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comme la plupart des villes, une délibération d'adhésion aux actes du sénat, car elle ne les connaissait point et ne pouvait les connaître ; elle prit ou elle crut prendre l'initiative de la déchéance de Buonaparte et du rappel des Bourbons: en conséquence, elle déclara, à l'unanimité, que Buonaparte doit cesser de régner, puisqu'il a luiméme brisé tous les liens qui avaient pu se former entre les Français et lui. Puis, aux plus vives acclamations, elle reconnaît et proclame le prince Louis XVIII de Bourbon, comte de Provence, Monsieur, Roi de France et de Navarre, et vote à l'instant la publication de cette déclaration (1).

Il était minuit, et pourtant il importait de faire promptement connaître au gouverneur autrichien, une délibération si grave, prise dans l'intérieur de sa ligne militaire. Plusieurs députés furent chargés de ce soin.

Le baron de Mylius reçut cette communication avec bienveillance, mais avec réserve. Il déclara que ses instructions étaient de ne prendre aucune part aux déterminations politiques des pays occupés par les alliés. Il loua le patriotisme et le courage des Lyonnais d'oser se prononcer ainsi contre un homme qui serait à craindre tant qu'il ne serait pas abattu. La députation cita l'exemple de Bor

(1) N.o 5 des pièces justificatives.

deaux. Le gouverneur, après quelques remarques très-judicieuses sur la différence des positions, fit observer que Bordeaux s'était prononcé le 12 mars; que le 18, Buonaparte avait encore pu conserver la couronne en signant, à Châtillon, une paix qui n'avait rien d'humiliant; qu'en conséquence l'exemple de Bordeaux n'était point une garantie. Un député observa que ce n'était pas la première fois que Lyon s'était dévoué pour le Roi; que le sort en était jeté, et que la ville était prête à s'ensevelir encore une fois sous ses ruines, pour la défense d'une si belle cause. Le gouverneur loua de nouveau ces sentimens, sans les approuver, sans les combattre, et offrit le concours de toutes ses forces pour maintenir dans tous les cas, l'ordre et la tranquillité publique.

Le lendemain, 9 avril, au point du jour, le drapeau blanc flottait sur la tour la plus élevée de l'hôtel de la ville. A ce signal, un grand nombre de citoyens arborent la cocarde blanche, se répandent dans la ville; le mouvement s'opère dans la joie et le calme le plus parfait, sans qu'une seule voix discordante se fasse entendre, sans que le moindre excès souille une si prompte révolution.

A une heure, le corps municipal, en grand cortége, sort de l'hôtel-de-ville, pour publier avec solennité la reconnaissance qui vient d'être faite des Bourbons, et la proclamation qu'il adresse aux habitans.

Par un rapprochement heureux, ou plutôt par une sorte d'expiation des fureurs révolutionnaires, l'une des publications est faite au-devant de la place qu'avait occupée sur la façade de l'hôtel-deville, la statue équestre de Henri IV; une autre sur l'emplacement même où avait été naguère brisée celle de Louis-le-Grand, dans la place qui porte son nom; et la troisième, sur le parvis de la basilique St-Jean, en présence du Dieu protecteur des rois et des peuples, du Dieu de St-Louis. La première fut faite par M. de Laurencin, la seconde par M. de Sainneville, la troisième par M. d'Albon.

Le conseil général du département, les fonctionnaires publics, les corps savans, s'empressèrent de suivre l'exemple du corps municipal, et d'adhérer à la restauration (1).

Pendant trois jours, des illuminations spontanées, un concours immense de citoyens de tout état répandus dans les rues et dans les places aux cris sans cesse répétés de vive le Roi, le drapeau des Bourbons flottant de toute part, des devises ingénieuses ornant une multitude de fenêtres, les transports unanimes de toute la cité, ceux mêmes de l'armée alliée confondue dans les

(1) L'adhésion du conseil général fut donnée le 10 avril; celle de la garde nationale le 11; celle des tribunaux le

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rangs des habitans, comme ne formant plus qu'un peuple de frères : tout concourait à mettre au jour les vrais sentimens qui animent les Lyonnais, à faire de ce grand événement, une fète que chacun regardait comme la fête de l'humanité.

Une députation composée de MM. de Laurencin, de Varax, de Fargues, Camille Jordan et Nolhac, est nommée pour faire connaître à S. A. R. MONSIEUR, lieutenant- général du royaume, la délibération et la proclamation du 8 avril.

Le 9 avril, les chefs autrichiens communiquèrent aux magistrats cette déclaration si mémorable, faite à Paris, par le Czar, au nom de toutes les puissances alliées, proclamant pour la première fois qu'elles ne traiteront plus avec Buonaparte, ni avec aucun de sa famille; qu'elles reconnaîtront et garantiront la constitution que la nation française se donnera. Cette grande détermination, qui eût épargné tant de larmes à l'humanité si elle eût pu être prise plutôt, ajouta beaucoup à la sécurité de la ville, mais rien à son dévouement.

Le 10 avril, les alliés reçurent, et communiquèrent vers onze heures du soir à la mairie le moniteur du 4 avril, contenant la délibération du sénat, où était prononcée la déchéance de Buonaparte (1).

(1) Ces dates, qui au premier aspect ont quelque chose

Le 12, ils lui donnèrent connaissance du moniteur du 7, contenant un nouvel acte du sénat, en forme de constitution, où il était dit, art. II, que le Peuple Français appelle LIBREMENT au trône de France, Louis-Stanislas-Xavier de France, FRÈRE DU DERNIER ROI, et art. XXIX, que ce Prince sera proclamé Roi des Français, aussitôt qu'il aura accepté et juré la constitution.

Ce langage, ces maximes jetèrent de vives alarmes dans l'esprit de tous ceux qui considèrent l'hérédité du trône, comme la première garantie du repos et de la sureté des peuples; elles parurent tout à la fois attaquer la base fondamentale du gouvernement et le constituer en une monarchie élective. On ne pouvait en effet ni appeler librement au trône celui que les antiques constitutions de l'état y appelaient par droit de naissance, sans supposer que nos antiques constitutions avaient disparu; ni désigner Louis XVIII comme frère du dernier roi, sans admettre que le dauphin, fils unique de Louis XVI, et dont Louis XVIII était l'oncle et non le frère, n'avait pas succédé, au moins de droit, au trône.

de minutieux, sont nécessaires à rappeler pour montrer que la délibération prise à Lyon le 8 avril, ne fut point et ne put être, comme une jalouse malveillance l'a supposé, une froide imitation de ce qui se passait à Paris. L'amour et le dévouement des Lyonnais pour leur Roi, sera toujours la plus sûre et la plus noble partie de leur histoire. Il est juste d'en conserver les preuves.

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