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la cour de cass., le 30 juillet 1822. Il en résulte que, si le détenteur laisse écouler un mois, à partir de la sommation qui lui est faite par un créancier, sans faire, soit à lui, soit aux autres, les notifications prescrites par les art. 2183 et suiv., il est déchu du droit de les faire à l'égard de ceux pour lesquels il est en retard. C'est aussi l'opinion de Grenier, no 456; de Troplong, no 795 bis, et de Lachaize, t. 2, p. 511, no 503.

« L'art. 2183, C. civ., exige-t-il une sommation distincte de celle prescrite par l'art. 2169, en sorte qu'il faille, pour saisir l'immeuble sur le tiers détenteur, d'abord une sommation afin qu'il ait à purger; 2o une sommation à fin de payer ou de délaisser?

» Nous pensons que le tiers détenteur, qui veut purger d'hypothèque le bien qu'il a acquis, est suffisamment averti par la loi, qu'il doit user de cette faculté soit avant les poursuites du créancier hypothécaire, soit au plus tard dans le mois du premier acte que ce créancier lui signifie, et que le premier acte qui forme la première poursuite du créancier est le commandement fait au débiteur originaire, reporté au tiers détenteur avec sommation de payer la dette exigible ou de délaisser l'héritage (1).

» En effet, d'après les art. 2167 et 2168, les poursuites en expropriation forcée ne peuvent être dirigées contre le tiers détenteur, que lorsqu'il n'a pas rempli les formalités prescrites

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pour purger la propriété; et ce n'est qu'alors que, demeurant obligé à toutes les dettes hypothécaires, il doit payer tous les intérêts et capitaux exigibles ou délaisser l'immeuble. » Mais on ne saurait conclure de là qu'il faille préalablement sommer ce tiers acquéreur de purger.

» La loi ne connait aucune disposition qui impose cette obligation au créancier, et l'on sait qu'il est contraire aux principes de suppléer une obligation à la charge d'une partie, et, à plus forte raison, d'attacher au défaut d'accomplissement de cette obligation supposée une nullité de poursuites.

» Nous avons parcouru avec soin les meilleurs ouvrages écrits sur cette matière, et nous n'avons rien trouvé dans aucun qui puisse autoriser à dire que leurs auteurs aient adopté, ou semblent adopter la nécessité de deux sommations différentes, l'une pour purger, l'autre pour délaisser.

» Au contraire, Tarrible, dans son commentaire sur le titre des Hypothèques, cité par les éditeurs de la Jurisprudence du Code civil, dit formellement que le droit de purger est purement facultatif; que l'acquéreur est libre de l'employer ou de le négliger. Il n'est donc pas nécessaire d'une sommation préalable; car il serait absurde de sommer quelqu'un de faire ce qu'il a la liberté de faire ou de ne pas faire, si cela lui convient (2).

» Au reste, il existe sur cette difficulté une

(1) Par deux arrêts, l'un du 4 juin 1807, l'autre du 6 juillet 1812 (Sirey, t. 15, 26, p. 26), la cour de Nimes a décidé la question d'une manière absolument opposée; mais l'arrêtiste critique cette décision; et, d'un autre côté, un troisième arrêt de la même cour de Nimes, rendu le 28 août 1812, prononce formellement le contraire dans les termes suivants : « Altendu que la sommation qu'exige l'art. 2183 du Code ne peut être autre que celle prescrite par l'arti»cle 2169, auquel l'art. 2183 se réfère. » Cet arrêt prouve que la cour de Nîmes est revenue contre la jurisprudence qu'elle avait consacrée. Mais il y a plus : les éditeurs de la Jurisprudence du Code, à la suite de l'arrêt du 6 juillet 1812, rapportent une note insérée dans le Mém. de Jurisp. de Bazille, conseiller à Nimes, dans laquelle ce magistral fait remarquer que l'arrêt dont il s'agit n'est motivé que de cette manière, adoptant en entier les motifs énoncés au jugement dont est appel. Or, Bazille atteste que ce jugement, qui rejetait des poursuites faites contre un tiers détenteur, fut confirmé, en ce qu'il décidait que la sommation de payer ou de délaisser, devait être précédée d'un commandement régulier fait au débiteur originaire; que le commandement n'était pas régulier dans l'espèce, et que le tiers détenteur avait pu faire valoir toutes les nullités qui se trouvaient dans ce commandement. Il est vrai que les premiers juges avaient aussi motivé leur jugement sur ce que la cour de Nîmes, par le premier arrêt du 4 juin 1807, avait décidé que la sommation exigée par l'art. 2183 était différente de celle dont il s'agit en l'art. 2169; et c'est parce que la cour de Nimes, dans son arrêt du 6 juillet 1812, avait adopté en entier les motifs des premiers |

