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tains objets dont la qualité n'est pas aussi sensible, comme, par exemple, des obligations. (Art. 529.) Des actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, et enfin des rentes.

Quant aux obligations, vous prévoyez bien qu'on a placé celles qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers dans la classe des meubles, par le même motif qui fait réputer immeubles les actions tendant à revendiquer un immeuble.

Les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, sont aussi rangés dans la même classe, parce que les bénéfices qu'ils procurent sont mobiliers. Et la règle est juste même lorsque les compagnies de commerce, de finance ou d'industrie ont dû acquérir quelques immeubles pour l'exploitation de l'entreprise. Cette entreprise est toujours le principal objet de l'association dont l'immeuble n'est que l'accessoire, et la qualité d'une chose ne peut être déterminée que par la considération de son objet principal.

Observons cependant que les actions ou intérêts dans les compagnies de commerce, d'industrie ou de finance, ne sont réputés meubles qu'à l'égard de chaque associé seulement et tant que dure la société; car les immeubles appartenant à l'entreprise sont toujours immeubles sans contredit à l'égard des créanciers de ces compagnies, et ils sont encore immeubles à l'égard des associés lorsque la société étant rompue, il s'agit d'en régler et d'en partager les bénéfices ou les pertes.

Nous avons aussi placé les rentes dans la classe des meubles.

C'était autrefois une question très-controversée de savoir si les rentes constituées étaient meubles ou immeubles: la coutume de Paris les réputait immeubles; d'autres coutumes les réputaient meubles : dans cette diversité d'usages, la nature de la rente était réglée par le domicile du créancier à qui elle était due; la rente étant un droit personnel, ne pouvait en effet être régie que par la loi qui régissait la personne: il résultait de là que dans un temps où les héritiers des meubles n'étaient pas toujours héritiers des immeubles, un homme qui ne possédait que des rentes, pouvait, sans dénaturer sa fortune, déranger à son gré l'ordre des successions en rendant sa propriété mobilière ou immobilière, suivant qu'il lui convenait de fixer son domicile sous l'empire de telle ou telle coutume.

Cette bizarrerie a dû disparaître, et, au moment où nous créons une législation fondée sur la nature même des choses, nous n'avons pas dû ranger dans la classe des immeubles des objets purement personnels, qui n'ont eux-mêmes rien d'immobilier, et qui peuvent exister sans même leur supposer une hypothèque sur des immeubles.

Que les rentes constituées aient été considérées comme immeubles lorsqu'il était défendu de stipuler l'intérêt de l'argent, lorsqu'on ne pouvait constituer une rente sans feindre 1.o que celui qui en fournissait le capital l'aliénait à perpétuité; 2.0 que celui qui constituait la rente se dessaisissait d'un héritage et en investissait son créancier, qui, en percevant ensuite les arrérages de cette rente, n'était censé recevoir que les fruits de l'immeuble dont son débiteur s'était fictivement dessaisi : cela peut se concevoir; mais tant de subtilité n'est plus de notre siècle: il faut partir aujourd'hui de vérités généralement reconnues; l'argent peut produire des intérêts très-légitimes, sans qu'il soit besoin de recourir à une aliénation fictive du capital; et une rente ne présentant dans son caractère rien d'immobilier, ne peut être déclarée que meuble dans nos lois.

ART. 533.-Il s'élevait aussi de grandes contestations sur l'acceptation des mots meubles, meubles meublants, biens meubles, mobilier, effets mobiliers, quand ils étaient employés dans les actes: nous avons cru ne devoir pas laisser subsister une incertitude qui fût quelquefois très-embarrassante pour les juges, et toujours ruineuses pour les plaideurs (Art. 533). Nous avons en conséquence fixé le sens précis de toutes ces expressions.

Nous avons aussi fait disparaître les doutes sur quelques autres points qui nous étaient signalés par les nombreux procès dont ils furent l'objet. Il serait superflu de vous en entretenir dans ce moment, et d'entrer dans les détails; la lecture de la loi vous les fera suffisamment connaître, ainsi que la sagesse des motifs qui l'ont provoquée.

