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geoises: il ne leur faut ni vers, ni conversations; il n'est point question de leur ouvrir l'esprit; il faut leur prêcher les devoirs dans une famille, l'obéissance pour le mari, le soin des enfants, l'instruction de leur petit domestique, l'assiduité à la paroisse le dimanche et les fêtes, la modestie avec ceux qui viennent acheter, la bonne foi dans leur commerce. Il faut leur conseiller de demander à Dieu un bon confesseur, de le choisir dans la vue de leur salut, de se laisser conduire comme des enfants. Il faut qu'elles édifient leurs parents, leurs amis, leurs voisins, qu'elles donnent de bons conseils et de bons exemples. Il faut leur dire que la piété ne s'oppose point à la joie, et qu'au contraire il la faut faire aimer en montrant qu'on sert Dieu avec plaisir.

Les instructions publiques et particulieres doivent rouler là-dessus : vous devez quelquefois leur parler en particulier, et peu à chaque fois ; c'est le plus pressant devoir de la premiere maîtresse : c'est dans ce particulier qu'il faut attaquer leurs vices; elles reçoivent tout bien, quand il n'y a point de témoin.

J'ai ici une fille qui a été à SaintCyr, et qui sert mes femmes : rien n'est égal à sa vertu : elle ne perd pas la pré

sence de Dieu : elle met sa piété à semer sa journée de bonnes œuvres : elle dit que le service du prochain est une excellente priere: elle quitte l'église, aussi volontiers qu'elle y va elle dit que c'est ce qu'on lui a appris à Saint-Cyr elle est très-gaie.

Je ne serois pas surprise de voir votre ancienne sous ma sœur de Champlebon: nos classes sont pleines de ces exempleslà. Ma sœur de Radouay y est au-dessous de ma sœur de Gruel, qu'elle a peut-être élevée, et que sûrement elle a reçue. Il est absolument nécessaire que la premiere maîtresse soit chargée de tout, qu'il n'y ait qu'elle qui parle en particulier, qui fasse les graces, qui donne les récompenses, qui ordonne les châtiments: il faut que les autres suivent son esprit, qu'elles -lui renvoient la conscience des enfants qu'elles ne leur souffrent aucun attachement pour elles : : autrement chaque maîtresse auroit ses filles; ce ne seroit. plus que division et que désordre. Nos dames se trouvent bien d'avoir établi : cete subordination leur vertu et leur bon esprit les en ont rendues capables.

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Je voudrois, avant de mourir, vous voir encore une fois, et que vous amenassiez Champlebon : cette visite ne vous.

seroit point inutile; je ne dois pas la proposer pour mon seul plaisir.

Je vois de grandes difficultés dans la diversité des conditions par la différence des choses qu'il faut dire.

Quoique toutes les ames soient également précieuses à Dieu, il faut pourtant que l'instruction, soit plus étendue pour la fille d'un gentilhomme , que pour les filles d'un vigneron. Expliquez - leur librement la différence des conditions: dites-leur que Dieu est le roi de tous les états que dans le ciel les rangs ne seront marqués que par les vertus, et que la plus pieuse de ses sujettes lui est toujours la plus agéable. Quand la grande demoiselle peignera la petite paysanne; la paysanne servira sans répugnance la demoiselle, et conviendra qu'elle est née pour la servic. L'éducation doit être différente : il suffit à la bourgeoise de savoir ce qui est absolument nécessaire pour être sauvée; il faut un peu plus éclairer les autres. Il faut que les demoiselles parlent bon françois; et les reprendre, quand elles y manquent. Il n'importe que les autres s'expliquent en leur language, pourvu qu'elles l'entendent assez pour pratiquer ce qui est commandé. Les filles du vigneron seroient ridicules. en lisant des vers: ils sont bons aux.

demoiselles. Il faut parler aux filles de marchands, de la fidélité de leur commerce, sur les mesures, sur le poids, sur le profit permis: cela ne convient point aux autres.

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Nous nous sommes apperçus souvent du bon effet de la subordination ét les exemples de soumission et d'humilité sont encore plus forts que les discours. C'est ce qui a établi ce bon esprit à Saint - Cyr, qui fait qu'une fille de douze ans répond au cathéchisme à une qui en a sept, comme elle feroit à sa supérioré, et qu'elles apprennent toutes les unes des autres tout ce qu'elles savent. Car en tout on inspire la raison; en leur montrant la petitesse qu'il y auroit à ne pas vouloir profiter de ce qu'une autre sait, parce qu'on a quelques années de plus. On leur donne toujours les choses pour ce qu'elles sont la piété au-dessus de tout, la raison ensuite: les talents pour ce qu'ils valent; on ne récompense point celles. qui en ont: on n'estime que la vertu et la sagesse. En les louant de bien réciter des vers, ou d'avoir chanté avec goût, on leur dit que les plus impures actrices d'Opéra s'en acquittent mieux qu'elles; en aime autant celles qui n'ont aucunes de ces qualités extérieures, et les sages

ont les distinctions. Ayez de la raison, et vous en inspirerez aux enfants.

Voici l'essentiel de l'éducation : qu'elles vous voient, en tout, juste, désintéressée, donnant autant de soin à la plus choquante qu'à la plus aimable. Les enfants voient fort bien les vices, ou les vertus de leur maîtresse. Il faut parler à une fille de sept ans, aussi sensément qu'à une de vingt : c'est en exigeant beaucoup de leur raison, qu'on en hâte les progrès.

JE

LETTRE XLII.

De Me. de la Viefrille, à Me. de
Maintenon.

E vous réponds, madame, de la simplicité de toute notre maison, et de sa docilité sur tout ce qui regarde la doctrine. Nous vivons dans une ignorance parfaite de toutes sortes de disputes : il n'y a ni partis, ni division, à Gomer-Fontaines : j'ai un extrême éloignement pour tout ce qui peut altérer la charité et la foi. Je ne comprends pas ce qui peut vous être revenu sur notre supérieur : ses mœurs et sa doctrine, autant que je puis en juger, m'ont paru en tout temps extrê

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