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juges, que l'on a conclu qu'elle avait deux fois prononcé de la même manière. Ce mot en entier, dit Bazille, est une erreur de plume qui doit d'autant moins tirer à conséquence, que l'opinion bien connue de la cour a été manifestée par le troisième arrêt, du 25 août 1812. Nous sommes positivement assuré, ajoute-t-il, que la question ne fut pas discutée par la cour, et l'on sent que toute discussion à cet égard eût été superflue et sans objet, du moment que la cour reconnaissait qu'il n'y avait pas de commandement valable fait au débiteur originaire.

>> Il faut donc tenir pour certain qu'il n'existe contre l'opinion que nous venons d'émettre, que le premier arrêt de la cour de Nimes; et qu'au contraire, on peut s'appuyer du troisième, qui a formellement et très-explicitement résolu la question d'une manière conforme à cette opinion.» (CARRÉ.)

(2) « Ajoutons que Delvincourt, liv. II, titre IX, section 1re, admet formellement notre opinion. « Quant à » ces mots, première sommation, qui se trouvent dans » l'art. 2183, ils doivent être entendus, dit-il, dans le » sens que s'il y a plusieurs créanciers qui aient fait » chacun la sommation de l'art. 2169, le délai court de » la première. Quel intérêt le créancier a-t-il que l'acquéreur paye ou ne paye pas ? Cela lui est absolu»ment indifférent. Son intérêt est d'être payé, soit sur » le prix de l'acquisition, soit sur celui de l'expropria» tion: l'on conçoit donc bien l'utilité d'une sommation » de payer ou de délaisser; mais l'on ne conçoit pas » celle d'une sommation de purger. »

» Par cette explication, on voit que le savant professcur de Paris répond parfaitement à l'objection tirée des termes de l'art. 2169, et qui n'était fondée que sur une

raison qui paraît tranchante; c'est que le droit | Limoges, 28 avril 1818; Riom, 31 mai 1818, du créancier contre l'acquéreur, ne peut et Brux., 6 février 1823 (Sirey, t. 24 p. 175). évidemment prendre naissance qu'au moment Mais la cour d'Orléans, le 4 juillet 1828 où il n'a pas purgé; jusque-là, on ne peut (Sirey, t. 29, 2o, p. 56), a consacré la doctrine exercer l'action personnelle résultant de la de Carré, qui est aussi celle de Persil père, dette, que contre la personne du débiteur. Rég. hyp., t. 2, p. 175; Delvincourt, ubi suprà, et Lachaize, t. 2, p. 308, no 502. Ce dernier auteur ne se rend néanmoins qu'avec peine à cette doctrine qu'il reconnaît être maintenant bien assise.

Au reste, il est certain que la sommation au tiers détenteur ne peut produire de pareils résultats qu'autant qu'elle a été précédée ou accompagnée du commandement au débiteur originaire: c'est la disposition textuelle de l'art. 2169, C. civ., appliquée dans les mêmes termes par la cour de Caen, le 9 août 1824, et il en était de même sous la loi du 11 brumaire an vII. (Cass., 6 messidor an XIII.)

