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» sur la même question.- La Chambre prononce » par assis et levé, sans débats. » (Même article.) C'est ce qui est arrivé il n'y a pas longtemps.

Voilà donc un pas de plus. En premier lieu, rappel à l'ordre; et encore, lorsque le président exerce ses fonctions avec calme et dignité, il commence par donner un avis à l'orateur. Puis second rappel à l'ordre, et enfin la Chambre peut décider que la parole sera interdite à l'orateur pour le reste de la séance, sur la même question. La Chambre vote sans débats et vous en concevez la raison; si la Chambre se livrait à des débats sur l'incident, le désordre s'en augmenterait. « Toute personnalité, >> tout signe d'approbation ou d'improbation sont » interdits » (Article 22).

<< Si un membre trouble l'ordre, il y est rappelé >> nominativement par le président » (Article 23). C'est là l'aggravation de la peine, c'est ce nom propre articulé tout haut par le président pour rappeler le membre à l'ordre; il y a là une grande nuance, et c'est là précisément une loi faite pour un pays où ces délicatesses sont senties. Après avoir été rappelé nominativement à l'ordre par le président, « s'il in» siste, le président ordonne d'inscrire au procès>> verbal le rappel à l'ordre. En cas de résistance, >> l'Assemblée prononce l'inscription au procès-ver>> bal avec censure » (Même article). Alors ce n'est plus la censure implicitement comprise dans le rappel à l'ordre, mais la censure prononcée explicitement par la Chambre et mentionnée au procès-verbal de la séance.

Enfin le désordre, au lieu d'être individuel, peut devenir tant soit peu général. « Si la Chambre de>> vient tumultueuse et si le président ne peut la » calmer, il se couvre. Si le trouble continue, il >> annonce qu'il va suspendre la séance. Si le calme »> ne se rétablit pas, il suspend la séance pendant » une heure, durant laquelle les membres de la >> Chambre se réunissent dans leurs bureaux respec»tifs. L'heure expirée, la séance est reprise de >> droit. >>

Voilà les moyens de police de l'Assemblée sur ses membres. Il est assez curieux de les comparer avec les moyens anglais qui sont le signe et le symptôme de la manière de voir et des mœurs du pays. Il y a en Angleterre quelque chose de plus décisif, pour ne pas dire de plus brutal. Le règlement de la Chambre des Communes n'a jamais été officiellement écrit, mais une rédaction en a été faite par un homme célèbre que l'Angleterre a eu le malheur de perdre, il y a quelques années, Samuel Romilly; ce règlement a été imprimé en 1789 et publié par Mirabeau. En voici quelques dispositions : « Quand un membre parle sur » une question, on doit l'entendre jusqu'au bout. >> Personne n'a le droit de l'interrompre, si ce n'est >> l'Orateur (Président), dans quelques circonstances, » ou lorsqu'il parle de choses que la Chambre ne veut » pas entendre. Si quelqu'un se sert de paroles » offensantes, toute la Chambre criera: c'est contre » l'ordre. Si quelques membres parlent avec mépris » contre le Prince ou contre le Conseil privé, on les >> interrompt, et il est même arrivé que la Chambre

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» a proposé de les envoyer à la Tour et les y a en» voyés. »

La censure, en cas d'indocilité, peut aller jusqu'à l'exclusion de la Chambre, jusqu'à l'emprisonnement. Nous en avons vu récemment un exemple. Deux membres de la Chambre, dont un était ministre, s'étaient combattus trop vivement à la tribune, et ils devaient, au sortir de la séance, se battre en duel. La Chambre envoya les deux adversaires aux arrêts et les y laissa jusqu'à ce qu'ils eussent promis de ne. pas se battre.

La réprimande, au lieu d'être, comme elle l'est toujours chez nous, entourée de certaines formes, est faite souvent d'une manière très-désagréable. On a été jusqu'à exiger des excuses, et des excuses faites à genoux. Le célèbre Sheridan encourut un jour cette humiliation, et on se rappelle que, se relevant et se frottant les genoux : « Je n'ai jamais, dit-il, vu de >> Chambre aussi sale. >>

Le droit, avons-nous dit, va jusqu'à l'expulsion d'un membre, et ce droit est exercé; mais si la Chambre poussait les choses jusqu'à expulser un membre, il n'est plus contesté par personne que ses électeurs ou d'autres électeurs pourraient le réélire; l'expulsion seraient regardée comme une peine qu'on aurait voulu lui infliger, mais non comme une incapacité de faire désormais partie de la Chambre.

Quant à l'emprisonnement, il peut se prolonger selon le bon plaisir de la Chambre. Il y a cependant un terme, c'est la dissolution ou la prorogation du Parlement; le pouvoir de la Chambre de tenir un

homme en prison n'est reconnu qu'autant qu'elle siége, et si elle ne donne pas l'ordre de le mettre en liberté au moment où elle se sépare, il a le droit de réclamer son élargissement. Cela s'applique même aux étrangers; la police sur les étrangers s'étend en Angleterre jusqu'au droit de prononcer l'emprisonnement. Mais si la Chambre ne donnait pas l'ordre de les relâcher au moment de sa dissolution, ils ont le droit d'invoquer l'habeas corpus.

Au surplus, il est très-rare, aujourd'hui du moins, que la Chambre anglaise aille à ces extrémités. Cependant j'ai cité un fait récent; mais, comme vous le voyez, la Chambre a eu recours à l'arrestation de deux de ses membres, non pour leur infliger une peine, mais parce qu'on ne voulait pas que l'affaire eût les suites que l'on craignait.

Chez nous, ces moyens-là ne sont pas admis, et je me souviens d'avoir entendu discuter au commencement de notre système représentatif sur ce qu'on appelait l'insuffisance du règlement français. Le fait a prouvé que ces moyens suffisent. Il faut faire ici la part des habitudes, des mœurs, des susceptibilités. Il est très-rare, et je ne crois pas même qu'il soit jamais arrivé qu'on ait inséré au procès-verbal un rappel à l'ordre avec censure. Les mesures du règlement actuel, qui a déjà une existence de plus de vingt ans, doivent être regardées comme suffisantes.

QUATRE-VINGT-CINQUIÈME LEÇON

SOMMAIRE

-

Publicité des séances et des délibérations des Chambres anglaises; elle existe en fait mais non en droit; ce n'est qu'une simple tolérance. - Police de la Chambre des Députés sur les personnes étrangères à l'assemblée. Juridiction sur les personnes coupables d'injure ou d'offense envers l'assemblée ou même envers un ou plusieurs de ses membres à raison de leurs fonctions. Infidélité et mauvaise foi dans le compte rendu des séances; loi du 25 mars 1822 et loi du 8 octobre 1830. — Mode de procéder de la Chambre quand elle exerce elle-même les poursuites; questions sur la manière de voter.

Examen des pétitions: ordre du jour, dépot au bureau des renseignements; renvoi au ministre compétent: ce renvoi n'a et ne peut avoir d'autre objet que de recommander au ministre un nouvel examen de l'affaire qui a donné lieu à la pétition.

MESSIEURS,

Le droit de police qui appartient à la Chambre des Députés ne s'applique pas seulement aux membres de l'assemblée elle-même, il s'applique aussi, dans des circonstances données, aux personnes étrangères à la Chambre.

Premièrement, la Chambre a le droit de limiter, de suspendre la publicité de ses séances, droit garanti par l'article 38 de la Charte constitutionnelle. << Les séances de la Chambre sont publiques; mais

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