Je passe au troisième et dernier chapitre, celui des biens dans leurs rapports avec ceux qui les possèdent.

ART. 538.-Les lois romaines distinguaient dans les biens, ceux qui sont communs à tous les hommes, comme l'air, comme la dont un peuple ne peut envahir la domination sans se déclarer le plus odieux et le plus

mer,

insensé des tyrans; les choses publiques, comme les chemins, les ports, les rivages de la mer et autres objets de cette nature; les choses qui n'appartenaient à personne, res nullius, elles étaient celles consacrées au service divin, les choses qui appartenaient aux communautés d'habitants, comme les théâtres et autres établissements de cette espèce; et enfin les choses dites, res singulorum, c'est-à-dire, celles qui se trouvaient dans le commerce, parce qu'elles étaient susceptibles de propriété privée.

Les biens compris dans cette dernière classe, sont les seuls dont le Code civil doive s'occuper; les autres sont du ressort ou d'un code de droit public, ou de lois administratives, et l'on n'a dû en faire mention que pour annoncer qu'ils étaient soumis à des lois particulières.

Les biens susceptibles de propriété privée peuvent être dans la possession de la nation ou des communes.

ART. 539. Déjà vous avez érigé en loi, dans le cours de votre dernière cession, la maxime que les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la nation; conséquence nécessaire à l'abolition du droit du premier occupant, droit inadmissible dans une société organisée.

ART. 539. -En vous proposant aujourd'hui de déclarer que les biens vacants et sans maître, et les biens des personnes qui ne laissent pas

d'héritiers appartiennent aussi à la nation, nous ne vous présentons pas une disposition nouvelle; c'est une suite naturelle de ce que yous avez déjà sanctionné.

ART. 537.-Ces biens, quoique susceptibles de propriété privée, sont administrés et aliénés par des règles et dans des formes qui leur sont propres, pendant qu'ils se trouvent hors de la propriété des particuliers.

Ce qu'il importait surtout d'établir solennellement dans le code, c'est que les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent : voilà la principale dis

position du chapitre III; voilà la sauve-garde et la garantie de la propriété.

Cependant cette maxime elle-même pourrait devenir funeste, si l'usage que chacun peut faire de sa propriété, n'était pas surveillé par la loi.

Si un particulier s'obstinait à ne pas réparer sa maison, et à mettre en danger, par cette manière d'user de la chose, la vie de ceux qui traverseraient la rue, point de doute qu'il devrait être forcé par la puissance publique à démolir ou à réparer. Îl serait facile de citer d'autres abus de propriété qui compromettraient et la sûreté des citoyens, et quelquefois même la tranquillité de la société

entière.

Il a donc fallu, en même-temps qu'on assurait aux particuliers la libre disposition de leurs biens, ajouter à cette maxime inviolable le principe non moins sacré que cette disposition était néanmoins soumise aux modifications établies par les lois, et c'est par cette précaution sage et prudente, que la sûreté et la propriété de tous se trouvent efficacement garanties: ce n'est pas par des mouvements capricieux et arbitraires que la faculté de disposer de sa chose pourra être modifiée: c'est par la loi seule, c'est-à-dire, par la volonté nationale, dont vous êtes les organes; et votre sagesse est un garant que cette volonté n'admet de modification que pour des motifs d'une haute considération.

ART. 543. Enfin, le dernier article de la loi nous ramène à ce que nous vous annoncions en commençant on ne peut avoir sur les biens que trois sortes de droits, ou un droit de propriété, ou une simple jouissance, ou seulement des services fonciers: ainsi notre code abolit jusqu'au moindre vestige de ce domaine de supériorité, jadis connu sous les noms de seigneurie féodale et censuelle.

Les titres de la propriété, de l'usufruit, des servitudes, vous serout bientôt présentés; notre mission se borne à vous présenter le titre de la Distinction des Biens.

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Décrété le 6 pluviôse an x11 (27 janvier 1804); - Promulgué le 16 du même mois (6 février 1804). [ARTICLES 544 à 577.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État PORTALIS.

