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qui résiste à ce qu'on en fasse l'objet d'un fidéicommis pur. 431. Quant aux effets particuliers de cette espèce de disposition, il faut remarquer que, quoiqu'elle soit peu avantageuse pour le légataire qui est chargé de rendre, sans avoir le droit de conserver pendant un temps pour jouir luimême, néanmoins elle n'est pas inutile à son égard; car si le substitué venait à mourir avant le testateur, ou si, survivant au testateur, il se trouvait incapable, ou enfin s'il répudiait la libéralité, la caducité du fideicommis opérée par son prédécès, ou par son incapacité de recueillir, ou son refus d'accepter, ne profiterait point à l'héritier, mais au légataire qui avait été chargé de rendre Quia in fideicommissis potiorem causam habere eum cujus fides electa sit, senatus voluit (1). Dans ces cas, la caducité de la substitution n'opérerait pas la consolidation de Fusufruit à la propriété; elle en opérerait au contraire la confirmation sur la tête du légataire premier appelé, pour en jouir toute sa vie: Si Titio decem legaverit et rogaverit ut ea restituat Mavio; Mæviusque fuerit mortuus; Titii commodo cedit, non hæredis ; nisi duntaxat ut ministrum Titium elegit. Idem est, si ponas usumfructum legatum. (2) La raison de cela, c'est que la charge de rendre se trouve éteinte du moment qu'il n'y a plus de créancier ayant

(1) L. 60, ff. de legat. 2.°

17,

(2) L. ff. eodem; voy. encore dans РоTHIER, traité de donations testamentaires, chap. 6, sect. 5, S. 1.

le droit d'exiger la restitution: en conséquence de quoi on applique à la cause du légataire particulier qui a été chargé de rendre la chose léguée, le même principe qui est admis dans. celle du légataire universel qui profite de la caducité des legs particuliers, dont le testateur avait voulu le charger envers des légataires qui sont prédécédés, ou incapables, ou qui refusent d'accepter. (1)

Puisque le premier appelé a le droit de garder pour lui-même dans le cas où le substitué n'accepterait pas, il faut en conclure qu'il a aussi le droit de former en son nom propre la demande en délivrance contre l'héritier, et qu'une fois mis en possession par suite de cette demande, il fait les fruits siens, tant que le substitué garde le silence et ne demande pas à son tour la remise du legs; et c'est encore là un autre avantage que le grevé peut trouver dans le fideicommis, quoiqu'il soit pur et sans terme. 452. Si la substitution n'étant pas caduque vient à s'exécuter, la remise de l'usufruit faite au substitué produit un effet qu'il ne faut pas confondre avec la cession ou aliénation qu'un usufruitier ordinaire voudrait faire de son droit au profit d'un tiers.

Lorsqu'un usufruitier cède son droit à un tiers, il ne s'opère qu'un transport imparfait : la cession ne porte que sur l'exercice du droit,

(1) Voy. dans le recueil de Denevers, an 1809, pag. 27 F, un arrêt de la Cour de cassation qui confirme ce principe sur la caducité des legs.

et non sur le droit en lui-même : elle attribue bien au cessionnaire la faculté de percevoir les émolumens utiles de l'usufruit, mais elle ne le constitue pas lui-même usufruitier en titre : c'est toujours sur la tête du cédant que repose le droit à l'égard du propriétaire : c'est toujours lui qui demeure garant de l'entretien du fonds; et c'est toujours par sa mort que l'usufruit doit s'éteindre. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le propriétaire coopérant à l'acte de cession d'usufruit, eût consenti à ce que, par un transport parfait, le cessionnaire devînt lui-même l'usufruitier en titre.

Au contraire quand il y a substitution, et que le légataire appelé en premier ordre fait, au profit du substitué, la remise du droit légué, cette cession opère un transport parfait, et dès ce moment même l'appelé en second ordre se trouve seul usufruitier en titre, comme s'il avait été nommé légataire sans la médiation du grevé; il en est dès-lors seul garant, sans que, pour cette restitution, il soit besoin de la coopération ni du consentement de l'héritier propriétaire du fonds, parce que la remise de l'usufruit est faite en exécution des ordres du testateur, à la volonté duquel l'héritier doit lui-même se conformer. Si quis usumfructum legatum sibi, alii restituere rogatus sit, eumque in fundum induxerit fruendi causá; licèt jure civili morte et capitis diminutione ex persona legatarii pereat ususfructus, quod huic ipso jure adquisitus est, tamen prætor jurisdictione sua id agere debet ut idem serve

tur quod futurum esset, si ei cui ex fideicommisso restitutus esset, legati jure adquisitus esset. (1)

Il est donc bien constant que le droit d'usufruit peut être l'objet d'un fideicommis pur, puisque la loi romaine le déclare d'une manière aussi formelle, et que d'ailleurs il est de toute évidence que ce droit est susceptible d'une véritable restitution de la part du grevé au profit du fideicommissaire; mais cette espèce de disposition, à laquelle la nature du droit d'usufruit ne répugne pas, est-elle au rang de celles que le code prohibe, lorsqu'elles ne sont pas faites par des père et mère au profit de leurs enfans et petits-enfans, ou par des frères et sœurs au profit de leurs frères ou sœurs et neveux?

Il est également évident que non, puisque d'une part nous ne nous occupons encore ici que d'un fideicommis pur et sans terme, c'està-dire de la substitution faite avec charge de rendre sans délai, et sans que le grevé ait le droit de conserver; et que, d'un autre côté, le code ne prohibe (896) que la disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre à un tiers. Ecoutons, à cet égard, le principal auteur du Répertoire, au mot Institution contractuelle, S. 5, n.o 8.

<< Prenons garde, dit-il, les articles cités de la loi du 14 novembre 1792 et du code civil n'ont prohibé les substitutions que parce qu'elles en

(1) L. 29, ff. de usuf. legato, lib. 33, tit. 2.

travaient la circulation des propriétés, que parce qu'elles plaçaient hors du commerce les biens qui en étaient l'objet. Ils n'ont donc entendu prohiber que ces substitutions dont l'effet, si elles avaient lieu, ne devrait s'ouvrir qu'un certain laps de temps après les dispositions qui en seraient grevées; ils n'ont donc pas entendu prohiber les dispositions qui, quoique qualifiées fideicommis dans le droit romain, doivent avoir leur effet immédiatement après que le donataire, le légataire ou l'institué a recueilli la donation, le legs ou l'institution dont elles ne sont qu'un retranchement.

» Si la loi du 14 novembre 1792 laisse là-dessus quelque équivoque, on ne peut du moins pas en dire autant de l'article 896 du code qui définit la substitution qu'il prohibe, une clause par laquelle le donataire, l'héritier institué ou le légataire serait chargé de conserver et de rendre à un tiers; et par ces mots chargé de conserver, il annonce très-clairement qu'il ne considère pas comme substitution tout ce que les lois romaines qualifiaient de fideicommis; qu'il ne regarde pas comme telles, les charges que le donataire, l'héritier institué ou le légataire est tenu de remplir au profit d'un tiers, à l'instant même où il accepte sa donation, son institution, son legs: et ce qui achève de démontrer qu'il est dans l'intention du code de laisser subsister ces charges, c'est qu'à l'article 1121 il est dit qu'on peut stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même, ou d'une dona

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