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le juge rende une première ordonnance pour ordonner que l'instruction sera reprise; par cela seul qu'il a la connaissance exclusive des nouvelles charges, il est compétent, sur la réquisition du ministère public, pour les rechercher et les réunir.

CHAPITRE CINQUIÈME.

DES ORDONNANCES DU JUGE D'INSTRUCTION.

2087. Formes générales des ordonnances du juge d'instruction. Énonciations qu'elles doivent contenir.

2088. Formes des ordonnances de non-licu.

2089. Mise en liberté de l'inculpé au cas d'une ordonnance de non-lieu.

2090. Mise en liberté au cas où le fait ne constitue qu'une contravention de police.

2091. Formes des ordonnances de renvoi en police correctionnelle.

2092. Ces ordonnances n'ont point l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la qualification des faits et la compétence.

2093. Délai pour la transmission des pièces dans les cas de renvoi aux tribunaux correctionnels et de police.

2094. L'ordonnance de renvoi doit-elle être signifiée au prévenu?

2095. Formes de l'ordonnance au cas où le fait est qualifié crime. Suppression de l'ordonnance. de prise de corps.

2087. Les ordonnances du juge d'instruction sont soumises à des règles générales qui s'étendent à toutes ces décisions et à des règles particulières qui ne s'appliquent qu'à quelques-unes d'entre elles. Les règles générales ne sont relatives qu'à leur forme; les autres régissent à la fois leur forme et leurs effets.

Les premières sont en général prescrites par la loi. Elles sont ou la conséquence ou l'application de ses textes; elles dérivent d'ailleurs de la nature même des actes auxquels elles s'appliquent. Ces règles sont les suivantes :

1° Toutes les ordonnances doivent être inscrites à la suite des réquisitions du procureur impérial, ainsi que le prescrit l'article 134, et elles doivent s'y référer.

2o Elles doivent, en second lieu, exprimer les motifs de leur décision, parce que c'est là une règle générale qui s'applique à tous les jugements et parce que, d'ailleurs, aux termes des articles 128 et 133, le juge d'instruction ne peut déclarer qu'il y a lieu ou qu'il n'y a pas lieu à suivre, sans déclarer en même temps qu'il existe ou qu'il n'existe pas de charges suffisantes

contre l'inculpé, que le fait constitue ou ne constitue pas un crime, un délit ou une contravention, c'est-à-dire sans motiver son jugement. Telle est d'ailleurs la prescription précise et formelle de l'article 134.

3o Elles doivent encore constater que la procédure était terminée, puisque ce n'est qu'à ce moment que le juge devient compétent, aux termes de l'article 127, pour statuer au fond'.

4° Ces ordonnances doivent énoncer le nom du prévenu, son domicile et son signalement, s'ils sont connus, l'exposé du fait et la nature du délit. Ces énonciations, que le deuxième paragraphe de l'article 234 exigeait, en ce qui concerne l'ordonnance de prise de corps, il les exige aujourd'hui dans toutes les ordonnances; car comment pourraient-elles produire les effets que la loi y a attachés, si le prévenu n'y était pas désigné, si les faits qui en sont l'objet n'y étaient pas précisés et qualifiés?

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Ces différents points ont été, au surplus, reconnus par la jurisprudence. Une chambre du conseil s'était bornée, pour formuler son ordonnance, à écrire à la suite du réquisitoire du ministère public ces mots soit fait ainsi qu'il est requis, signés par les juges composant la chambre. La Cour de cassation a prononcé l'annulation de cette ordonnance: « Attendu qu'il n'est pas permis de voir dans cette réponse au réquisitoire une véritable ordonnance portant règlement de la compétence; qu'une ordonnance de cette nature doit nécessairement constater que le juge d'instruction a fait le rapport de l'affaire ; qu'il l'a fait en chambre de conseil et devant le tribunal régulièrement constitué; qu'une pareille ordonnance doit être motivée et contenir un dispositif qui statue formellement sur la compétence.

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2088. A côté de ces règles, qui sont communes à toutes les ordonnances, il en est d'autres qui, on l'a déjà dit, sont particulières à chaque catégorie de ces décisions.

On distingue principalement les ordonnances de non-lieu et les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel et le tribunal de police.

Nous allons examiner les règles spéciales relatives à chacune de ces ordonnances.

1 Cass. 26 août 1837 (Bull., no 253).

2 Cass. 30 mai 1828 (J. P., tom.XXI, p. 1507); Dalloz, 28, 1, 266).

Nous avons vu que, suivant les termes de l'article 128, lorsque le juge d'instruction est d'avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé, il doit déclarer qu'il n'y a pas lieu

à suivre.

L'ordonnance de non-lieu, lorsqu'elle déclare que le fait n'est pas punissable, doit constater avec soin toutes les circonstances de ce fait. Car comment sa décision pourrait-elle être appréciée par la chambre d'accusation, si les éléments qui la fondent ne sont pas exactement constatés ? Comment pourrait-elle couvrir le fait incriminé de l'autorité de la chose jugée, si ce fait n'est pas énoncé avec toutes les circonstances qui le constituent? Il ne suffirait donc pas que l'ordonnance déclarât que les faits imputés au prévenu ne constituent ni crime ni delit; car cette énonciation vague ne donne aucun motif de la décision, et ne permet pas d'en apprécier la légalité ',

Si l'ordonnance de non-lieu se fonde sur l'insuffisance des charges, elle doit préciser alors avec la même exactitude les indices qu'elle a constatés et qu'elle juge insuffisants; car, pour reprendre l'instruction au cas de survenance de nouvelles charges, ne faut-il pas connaître les faits que l'ordonnance a appréciés? Pour savoir où s'arrête l'autorité de cette décision, ne faut-il pas pouvoir discerner ce qu'elle a jugé 2?