Est-il nécessaire que le commandement au débiteur originaire précède la sommation

» Aussi la loi veut-elle que, préalablement à toutes poursuites contre le débiteur, on fasse commandement à ce débiteur, et ce n'est qu'autant qu'il ne paye pas qu'elle autorise à agir contre le détenteur par l'action hypothécaire. » Or, il serait contraire aux principes consacrés par la loi elle-même d'exiger, afin de purger, une sommation qui précéderait le commandement au débiteur, et il serait contradictoire, si cette sommation était exigée, de prescrire ensuite un commandement à celui-ci. Un tel système serait absurde et conduirait à multiplier les frais, à étendre les délais sans nécessité. En effet, à quoi bon s'adresser au tiers détenteur pour l'obliger à purger sans avoir avant tout constitué le débiteur en de-au tiers détenteur? meure de payer. L'action personnelle résultant de la dette doit précéder toujours l'action résultant de l'hypothèque, ou au moins s'exercer en même temps; en un mot, comme le dit Tarrible, le premier mouvement de l'action résultant de l'art. 2169 est le commandement de payer fait au débiteur: ce n'est donc pas une sommation à faire au détenteur; celui-ci est assez averti d'user de ses droits par les poursuites autorisées par l'art. 2169; et l'art. 2183 n'a pour objet que de lui faire connaître le moment où il cessera de pouvoir les exercer, par suite de la sommation prescrite par l'art. 2169. » (Carré.)

C'est-à-dire que jusqu'à la sommation, l'obligation alternative qui incombe au tiers détenteur de purger, de payer ou de délaisser, n'est pas circonscrite, pour son exercice, dans les limites d'un certain délai; que si la sommation n'avait pas lieu, cette faculté d'option durerait autant que l'obligation elle-même, mais qu'enfin la sommation vient la restreindre au délai d'un mois, après l'expiration duquel la saisie peut être pratiquée. C'est-à-dire encore que la sommation produit, à l'égard du tiers détenteur, les mêmes effets que le commandement à l'égard d'un débiteur ordinaire, qu'elle est véritablement pour lui l'acte préliminaire d'expropriation, exigé par l'art. 675 du Code de

proc.

On trouve néanmoins encore quelques arrêts qui exigent deux sommations, une première, pour mettre en demeure de purger, l'autre pour provoquer le payement ou le délaissement; ces arrêts émanent des cours de

erreur née de la difficulté que quelques-uns trouvaient à donner un sens à ces termes, première sommation.» (CARRÉ.)

Grenier, no 341, et Lachaize, t. 2, p. 329, no 512, décident que l'ordre entre ces deux actes n'est point fixé par la loi, et que rien n'oblige à faire l'un avant l'autre. Tout ce qu'il faut, c'est que l'un et l'autre aient lieu avant la saisie, et que la saisie soit pratiquée dans les trois mois qui suivent la date du premier. Nous adoptons cette opinion.

Pour compléter les notions de procédure relatives à la poursuite contre le tiers détenteur, on peut se reporter infrà, aux Quest. 2203, 2212, 2218.

§ III. Quels biens sont susceptibles d'expropriation forcée?

L'art. 2204 du Code civil dispose que tous les immeubles, tels qu'ils sont caractérisés, au titre de la Distinction des biens qui sont la propriété du débiteur, et l'usufruit qui lui appartient sur les mêmes immeubles, sont susceptibles d'expropriation forcée.

D'après la première partie de cette disposition, la cour de cassation a décidé que le mobilier immobilisé par destination, soit avant, soit depuis le contrat, se trouve compris dans la saisie immobilière de l'usine dont il fait partie, encore qu'il ne soit pas détaillé dans le procès-verbal, et pourvu qu'il se compose d'objets nécessaires et indispensables à l'exploitation de cette usine. (Cass., 10 janv. 1816; 27 mars 1821; Sirey, t. 21, 1re, p. 327; et 11 avril 1835. — Voy. notre Quest. 2227.)

Par une autre conséquence du même principe, c'est par la voie de la saisie immobilière que les créanciers doivent poursuivre la vente d'une coupe de bois non encore abattue. (Dijon, 30 janvier 1819.)

Les constructions élevées par un autre que le propriétaire doivent être saisies sur lui immobilièrement, s'il déclare vouloir les gar

der; mais s'il oblige le constructeur à les enlever, elles ne peuvent être saisies que mobilièrement sur ce dernier. Au reste les créanciers du propriétaire peuvent, en exerçant ses droits, déclarer qu'ils veulent retenir ces constructions, et les saisir alors sur sa tête, immobilièrement; c'est la marche qu'indique, avec raison, Persil fils, Comm., t. 1, p. 14, no 9.

Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble étant immobilières, aux termes de l'art. 526, C. civ., on a demandé si le propriétaire pouvait en étre dépouillé par la voie de l'expropriation forcée. La cour de cassation a décidé la négative à l'égard de l'action en rescision pour cause de lésion dans la vente d'un immeuble (14 mai 1806).

Cette question qui paraît si simple au premier aperçu, à cause de la nature de l'action en revendication, est résolue dans un sens contraire par Pigeau, livre II, part. 5, titre IV, chap. 1er, dont les arguments semblent entièrement fondés sur le texte de la loi. « Ces actions étant immeubles, dit-il (art. 526, C. civ., celui à qui elles appartiennent, étant tenu de remplir ses engagements sur les biens immobiliers (art. 2092), ses biens étant le gage de ses créanciers (art. 2095), et les créanciers ayant le droit de poursuivre l'expropriation des biens immobiliers (art. 2264), une conséquence nécessaire et forcée est qu'ils peuvent faire saisir réellement ces actions,» Répondant aux objections que l'on fait à son système, ce savant professeur soutient que l'incertitude qu'il peut y avoir sur l'existence de cette action n'est point un obstacle à la saisie ni à la vente par autorité de justice, puisque le propriétaire pourrait vendre lui-même cette action. (Articles 1689, 1692 et 1699, C. civ.) Quant à la garantie, la loi permet aussi (art. 1629) de vendre aux risques et périls de l'acquéreur. Les formalités du procès-verbal de saisie peuvent être remplies, suivant Pigeau, comme si l'on procédait à la saisie de l'immeuble lui-même. Enfin le même auteur partant toujours de ce principe, que le créancier peut saisir les biens mobiliers et immobiliers de son débiteur, conclut de ce que l'action en revendication ne peut pas être saisie par voie mobilière, qu'elle doit nécessairement pouvoir l'ètre par voie immobilière.

tion de la loi. Pigeau répond encore à ce système, loco citato, que si la loi dit que les créanciers peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur, elle ne dit pas qu'ils le doivent. Il fait aussi remarquer qu'un créancier qui n'a pas les moyens d'intenter un procès ne peut pas être tenu d'en soutenir deux: l'action en revendication et la saisie immobilière. D'un autre côté, l'exercice d'une action en rescision, d'un réméré, entraîne l'obligation de restituer à l'acheteur le prix ou la portion de prix qu'il a payée, et le créancier peut ne pas être en état de le faire. C'est donc en quelque sorte déclarer insaisissables les actions immobilières.

Persil père, qui adopte entièrement la solution donnée par la cour de cassation dans l'espèce qui précède, combat néanmoins (Questions, vo Saisie immobilière, sect. 8, § 3), de même que Pigeau, loco citato, les motifs énoncés dans l'arrêt.

Le premier est tiré de ce que l'action en rescision n'a pour objet final que le supplément du juste prix. Persil,ubi suprà, fait observer que la seule chose que puisse exiger le vendeur, c'est la restitution de l'immeuble, et non le supplément du prix. C'est l'acquéreur seul qui a le droit de l'offrir. (Art. 1674 et 1681, C. civ. - Voy. Pothier, Vente, no 331.)

Le second motif de l'arrêt s'induit de ce que l'action en rescision est mobilière et non susceptible d'hypothèque : quæ tendit ad mobile est mobilis; ad immobile, immobilis. Or, dit toujours Persil, la restitution de l'immeuble étant le seul objet de l'action, elle est immobilière.

