal et ne pouvaient être relevées, l'humble prêtre avait dit Dieu dans sa bonté n'a pas permis au mal de s'emparer à jamais d'aucune âme, et encore moins de celle des enfants; toute âme est guérissable; la faute du passé n'empêche pas l'honneur de l'avenir. Aimez l'enfance, enseignez-lui Dieu et le travail, et l'enfance, même coupable, sera sauvée.

» Ce noble langage fut compris. L'abbé Rey se mit à l'œuvre; il disputa au mal l'âme des enfants dont la société ne voulait plus, et ses efforts furent couronnés de succès, et à Oullins commença cette série de victoires sur le mal, qui a valu à la société moderne tant de gens de cœur et d'honneur; mais à Oullins, l'epsace manquait; alors la Vierge et son divin Fils donnèrent à l'abbé Rey cette terre bénie; ils lui donnèrent le vaste espace de Citeaux; vous connaissez l'histoire du nouveau Citeaux. Si votre Citeaux s'est ainsi relevé de ses ruines, si les lieux témoins de sa destruction sont aujourd'hui témoins de sa gloire, s'il a revécu noble et saint, ce n'est pas pour une destinée éphémère, mais pour un avenir long et glorieux. Le but

de l'OEuvre de l'abbé Rey est si haut, si grand! Son succès importe au monde.

» Partout il y a des enfants délaissés, abandonnés, dont un monde égoïste laisse perdre les âmes; partout l'OEuvre de l'abbé Rey est nécessaire. Je rêve pour elle la merveilleuse multiplication de l'ancien Cîteaux; c'est un des besoins du monde moderne. Que le nouveau Citeaux ait autant de maisons formées à son image que l'ancien Cîteaux en a eu! Cela dépend de vous, mes enfants.

» Si, rentrés dans le monde, vous donnez l'exemple des vertus qui vous ont été enseignées dans cette maison, tout le monde aimera, admirera votre Citeaux. Des religieux formés à l'école de l'abbé Rey iront à l'est, à l'ouest, au sud, au nord, travailler au relèvement des milliers d'enfants qui comme vous seront sauvés; cela dépend de vous; cela sera, et vous serez gens d'honneur pour vous, pour la gloire de Cîteaux. »

ÉTRANGER

1

Compte rendu de l'enquête complémentaire
sur le patronage des libérés.

Dans le Bulletin de juin 1883, notre honorable collègue, M. Proust, a rendu compte de l'enquête sur la libération conditionnelle et, dans une excellente préface, il a indiqué dans quelles circonstances la Société des Prisons avait provoqué cette enquête et envoyé en même temps un questionnaire complémentaire sur le patronage des libérés. Nous nous associons aux réflexions de notre honorable collègue et comme lui nous adressons nos plus sincères et vifs remerciements à nos savants et fidèles correspondants.

Pour faciliter les recherches et éviter les répétitions inutiles, nous rendrons compte de la partie de l'enquête relative au patronage des libérés dans la même forme déjà employée par notre honorable collègue pour la libération conditionnelle. Notre compte rendu sera donc divisé en deux parties la première comprendra les réponses de nos correspondants faites question par question, la seconde contiendra les réponses de nos correspondants qui, par suite de l'absence de tout patronage, ne pouvaient répondre d'une façon spéciale aux questions qui leur étaient posées.

PREMIÈRE PARTIE

Première question.

Comment le patronage est-il constitué dans votre pays? Sous la direction du Gouvernement, avec un simple concours de sa part, ou indépendamment de lui?

ANGLETERRE

1o Le patronage est exercé par des Sociétés particulières, subventionnées par le Gouvernement (M. MurrayBrowne).

2o Indépendamment du Gouvernement (M.Howard Vincent).

3o Indépendamment (M. du Cane).

4o Par une Société volontaire, avec le concours du Gouvernement et des autorités de provinces (M. Verney).

HOLLANDE

1° Indépendamment du Gouvernement (M. Ploos van Amstel.)

2o Le patronage officiel réglé par la loi n'existe pas dans les Pays-Bas. Il y a pourtant une Société pour l'amélioration morale des détenus fondée en 1823, reconnue par le Gouverne→ › ment. Les membres ont la faculté de visiter les condamnés même dans les cellules. Cette Société est tout à fait indépendante du Gouvernement; elle ne reçoit aucune subvention et elle n'est pas riche. Ses revenus consistent dans les cotisations annuelles de ses membres, et les revenus des legs qu'elle a reçus de

temps en temps. C'est la seule institution qui s'intéresse aux détenus; elle a des sections dans les principales villes du royaume (M. Bouvin).

SUISSE

Il est organisé par des Sociétés libres, mais dans certains cantons l'État accorde à ces dernières des subventions annuelles et les consulte chaque fois qu'il s'agit de trouver un surveillant pour un détenu proposé pour la libération provisoire (M. le Dr Guillaume).

ALLEMAGNE

Le patronage est constitué en Prusse comme affaire privée. Le Gouvernement favorise les Sociétés de patronage par le concours de ses employés (M. Illing).

ALSACE-LORRAINE

Il y a en Alsace-Lorraine une Société privée pour venir en aide aux plus jeunes libérés et les placer (M. Mayr).