2089. L'article 128 ajoute « Et si l'inculpé avait été arrêté, il sera mis en liberté. » Cette mise en liberté est la conséquence nécessaire de l'ordonnance de non-lieu; elle doit donc être opérée de plein droit et lors même qu'elle n'aurait pas été ordonnée ; mais il est plus régulier que le juge ordonne que l'inculpé sera mis en liberté, s'il n'est retenu pour autre cause, et s'il est sous le coup d'un mandat qui n'aurait pas été exécuté, prononce l'annulation de ce mandat.

La mise en liberté est effectuée sur l'ordre du ministère public. L'article 135 lui accorde un délai de 24 heures, à compter du jour de l'ordonnance, pour former opposition; l'ordre de mise en liberté peut donc être retardé de 24 heures, sauf le cas où une opposition aurait été formée. S'il y a partie civile, il est néces

1 Cass. 17 juillet 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 774). 2 Cass. 18 janv. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 64).

saire, aux termes du même article, de lui signifier l'ordonnance au domicile qu'elle a dù élire au siége du tribunal; cette signification doit être immédiate, puisque le délai de 24 heures ne court contre cette partie qu'à partir de sa date.

Le juge doit ordonner, en même temps, la restitution des objets saisis; car, la poursuite annulée, la cause de cette saisie a disparu. Une chambre d'accusation avait refusé d'ordonner cette remise par le motif que les pièces saisies étaient inutiles au prévenu et pourraient dans la suite servir de pièces de conviction. dans les poursuites qui pourraient avoir lieu. Cette décision a été annulée par la Cour de cassation: « Attendu que, la prévention se trouvant purgée par l'arrêt qui déclarait n'y avoir lieu à accusation, aucun texte de loi n'autorisait à retenir les pièces saisies à domicile, par le motif et sous le prétexte de la possibilité d'une poursuite ultérieure qui n'était pas encore commencée; qu'une telle manière de procéder laisserait indéfiniment un inculpé à l'égard duquel il a été déclaré n'y avoir lieu à accusation sous le coup d'une prévention qui ne porterait pas moins atteinte à sa personne qu'à son droit de propriété ; que, par conséquent, elle constitue un excès de pouvoir'.» Dans une autre espèce, la chambre d'accusation avait rejeté la demande en restitution de papiers saisis au domicile de l'inculpé, à raison des réserves faites par le ministère public à fin de poursuites disciplinaires contre un officier ministériel. Cet arrêt a été cassé : « Attendu que les réserves étaient étrangères à l'inculpé, et que la circonstance que les papiers par lui réclamés ne se trouvaient plus dans le greffe du tribunal où ils avaient été déposés après leur saisie, et en étaient sortis pour être adressés aux tribunaux saisis des actions disciplinaires, ne changeait rien à son droit, et ne mettait pas obstacle légalement à ce que la chambre d'accusation ordonnat la restitution des pièces réclamées par le demandeur, que cette Cour était seule compétente pour prononcer cette restitution, sauf au procureur général, chargé de faire exécuter ses arrêts, à faire rétablir les pièces dont il s'agit au greffe du tribunal où elles ont été originairement déposées, afin qu'elles soient ensuite remises à qui de droit, moyennant bonne et valable décharge'. Enfin, toutes les fois qu'il déclare qu'il n'y a lieu à suivre, le

1 Cass. 31 mai 1838 (Bull., no 147). 2 Cass. 5 avril 1839 (Bull., no 112).

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juge d'instruction doit ordonner le dépôt de la procédure au greffe '.

2090. Si le juge d'instruction est d'avis que le fait n'est qu'une contravention de police, il doit, aux termes de l'article 129, après avoir renvoyé l'inculpé devant le tribunal de police compétent, ordonner qu'il sera mis en liberté s'il est arrété.

Il résulte, en effet, de l'article 91 que ce n'est que lorsque le fait est de nature à donner lieu à une peine correctionnelle qu'un mandat peut être décerné contre l'inculpé. Des contraventions de police, quelles que soient les peines dont elles sont passibles, ne donnent pas lieu à cette mesure: les peines sont trop minimes pour que la poursuite exige la garantie de la détention préalable. De là il suit que lorsque, par l'effet d'une qualification erronée, l'inculpé d'une contravention de police a été arrêté, la première conséquence de la rectification de cette erreur doit être l'annulation du mandat abusivement décerné.

2091. Si le juge d'instruction est d'avis que le fait est passible de peines correctionnelles, l'ordonnance doit, aux termes de l'article 130, prononcer le renvoi devant la juridiction correctionnelle.

Cette disposition avait été restreinte par les lois des 8 octobre 1830, 10 décembre 1830, 10 avril 1831, 7 juin 1848, 28 juillet 1848 et 15 mars 1849, qui, comme garantie des droits politiques des citoyens, avaient attribué à la juridiction du jury tous les délits commis par la voie de la presse ou qui avaient un caractère politique : l'article 25 du décret du 17 février 1852 et l'article 1er du décret du 25 février suivant ont renvoyé ces délits devant les tribunaux correctionnels, et la disposition de l'article 130 est devenue une règle absolue.

Ce renvoi prononcé, l'ordonnance doit régler la position provisoire du prévenu. «Si, dans ce cas, porte le 2o § de l'art. 130, le délit peut entraîner la peine d'emprisonnement, le prévenu, s'il est en arrestation, y demeurera provisoirement. » Et l'article 131 ajoute : « Si le délit ne doit pas entraîner la peine de l'emprisonnement, le prévenu sera mis en liberté, à la charge de

1 Legraverend, tom. I, p. 392; Massabiau, tom. II, p. 359; Duverger, tom. III, p. 300.

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