Ce profond jurisconsulte n'en pense pas moins que l'action en rescision d'un immeuble ne saurait être saisie réellement; il reproduit avec une nouvelle force le raisonnement combattu par Pigeau : 1o l'intérêt des créanciers s'y oppose; cette action n'a aucune existence réelle, tant qu'elle n'est pas formée. L'incertitude qui accompagne les droits litigieux doit écarter les adjudicataires, et cette première considération a dû porter le législateur à interdire la saisie immobilière d'un droit incorporel; 2o l'action pourrait être infructueuse dans les mains de l'adjudicataire, et de là des recours, des actions en garantie qu'il faut Tarrible, Rép., vo Expropriation, t. 5, éviter, parce que les résultats sont toujours p. 42, no 3, pense au contraire que le créancier funestes; 3° il peut arriver que les résultats de peut seulement exercer l'action en vertu de cette action soient purement mobiliers. Si, par l'art. 1166 du C. civ., et faire vendre l'im-exemple, l'acquéreur offre de payer le supplémeuble, après l'avoir fait rentrer parmi les biens de son débiteur. Il fonde surtout cette opinion sur les inconvénients de la vente et le danger qu'il y aurait pour les créanciers de compromettre un actif souvent avantageux. Ces considérations purement morales ne seraient pas suffisantes, suivant Berriat, hoc tit., note 21, si l'on n'avait en sa faveur la disposi

ment du juste prix, on aura donc exproprié une simple créance; on aura adjugé de l'argent pour de l'argent; 4o l'art. 2204 détermine les biens dont on peut poursuivre l'expropriation; il indique d'abord les biens immobiliers et leurs accessoires réputés immeubles, ce qui comprend à la fois les immeubles par leur nature et ceux qui ne le sont que par leur desti

. LIV. V.

nation. Passant ensuite aux immeubles par | l'objet auquel ils s'appliquent, cet article ne parle que de l'usufruit, ce qui prouve que parmi cette dernière classe d'immeubles, la loi n'a voulu rendre susceptible d'hypothèque que le droit d'usufruit des choses immobilières. On remarque enfin que l'art. 2204, est en parfaite harmonie avec l'art. 2118, et que de même que celui-ci interdit l'hypothèque des autres droits incorporels, de même l'art. 2204 en interdit l'expropriation.

A toutes ces considérations Berriat, raisonnant sur le texte même de la loi, ajoute (hoc tit., note 21), que les mots BIENS IMMOBILIERS ne désignent évidemment que les immeubles par leur nature. Il faudrait donc admettre dans le système contraire que l'action en revendication est comprise dans ceux-ci : et leurs accessoires réputés immeubles. « Or, dit-il, c'est ce qui répugne à la nature de cette action; elle appartient à un particulier par le seul fait qu'il est propriétaire, et par conséquent en vertu de l'acte ou de la loi qui lui ont conféré la propriété; elle est donc un droit qu'il exerce, il est vrai, sur une chose, mais qui est accordé à sa personne, et qui n'est nullement attaché à un de ses immeubles. Donc, elle ne peut être accessoire; donc, elle ne peut être hypothéquée; donc, elle est insaisissable.» Enfin les principaux arguments de Pigeau sont combattus par Persil, loco citato, p. 286. Les biens d'un débiteur, dit-on, sont le gage de tous ses créanciers. « Mais nous ne diffé»rons, répond Persil, que par le mode d'exer»cice, et ce n'est point se mettre en opposition » avec le principe que d'exercer d'abord l'action » pour exproprier seulement le résultat. »

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nent pas à toutes sortes de propriétés, et notamment à l'action en revendication.

On voit par les dissertations qui précèdent, que trois auteurs des plus recommandables, Tarrible, Persil et Berriat, sont unanimement d'avis qu'une action en revendication ne peut pas être saisie. Leur opinion s'appuie des raisons les plus graves, et peut invoquer en sa faveur la décision de la cour suprême. Pigeau soutient l'opinion contraire par des motifs qui ne manquent pas de poids. Dans cette position, il serait prudent, ce nous semble, de se conformer au système professé par les premiers; car, d'une part, la validité de la saisie pourrait être contestée, tandis que de l'autre, en se fixant bien sur la valeur de l'immeuble et la modicité du prix, on pourrait agir avec plus de sécurité.

Nous sommes heureux que cette opinion, que nous avions depuis longtemps exprimée, soit encore partagée par Persil fils, Comm., t. 1, p. 8 et suiv., no 3.

