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Prince recevait la nouvelle de l'entrée des troupes anglaises et de M. le duc d'Angoulême à Bordeaux. Il en fit part à M. de Laurencin et expédia sur le champ un aide de camp à Dijon, pour en donner la nouvelle à l'empereur François.

Les députés de Lyon arrivèrent dans ces conjonctures à Dijon. Ils y furent accueillis avec bienveillance. On promit de grands adoucissemens sur les réquisitions. Mais sur tout ce qui touchait à la politique, la réserve fut extrême; on ne voulut pas même paraître informé de la reddition de Bordeaux, et toutes les informations que purent obtenir les députés se réduisirent à ce qui était expliqué dans un ordre du jour qu'ils y trouvèrent affiché, et qui était ainsi conçu :

« Ordre du jour du 6 février 1814.

» Sur la demande faite, comment on doit se » conduire actuellement à l'égard de la maison » de Bourbon, les puissances alliées sont déter» minées à ne point s'en occuper dans les circons>>tances présentes.

» Si le peuple Français n'est pas content de son » souverain, si c'est son vœu général que la mai

son de Bourbon remonte sur le trône, c'est à » lui à faire le nécessaire; et les puissances al» liées sont très-déterminées à n'y mettre aucun » obstacle.

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» Il est défendu, quant à présent, de publier > aucune proclamation, à moins qu'elle ne soit >> approuvée par les ministres des cours, ou par » les commandans-généraux.

» Il est défendu de porter aucune cocarde, ni >> d'arborer aucun drapeau, de former aucun ras>> semblement dans les pays occupés par les alliés; » s'il s'en formait, ils devraient être dissipés sur >> le champ.

» Si dans l'intérieur de la France, et dans les » pays non occupés par les alliés, il se formait » des rassemblemens combattre le gouver

pour

» nement français, alors ils seront accueillis >> traités amicalement ; et en cas d'échec, soutenus >> autant que possible. >>

Ainsi la ville de Lyon ne pouvait compter sur aucun appui certain, et n'avait rien à attendre que de son courage et de son dévouement.

Mais l'heure marquée par la Providence, pour faire éclater ses grands desseins, avait enfin sonné. Rien n'intimide des hommes sincèrement dévoués à leurs princes légitimes et au salut de la patrie.

Pendant qu'une confédération royaliste se forme entre divers adininistrateurs municipaux et d'autres citoyens, pour préparer la déclaration de la ville, pour y disposer les esprits timides, pour y rallier le reste de la population, une voix éloquente, accoutumée à agrandir la gloire et la sainteté du ministère évangélique, en faisant tour

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ner au profit de la religion, les révolutions de la terre, les vicissitudes de la fortune, de la grandeur et de la puissance, osait dès le 3 avril, avant même que pût être connue à Lyon la reddition de Paris, allier dans un admirable sermon sur les vérités éternelles, le tableau de nos malheurs à celui de nos espérances, et célébrer dans notre prochain affranchissement d'un joug impie et barbare, le double triomphe de l'humanité et de la religion (1). Il peignait à grands traits et avec l'énergie d'une ame profondément pénétrée, les mensonges, les charlataneries, les jactances, les égaremens de l'ennemi de Dieu et des hommes et faisait entrevoir dans un avenir peu éloigné, les bienfaits réservés à notre délivrance. Ce courageux prédicateur était M. Bonnevie, chanoine de la métropole de Lyon. Les fidèles qui se plaisaient à l'entendre, à retrouver leurs propres sentimens dans ceux dont on leur présentait des tableaux si animés, partagèrent sur-tout l'émotion de l'orateur, lorsqu'il leur rappela « cette princesse angé» lique, dont la France seule peut sécher les » larmes, et dont aucune éloquence ne peut » exprimer les douleurs ; cette princesse que

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(1) Ce discours courageux fut prononcé le dimanche des Rameaux, dans l'église de St. Polycarpe. Voyez le journal des Débats du 16 juin 1814.

» l'Europe attendrie contemple avec respect; le » modèle des orphelines par sa résignation su» blime; réunissant en elle le courage d'une » mère, la piété d'une tante, l'innocence d'un » frère, éternels objets de ses pleurs et des nô» tres. » Il fallait, pour parler ainsi, que l'auditoire et l'orateur fussent dignes l'un de l'autre ; et ils l'étaient.

En effet, l'administration qui, dès le 6 avril, avait convoqué le conseil municipal au 8, pour délibérer sur ces graves circonstances, n'était embarrassée que de retenir le zèle des citoyens qui, par des mesures partielles et toujours dangereuses, se pressaient de se déclarer, voulaient à chaque instant prendre l'initiative (1), lorsque les autrichiens qui avaient interrompu le service des postes, et qui, le 6 avril, paraissaient ignorer encore les grands événemens qui venaient de se passer à Paris (2), communiquèrent la nouvelle de la reddition de cette capitale, sans aucuns détails sur ce qui s'était passé depuis (3). C'est à cette nouvelle que s'appliquait une affiche du

(1) Voyez la proclamation du maire, en date du même jour, pièces justificatives, n.o 3.

(2) Voyez la proclamation de M. le baron de Mylius, de cette date, n.o 1.

(3) Voyez la proclamation du comte de Salins, du 8 avril, n.o 2.

maire, placardée le 8, où il était dit que d'importantes communications venaient de lui être faites.

Enfin, le maire, les adjoints et une partie des conseillers municipaux se réunissent. Les noms des membres présens méritent d'être connus : c'étaient MM. le comte d'Albon, maire; le comte de Laurencin, le baron de Vauxonne, les chevaliers de Sainneville, de Casenove, de Varax, adjoints; le comte de Chaponay, le marquis de Ruolz, Eynard, Bodin aîné, d'Ambérieux, Frerejean aîné, de la Roue, le baron Grailhe-deMontaima, le baron de la Chassagne, Arlez, Masson-Mongez, Boulard-de-Gatelier, Falsan aîné, et Guerre nommé secrétaire pour cette séance mémorable.

Les députés envoyés à Dijon étaient arrivés le même jour. Ils assistèrent à la séance. M. de Laurencin, en leur nom, rendit un compte fidèle de leur mission: il ne dissimula point ce qu'il y avait d'équivoque dans la politique extérieure des puissances, et il déposa sur le bureau l'ordre du jour du 6 février, comme offrant un résultat exact de tout ce qu'ils avaient pu recueillir. Mais aucune considération ne put retenir l'élan de l'assemblée, et lui-même le partageait. Le conseil, après avoir entendu dans un discours plein d'énergie, le récit des excès auxquels s'était porté Buonaparte contre la France et contre ses droits les plus sacrés, contre l'Europe et l'humanité, ne prit point,

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