LÉGISLATEURS

Séance du 26 nivóse an X11 (17 janvier 1804). *

ART. 544. Le projet de loi qui vous est soumis définit la propriét get en fixe les caractères essentiels; il détermine le pouvoir de l'état ou de la cité sur les propriétés des citoyens; il règle l'étendue et les limites du droit de propriété, considéré en lui-même et dans ses rapports avec les diverses espèces de biens.

Dans cette matière, plus que dans aucune autre, il importe d'écarter les hypothèses, les fausses doctrines; et de ne raisonner que d'après des faits simples dont la vérité se trouve consacrée par l'expérience de tous les âges.

L'homme en naissant n'apporte que des besoins; il est chargé du soin de sa conservation; il ne saurait exister ni vivre sans consommer il a donc un droit naturel aux choses nécessaires à sa subsistance et à son entretien.

Il exerce ce droit par l'occupation, par le travail, par l'application raisonnable et juste, de ses facultés et de ses forces.

Ainsi le besoin et l'industrie sont les deux principes créateurs de la propriété.

particulière. Les biens, réputés communs avant l'occupation, ne sont, à parler avec exactitude, que des biens vacants. Après l'occupation, ils deviennent propres à celui ou à ceux qui les occupent. La nécessité constitue un véritable droit : or c'est la nécessité même, c'est-à-dire la plus impérieuse de toutes les lois qui nous commande l'usage des choses sans lesquelles il nous serait impossible de subsister. Mais le droit d'acquérir ces choses et d'en user ne serait-il pas entièrement nul sans l'appropriation, qui seul peut le rendre utile en le liant à la certitude de conserver ce que l'on acquiert.

Méfions-nous des systêmes dans lesquels on ne semble faire de la terre la propriété com→ mune de tous que pour se ménager le prétexte de ne respecter les droits de personne.

Si nous découvrons le berceau des nations, nous demeurons convaincus qu'il y a des propriétaires depuis qu'il y a des hommes. Le sauvage n'est-il pas maître des fruits qu'il a cueillis pour sa nourriture, de la fourrure ou du feuillage dont il se couvre pour se prémunir contre Quelques écrivains supposent que les biens les injures de l'air, de l'arme qu'il porte pour de la terre ont été originairement communs. sa défense, et de l'espace dans lequel il consCette communauté, dans le sens rigoureux truit sa modeste chaumière? On trouve, dans qu'on y attache, n'a jamais existé ni pu exister. tous les temps et par-tout, des traces du droit Sans doute la providence offre ses dons à l'uni- individuel de propriété. L'exercice de ce droit, versalité, mais pour l'utilité et les besoins comme celui de tous nos autres droits naturels, des individus ; car il n'y a que des individus s'est étendu et s'est perfectionné par la raison, dans la nature. La terre est commune di- par l'expérience, et par nos découvertes en saient les philosophes et les jurisconsultes de tout genre. Mais le principe du droit est en l'antiquité, comme l'est un théâtre public qui nous; il n'est point le résultat d'une conattend que chacun vienne y prendre sa place vention humaine ou d'une loi positive; il est

1ome II.

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dans la constitution même de notre être, et dans nos différentes relations avec les objets qui nous environnent.

Nous apprenons par l'histoire que d'abord le droit de propriété n'est appliqué qu'à des choses mobiliaires. A mesure que la population augmente, on sent la nécessité d'augmenter les moyens de subsistance. Alors, avec l'agriculture et les différents arts, on voit naître la propriété foncière, et successivement toutes les espèces de propriétés et de richesses qui marchent à sa suite.

Quelques philosophes paraissent étonnés que l'homme puisse devenir propriétaire d'une portion de sol qui n'est pas son ouvrage, qui doit durer plus que lui, et qui n'est soumise qu'à des lois que l'homme n'a point faites. Mais cet étonnement ne cesse-t-il pas, si l'on considère tous les prodiges de la main-d'œuvre, c'est-à-dire, tout ce que l'industrie de l'homme peut ajouter à l'ouvrage de la nature?

et

Les productions spontanées de notre sol n'eussent pu suffire qu'à des hordes errantes de sauvages, uniquement occupées à tout détruire pour fournir à leur consommation réduites à se dévorer entre elles après avoir tout détruit. Des peuples simplement chasseurs ou pasteurs n'eussent jamais pu former de grands peuples. La multiplication du genre humain a suivi partout les progrès de l'agriculture et des arts; et cette multiplication, de laquelle sont sorties tant de nations qui ont brillé et qui brillent encore sur le globe, était entrée dans les vastes desseins de la providence sur les enfants des hommes.