Au reste, la partie saisie ne pourrait pas exciper de la convention qu'elle aurait faite avec un tiers pour s'interdire la faculté de vendre l'usufruit d'un immeuble dont elle jouit. (Cass., 7 mars 1818.) La saisie n'en serait pas moins valable, car le débiteur ne peut pas se créer à lui-même une inaliénabilité.

On a assimilé à l'usufruit susceptible d'hypothèque et de saisie immobilière la jouissance emphyteotique. Trois arrêts lui ont attribué ce caractère : Paris, 10 mai 1831 (Devilleneuve, t. 31, p. 153); cass., 19 juillet 1852 (ib., t. 32, p. 53), et Douai, 15 décembre 1832 (ib., t. 33, p. 65).

Ces arrêts ont, selon nous, méconnu les principes les plus positifs du droit (1). Quels sont donc leurs motifs ?

1o Sous l'empire de l'ancienne jurisprudence et jusqu'au Code civil, l'emphyteose était susceptible d'hypothèque;

2o Le droit d'hypothèque résulte de la nature de l'emphyteose;

5o Les principes qui anciennement faisaient admettre cette doctrine, sont les mêmes sous le Code civil, qui ne contient aucune dérogation;

On ne peut pas forcer, dit-on, un créancier à soutenir deux procès au lieu d'un, et l'article 1166 ne lui fait pas un devoir d'exercer les droits de son débiteur. La loi n'examine pas les facultés du créancier pour déterminer ses obligations. On en voit un exemple dans l'art. 2205, relatif au partage; ajoutons l'obligation d'une mise à prix lorsqu'il poursuit la saisie (art. 690); et si le créancier veut profiter des actions appartenant à son débiteur, il en est le maître; mais c'est lui-même qui consent à s'imposer les obligations qui y sont attachées. On soutient, pour dernière objection, que l'incertitude n'est pas un obstacle à la saisie, puisque le débiteur peut lui-même aliéner cette action; mais de ce que le débiteur peut l'alié-pothèque. ner, il ne s'ensuit pas qu'elle puisse être expropriée. Les formalités de cette voie ne convien

4o L'art. 2118, C. civ., autorise cette interprétation par la généralité de son texte;

3o Le contrat constitutif indique l'intention formelle de toutes les parties, de considérer l'emphyteose comme un droit susceptible d'hy

Si nous accordons les 1er, 2e et 5 motifs, qu'en résultera-t-il? Aucune raison de décider;

(1) Il est par trop évident que nous ne comprenons pas dans l'expression bail emphyteotique les baux qui, dans certaines localités, constituaient une véritable aliénation perpétuelle de l'immeuble, quoique l'acte parût être un simple bail. Que devrait-on décider pour

les baux à complant, les baux à champart et autres, usités autrefois dans quelques provinces? Évidemment l'immeuble pourrait être saisi quant à la portion appartenant au preneur. (Voy. sous l'art. 725, ce que la position du bailleur pourrait offrir de difficile.)

et il faut avouer que le dernier n'est même pas sérieux.

Le troisième motif doit être combattu par les principes reçus généralement en matière d'abrogation.

Toutes les fois qu'une loi nouvelle contient sur une matière un titre et des dispositions spéciales; les anciennes dispositions sont forcément abrogées, quoique la nouvelle loi n'ait pas expressément statué sur chacune des dispositions de l'ancienne; ainsi, dans l'espèce, la loi de brumaire an vII déclarait seuls susceptibles d'hypothèque, 1o les biens territoriaux; 2o l'usufruit; 5° la jouissance emphyléotique des mêmes biens.

Le Code, art. 2118, déclare seuls susceptibles d'hypothèque :

1o Les biens immeubles qui sont dans le commerce et leurs accessoires réputés immeubles;

2o L'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de la durée.

Le rapprochement de ces deux dispositions indique que la loi nouvelle a statué sur la matière réglée par la loi ancienne, et qu'elle n'a pas déclaré susceptible d'hypothèque tout ce que la loi précédente comprenait dans les biens susceptibles d'hypothèque.

