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Il est de mon intérêt et de celui de l'électeur de Bavière de ne les pas écouter, à moins qu'ils n'acceptent la neutralité aux conditions de dé sarmer entièrement, et de congédier leurs troupes; en cas qu'ils prennent ce parti, vous devez bien prendre garde qu'ils ne les vendent, ou qu'ils ne fassent passer les corps entiers au service de mes ennemis, et vous ferez en sorte qu'elles se dissipent, de manière qu'elles ne puissent se rassembler pour servir contre moi, ni contre mes alliés dans la suite.

Lorsque vous travaillerez aux projets de la campagne avec l'électeur de Bavière, je vous recommande, en lui faisant connoître vos sontimens, d'avoir une grande déférence pour les siens, et de faire en sorte de l'engager par raison et par des manières insinuantes, à le faire revenir à votre avis, si vous trouviez que le sien pût porter quelque préjudice au bien de mes affaires. Je ferai connoître à ce prince dans ma première dépêche, par les termes les plus forts, la confiance que je prends en vous, le pouvoir absolu que je vous ai donné depuis que vous êtes à la tête de mon armée, d'entreprendre ce que vous jugeriez à propos. La liberté entière de choisir les officiers et les troupes qui vous conviennent pour passer avec vous, l'abandon avec lequel je me suis

remis sur vous, en vous permettant de reinplir les lettres de brigadiers, sont des preuves convaincantes de l'estime que j'ai pour vous, dont il n'y a aucun exemple jusqu'à vous. Je vous en donnerai de nouvelles marques dans toutes les occasions qui se pré-enteront, et en continuant à me servir comme vous faites, je ne vous laisserai rien à desirer. Mettez-vous audessus des courtisans, vous aurez toujours de grands avantages sur eux, et vous me trouverez toujours également prévenu pour vous, tant que vous me donnerez lieu d'en être

content.

J'approuve que vous ayez déclaré milord Clare et le marquis de Tourouvré les premiers. Le sieur de Mailli sert depuis longtemps, faites-lui connoître que vous avez différé quelques jours à le nommer, par les raisons que vous me mandez. Le sieur d'Anlezi est bon sujet, et mérite cette grace des premiers. Fourquevaux est aux eaux incommodé; c'est un contre-temps qui l'éloigne, mais il faut préférer ceux qui sont actuellement avec

vous.

Vous ne devez exiger aucunes contributions au-delà des montagnes, qu'aux conditions de les partager avec l'électeur de Bavière, de la manière dont je vous l'ai mandé, lorsque vous

me demandâtes l'explication de l'article x1, et le comte de Monasterol m'a assuré, que son maître y consentiroit, pourvu néanmoins que je lui fisse payer les subsides, comme ils l'ont été jusqu'à présent; j'y ai consenti.

Je ne saurois trop vous recommander de ménager les Suisses, autant qu'il convient au bien de mon service et aux alliances que j'ai avec eux; mais en les assurant de la considéra tion que j'ai pour eux, mettez tout en usage pour que vous puissiez établir un passage libre de Schaffouse à Huningue; il est même de leur intérêt qu'il le soit, et rien n'est plus utile à mon avis pour la conservation de mon

armée.

AU MARECHAL DE VILLEROI.

Marli, le 22 mai 1703.

MON COUSIN, j'ai reçu hier deux de vos lettres, l'une du 18 par l'ordinaire, l'autre du 20 par le courrier que vous m'avez dépêché. Vous me mandez, par la première, qu'il est arrivé des troupes à l'armée des ennemis, qui étoit considérable par le terrein qu'elle occupoit, lorsque vous vous en êtes approché, et que dans peu de jours vous en pourrez parler certainement. Vous aurez bien de la peine à

connoître leur véritable état, jusqu'à ce que toutes les troupes qui étoient devant Bonn, soient partagées; celles de l'électeur de Cologne, quoique foibles, font une augmentation qui vous peut soulager infiniment, pour faciliter vos convois et se joindre à vous en cas de besoin.

J'avois lieu de croire ce corps plus considérable: il doit être de cinq mille hommes complets, tant cavalerie qu'infanterie; il ne l'a jamais été à beaucoup près; mais la foiblesse dont il est me surprend, et si la guerre dure, il sera d'une nécessité absolue que je me charge d'entretenir ces troupes, pour en tirer tout le service qu'elles peuvent rendre. Il ne convient pas d'en parler à l'Electeur présentement je le crois assez fâché de la prise de Bonn; s'il veut faire réflexion à ce qui s'est passé, il connoîtra qu'il n'a pas été possible de le secourir: je lui fais faire des honnêtetés sur l'état dans lequel il se trouve ; j'espère que le succès de mes armées, jointes à celles de l'électeur de Bavière, me mettra en état de le dédommager à la fin de la guerre.

-. Ce

Ce que vous me mandez de la foiblesse de mon infanterie, me fait de la peine demandez-en raison aux inspecteurs et à Artagnan, qui en ont écrit et parlé tout différemment;

je vous enverrai avant qu'il soit peu de jours des extraits de leurs revues, afin que vous leur fassiez rendre raison de la différence de ce qu'ils ont vu à ce que vous voyez, et que vous puissiez apprendre des colonels d'où elle peut venir; il n'est pas à présumer que ce soit par mort ou désertion, et je me suis expliqué finalement sur l'exactitude dont la revue du mois de mars doit être, que vous n'y devez pas être trompé; vous avez beaucoup de régimens étrangers dans l'infanterie qui composent mon armée de Flandre. Il y en a plusieurs qui ont fait leur devoir avec distinction en différentes occasions. La dernière capitulation que je viens d'accorder aux Allemands, les mettra en état d'attirer des soldats, et de se fortifier pendant la campagne; il est de leur intérêt de le faire, leur paie de gratification augmentant où diminuant à proportion du nombre: vous avez bien fait de renouveler à Regnac les ordres qui lui avoient été donnés, en cas qu'il soit attaqué.

Par votre lettre du 20, il me paroît que vous n'aviez encore reçu aucunes nouvelles du marquis d'Alègre, et que vous avez su paṛ le comte d'Autel, qu'il avoit remis la ville de Bonn aux ennemis; il m'a dépêché le chevalier de Villemontel pour m'en informer, qui

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