Oui, législateurs, c'est par notre industrie que nous avons conquis le sol sur lequel nous existons; c'est par elle que nous avons rendu la terre plus habitable, plus propre à devenir notre demeure. La tâche de l'homme était, pour ainsi dire, d'achever le grand ouvrage de la création.

Or, que deviendraient l'agriculture et les arts sans la propriété foncière, qui n'est que le droit de posséder avec continuité la portion de terrain à laquelle nous avons appliqué nos pénibles travaux et nos justes espérances?

Quand on jette les yeux sur ce qui se passe dans le monde on est frappé de voir que les divers peuples connus prospèrent bien moins en raison de la fertilité naturelle du sol qui les nourrit, qu'en raison de la sagesse des maximes qui les gouvernent. D'immenses

contrées dans lesquelles la nature semble d'une main libérale répandre tous ses bienfaits, sont condamnées à la stérilité, et portent l'empreinte de la dévastation, parce que les propriétés n'y sont point assurées. Ailleurs l'industrie, encouragée par la certitude de jouir de ses propres conquêtes, transforme des déserts en campagnes riantes, creuse des canaux, dessèche des marais, et couvre d'abondantes moissons des plaines qui ne produisaient jusques-là que la contagion et la mort. A côté de nous un peuple industrieux, aujourd'hui notre allié, a fait sortir du sein des eaux, la terre sur laquelle il s'est établi, et qui est entièrement l'ouvrage des hommes.

En un mot, c'est la propriété qui a fondé les sociétés humaines. C'est elle qui a vivifié, étendu, agrandi rotre propre existence. C'est par elle que l'indie de l'homme, cet esprit de mouvement ete vie qui anime tout, a été portée les eaux, et a fait éclore sous les divers climats tous les germes de richesse et de puissance.

Ceux-là connaissent bien mal le cœur humain qui regardent la division du patrimoine comme la source des querelles, des inégalités, et des injustices qui ont affligé l'humanité. On fait honneur à l'homme qui erre dans les bois et sans propriété de vivre dégagé de toutes les ambitions qui tourmentent nos petites ames. N'imaginons pas pour cela qu'il soit sage et modéré; il n'est qu'indolent. Il a peu de désirs, parce qu'il a peu de connaissances. Il ne prévoit rien, et c'est son insensibilité même sur l'avenir qui le rend plus terrible quand il est vivement secoué par l'impulsion et la présence du besoin. Il veut alors obtenir par la force ce qu'il a dédaigné de se procurer par le travail: il devient injuste et cruel.

D'ailleurs, c'est une erreur de penser que des peuples chez qui les propriétés ne seraient point divisées n'auraient aucune occasion de querelle ces peuples ne se disputeraient-ils pas la terre vague et inculte, comme parmi nous les citoyens plaident pour les héritages? Ne trouveraient-ils pas de fréquentes occasions de guerre pour leurs chasses, pour leurs pêches, pour la nourriture de leurs bestiaux?

L'état sauvage est l'enfance d'une nation; et l'on sait que l'enfance d'une nation n'est pas son âge d'innocence.

Loin que la division des patrimoines ait pu détruire la justice et la morale, c'est au

contraire la propriété, reconnue et constatée par cette division, qui a développé et affermi les premières règles de la morale et de la justice. Car, pour rendre à chacun le sien, il faut que chacun puisse avoir quelque chose. J'ajoute que les hommes portant leurs regards dans l'avenir, et sachant qu'ils ont quelque bien à perdre, il n'y en a aucun qui n'ait à craindre pour soi la représaille des torts qu'il pourrait faire à autrui.

Ce n'est pas non plus au droit de propriété qu'il faut attribuer l'origine de l'inégalité parmi les hommes.