Que la loi ancienne le voulut ainsi; que la nature de l'emphyteose se prétât à cette législation; que la volonté des contractants, sous l'empire du Code, ait été de se placer sous l'égide des anciens principes, toutes ces considérations ne peuvent changer, modifier ni augmenter le texte de l'art. 2118.

Reste le quatrième motif, qu'il était inutile de donner si les autres étaient fondés; car si l'art. 2118 accorde l'hypothèque demandée, il est superflu de s'occuper des anciens principes et de la volonté des parties. Qu'a entendu la cour par ces mots, la généralité du texte de l'art. 2118? L'article parle des biens immeubles et de l'usufruit de ces biens immeubles. Ce sont des expressions qui nous paraissent mitatives plutôt que démonstratives.

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priété en donnant sa propriété à bail emphytéolique, et que la propriété ne peut résider, en tout ou en partie, sur deux tètes à la fois. Le droit du bailleur n'est pas un droit résolutoire proprement dit, parce qu'à la fin de l'emphyteose le droit de propriété ne change pas de nature, seulement le droit de jouir y est ajouté. Il n'en est pas ainsi dans le cas de réméré où le droit de propriété est résolutoire, parce que l'acquéreur est réellement propriétaire, et le vendeur n'a plus qu'un droit de ré

méré.

Voici la nomenclature des autorités que l'on consultera avec fruit :

Pour l'opinion consacrée par l'arrêt Favard, vo Emphyteose, § 3; Merlin, Rép., vo Emphyteose, no 4; Battur, Tr. des hyp., t. 2, n° 246; Persil père, art. 2118, no 15; et Duranton, t. 4, no 78 et 80.

Contre cette opinion, la discussion au conseil d'État rapportée par Locré, t. 16, p. 255; Grenier, no 143; Toullier, t. 3, no 101; Proudhon, t. 1, no 99; Maleville, art. 2118, et Delvincourt, t. 7, p. 209.

Les immeubles déclarés insaisissables par le donateur ou le testateur, et ceux qui ont été légués ou donnés pour aliments, sont-ils insaisissables?

L'art. 581, C. proc., déclare insaisissables les biens meubles qui sont dans cette catégorie. Les motifs qui ont fait introduire cette disposition sembleraient applicables à notre question. Mais il n'appartient qu'à la loi de tracer des exceptions aux règles du droit commun : la doctrine ne peut les suppléer par analogie.

Aussi Favard, t. 2, p. 493, no 3, décide-t-il négativement la question proposée.

Pigeau, Comm., t. 2, p. 272, est d'un avis contraire, et il se fonde sur des motifs qui ne nous semblent pas déterminants:

1° Sur l'art. 1981, qui a parlé de l'insai| sissabilité des rentes données ou léguées. — C'est la loi qui, comme dans l'art. 581, a imli-primé le caractère d'insaisissabilité.

Non, ajoute l'arrêt, parce que les hypotheques consenties affectent non-seulement la jouissance usufruitière, mais encore les biens immeubles compris dans l'adjudication, sous la condition du droit résolutoire appartenant au bailleur.

Il y a deux erreurs dans ce raisonnement: 1° La jouissance emphytéotique n'est pas une jouissance d'usufruit; elle résulte d'un bail à long terme, à des conditions spécialement déterminées;

2o L'emphyteose n'a aucun droit, même résolutoire, sur l'immeuble lui-même, parce que le propriétaire n'aliène point son droit de pro

20 Sur l'art. 6, qui permet aux parties de déroger par des conventions à ce qui n'est contraire ni à l'ordre public ni aux bonnes mœurs, et sur l'art. 900, relatif aux donations. Mais il n'est pas permis de frapper d'inaliénabilité une partie quelconque des biens meubles ou immeubles en dehors des prescriptions de la loi; c'est, selon nous, une règle d'ordre public.

Exceptions. Malgré la généralité des termes de l'art. 2204, il est quelques exceptions à la faculté qu'a le créancier de saisir tous les immeubles de son débiteur. Ainsi, 1o les principes de la dot s'opposent à ce qu'une expropriation soit dirigée contre un immeuble dotal (1);

(1) Mais l'immeuble reçu en échange d'un bien dotal peut, quoique déclaré dotal par l'acte d'échange, être

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