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de la vie privée de Napoléon. J'en ai fait mon profit. Je dois surtout à l'amitié du plus habile et du plus honnéte de nos architectes, tout ce qui est relatif aux nombreuses et superbes constructions qui embellissent la capitale, et qui, presque toutes, appartiennent à l'époque dont j'ai parlé. Ceux pour qui la vérité n'a qu'un langage apprécieront tout ce que les entretiens, et même les causeries les plus familières d'un grand homme, discutant avec un architecte du plus grand talent, ont de curieux et de piquant. Les hésitations mêmes de Napoléon sur une infinité de projets de monumens, prouveront qu'il mettait sa gloire à méditer, à deviner, et à écarter tout ce qui pouvait augmenter ou compromettre la splendeur de l'empire. Cette gloire était pure et sans mélange elle ne s'achetait pas sur les champs de bataille, et ne fut point le prix du sang des hommes. Le conquérant renverse et détruit ; mais l'ami du bien public, l'administrateur suprême et désintéressé, élève et fonde la prospérité nationale sur des bases solides.

J'espère au moins que les ennemis les plus ardens de Napoléon, s'il y en a encore, ne pourront s'empêcher d'être frappés de la sagesse et de l'esprit d'ordre qui présidèrent à de si magnifiques entreprises. Mon but alors sera rempli.

J'ai formé de ces précieux documens un livre à part qui deviendra le complément et la fin de ces Mémoires anecdotiques sur l'intérieur du palais.

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ET SUR QUELQUES ÉVÉNEMENS DE L'EMPIRE,
DEPUIS 1805 JUSQU'EN 1816.

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CHAPITRE PREMIER.

Marie-Louise et son fils quittent la France. - Leur suite. - Honneurs qu'on lui rend au-delà du Rhin.— Naïve réflexion du jeune prince. — Arrivée de Marie-Louise dans le Tyrol. — Enthousiasme des Tyroliens. Singulier contraste. Chants nationaux des Tyroliens. Ressemblance étonnante entre les traits de Joseph II enfant et ceux du jeune Napoléon. Accueil de la princesse royale

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de Bavière. - Entrée de Marie-Louise à Vienne. Premier avis d'un congrès à Vienne. Départ de la duchesse de Montebello, de MM. de Saint-Aignan et Corvisart. Retour de l'empereur d'Autriche dans sa capitale. — Armistice entre le prince Eugène, et le feld-maréchal de Bellegarde et le roi de Naples Joachim Murat. Vœux des Italiens.

L'IMPERATRICE Marie-Louise, après avoir passé les frontières de la France, arriva à Bâle le

2 mai 1814, à 5 heures du soir. Sa suite et celle de son fils se composaient de madame la comtesse de Montesquiou, qui avait promis de consacrer encore deux années à l'éducation du jeune prince; de madame la duchesse de Montebello, qui, espérant retarder le moment d'une séparation douloureuse, voulut accompagner S. M. jusqu'à Vienne; de madame de Brignolé qui avait succédé à madame de Montebello en qualité de dame d'honneur, et qui devait rester et mourir auprès de l'impératrice. Le général Cafarelli, le baron de SaintAignan, le docteur Corvisart, M. Lacorner, chirurgien, etc., etc., devaient revenir en France avec madame de Montebello. M. le baron de Menneval, mesdames Hureau de Sorbec, Rabusson, Souflot et moi, devions rester pendant quelques années auprès de S. M.

Les événemens extraordinaires qui avaient obligé Marie-Louise à s'éloigner d'une patric qu'elle avait adoptée avec autant de confiance que de bonheur et d'innocence, avaient mis dans son ame un sentiment de tristesse et de regret dont l'empreinte mélancolique se reproduisait sur les traits de son visage; mais la consolation d'avoir avec elle son fils adoucissait l'amertume d'une situation dont elle n'était point la cause, et qui l'avait laissée entourée de tant de personnes dont l'affection et le dévouement lui étaient bien connus. Dans son service personnel, rien n'était changé : c'étaient les mêmes individus,

la même représentation, les mêmes usages, le même état de maison, la même étiquette, la même domesticité, les mêmes équipages, etc., auxquels elle était accoutumée depuis son mariage. Ces transitions éclatantes et soudaines qui sont les conséquences d'une telle catastrophe, et qui divisent en deux parts si différentes une vie marquée par une haute fortune et par une chute profonde, n'existaient point pour elle. Si elle quittait un trône, des sujets qu'elle aimait et dont elle était adorée, c'était pour retrouver un père qui la chérissait et qui lui-même était un des plus puissans princes de la terre; pour elle-même, elle emportait l'espérance d'une vie douce et tranquille dans ces duchés de Parme, l'un des faibles débris de la couronne impériale qu'elle venait de déposer sur les bords du Rhin.

En effet, une destinée spéciale était réservée à cette princesse au milieu du plus grand des naufrages, impératrice et régente, elle fut contrainte de descendre du trône en présence des armées de son père; et à peine eut-elle passé les frontières de l'empire, qu'elle retrouva le même éclat, la même pompe et les mêmes hommages dont elle était entourée dans le palais des Tuileries. Des corps nombreux de troupes autrichiennes et bavaroises l'attendaient sur la rive étrangère, et la reçurent avec tous les honneurs dus à la puissance suprême : les acclamations et l'empressement des peuples l'accueillirent avec une espèce d'ivresse :

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