Les hommes ne naissent égaux ni en taille, ni en force, ni en industrie, ni en talents. Le hasard et les événements mettent encore entre eux des différences. Ces inégalités premières, qui sont l'ouvrage même de la nature, entraînent nécessairement celles que l'on rencontre dans la société.

On aurait tort de craindre les abus de la richesse et des différences sociales qui peuvent exister entre les hommes: l'humanité, la bienfaisance, la pitié, toutes les vertus dont la semence a été jetée dans le cœur humain, supposent ces différences, et ont pour objet d'adoucir et de compenser les inégalités qui en naissent, et qui forment le tableau de la vie.

De plus, les besoins réciproques et la force des choses établissent entre celui qui a peu et celui qui a beaucoup, entre l'homme industrieux et celui qui l'est moins, entre le magistrat et le simple particulier, plus de liens que tous les faux systêmes ne pourraient

en rompre.

N'aspirons donc pas à être plus humains que la nature, ni plus sages que la nécessité. ART. 544. Aussi vous vous empresserez, législateurs, de consacrer par vos suffrages le grand principe de la propriété, présenté dans le projet de loi comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue. Mais comme les hommes vivent en société et sous des lois, ils ne sauraient avoir le droit de contrevenir aux lois qui régissent la société.

Il est d'une législation bien ordonnée de régler l'exercice du droit de propriété comme on règle l'exercice de tous les autres droits. Autre chose est l'indépendance, autre chose est la liberté. La véritable liberté ne s'acquiert que par le sacrifice de l'ind Spendance.

Les peuples qui vivent entre eux dans l'état

de nature sont indépendants sans être libres; ils sont toujours forçants ou forcés. Les citoyens sont libres sans être indépendants, parce qu'ils sont soumis à des lois qui les protègent contre les autres et contre eux-mêmes.

La vraie liberté consiste dans une sage composition des droits et des pouvoirs individuels avec le bien commun. Quand chacun peut faire ce qui lui plaît, il peut faire ce qui nuità autrui; il peut faire ce qui nuit au plus grand nombre. La licence de chaque particulier opérerait infailliblement le malheur de tous.

Il faut donc des lois pour diriger les actions relatives à l'usage des biens, comme il eu est pour diriger celles qui sont relatives à l'usage des facultés personnelles.

On doit être libre avec les lois, et jamais contre elles. De-là, en reconnaissant dans le propriétaire le droit de jouir et de disposer de sa propriété de la manière la plus absolue, nous avons ajouté, pourvu qu'il n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les réglements. ART. 545. C'est ici le moment de traiter une grande question: Quel est le pouvoir de l'état sur les biens des particuliers?

Au citoyen appartient la propriété et au souverain l'empire (1). Telle est la maxime de tous les pays et de tous les temps. C'est ce qui a fait dire aux publicistes « que la libre et tran» quille jouissance des biens que l'on possède, » est le droit essentiel de tout peuple qui n'est ⚫ point esclave; que chaque citoyen doit garder » sa propriété sans trouble; que cette propriété » ne doit jamais recevoir d'atteinte, et qu'elle » doit être assurée comme la constitution » même de l'état (2)».

L'empire, qui est le partage du souverain, ne renferme aucune idée de domaine proprement dit (3). Il consiste uniquement dans la puissance de gouverner. Il n'est que le droit de prescrire et d'ordonner ce qu'il faut pour le bien général, et de diriger en conséquence les choses et les personnes. Il n'atteint les actions libres des citoyens qu'autant qu'elles doivent être tournées vers l'ordre public. Il ne donne à l'état sur les biens des citoyens que le droit de

(1) Omnia rex imperio possidet, singuli dominio. Séneque, lib. VII, cap. IV et V de Beneficis. (2) Bohemer, Introductio in jure publico, p. 250. Le Bret, de la Souveraineté, liv. IV, chap. X. - Esprit des Lois, liv. VIII, chap. II.

(3) Imperium non includit dominium feudorum vel rerum quarumque civium. Wolf. Jus naturæ, part. I, paragr. 103,

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