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parce qu'elle a fait voir, que quand Dieu permet les maux qu'il pourroit empêcher, il en fait tirer les grands biens qu'il lui plaît, & faire fervir à fa gloire même les péchés qui le deshonoroient; parce qu'un Dieu fait homme eft ce que Dieu a jamais fait de plus grand dans le ciel & fur la terre; c'eft le chef-d'œuvre de fa toutepuiffance. Qu'est-ce, en effet, que le ciel, la terre, les Anges, les hommes, & toutes les créatures, en comparaison d'un Dieu-Homme ?

L'Incarnation a fait connoître jufqu'à quel point la Majefté de Dieu peut s'abaiffer. Or la puiffance de Dieu éclate infiniment plus lorfque Dieu s'abaiffe,. que lorfqu'il s'éleve; parce que l'abaiffement est très-éloigné de Dieu, & paroît même oppofé à fa nature; au lieu que la grandeur lui eft effentielle, & convient admirablement à l'idée que nous avons de fa nature. Nous aurions pu connoître, quoiqu'imparfaitement, la grandeur de Dieu fans l'Incarnation; mais nous aurions toujours ignoré, fans ce Myftere, jufqu'où Dieu pouvoit rabaisser sa Majesté infinie. La création nous a fait voir ce qu'il peut faire de grand; mais l'Incarnation nous montre jufqu'à quel point il peut diminuer & comme raccourcir fa grandeur. Comme donc il n'y a rien de plus élevé, ni de plus incompréhenfible, que ce ra

baissement, il n'y a rien auffi où la puiffance de Dieu éclate davantage.

Il paroît plus d'impoffibilités dans l'Incarnation, plus d'oppofitions à la raison humaine, Il y a donc plus de puissance à les furmonter. Enfin, il est infiniment plus glorieux à Dieu de vaincre le démon & le monde, par une baffeffe & une foibleffe apparente, que par majefté & par puiffance. Car quelle proportion entre la force du Créateur & celle des créatures ? C'est justement ce qu'il a fait par la baffeffe & la foibleffe apparente de l'Homme-Dieu, & il a montré par-là, comme dit l'Apôtre, que ce qui paroît foible en lui, eft plus fort que tous les hommes (a).

L'Incarnation de Jefus-Christ releve la fageffe de Dieu, en ce qu'elle fait paroî tre excellemment combien elle est au-def fus de celle des hommes. En effet, ce moyen de nous fauver feroit-il jamais tombé dans l'efprit d'aucun homme ? Et cependant il eft fi efficace & fi propre au deffein de Dieu, que Dieu a exécuté par là, & en peu de temps, ce qu'aucun homme n'auroit feulement ofé tenter, qui eft d'avoir perfuadé à tous les peuples, par les plus foibles inftrumens, les vérités les plus oppofées à l'efprit & au cœur hu

main.

(a) Quod infirmum eft Dei, fortius eft hominibus. r. Corinth. 1. 25.

C'est pourquoi faint Grégoire appelle excellemment le Myftere de l'Incarnation la folie de la fageffe de Dieu,» Le Verbe » & la parole de Dieu eft fa fageffe, dit » ce Pere, & la folie de cette fageffe n'eft » autre chofe que la chair du Verbe; afin » que les gens charnels, qui étoient incapables de s'élever, par la prudence de la chair, jufqu'à la fageffe de Dieu, fuf»fent guéris & fauvés par la folie de la » prédication, c'eft-à-dire, , par l'Incarna» tion du Verbe (a).

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La fageffe de Dieu éclate encore dans ce Myftere, en ce qu'elle a trouvé le fecret de faire naître, d'une race corrompue, un homme qui eft pur & faint, non par l'opération de la grace, mais par l'u

nion à la Divinité même; & de faire, pour ainfi dire, d'un Homme-Dieu un pécheur univerfel, en le chargeant de tous les péchés du monde ; une victime univerfelle, en le livrant à la mort à la place de tous les pécheurs; & un jufte univerfel, en renfermant en fa perfonne toute la vraie justice, pour la communiquer aux hommes, & les rendre juftes.

Enfin elle y éclate encore, en ce que Dieu a trouvé le moyen de fatisfaire tout à

(a) Verbum Dei fapientia eft, fed ftultitia hujus fapientiæ dicta eft caro Verbi : ut quia carnales quique per carnis fuæ prudentiam pertingere non valebant ad fapientiam Dei, per tultitiam prædicationis, id eft per carnem Verbi, fanaren Eur. Lib. 14, Mor. c. 46, nɔv. edit.

la fois fa colere & fon amour, & qu'il ménage les intérêts du criminel qu'il fau ve, fans bleffer ceux de la Majefté divine qui eft offenfée. Les hommes font fauvés parce que le Fils de Dieu s'eft chargé de leurs crimes & des peines qui leur étoient dues ; & Dieu n'a rien perdu de fes droits, puifque pour avoir été offenfé par une fimple créature, il se voit infiniment honoré par un Dieu.

L'Incarnation fait connoître d'une maniere fenfible & plus que toute autre chofe la fainteté de Dieu, & par une fuite néceffaire l'énormité du péché. Par elle nous apprenons que le péché eft fi contraire à la fainteté de Dieu & à l'ordre, qu'il a fallu le facrifice de la vie de fon Fils pour l'expier & pour rétablir l'ordre. Toutes les autres victimes qui auroient pu lui être offertes par les hommes & par les Anges, étoient incapables de fatisfaire pour l'outrage que le péché lui avoit fait. Un homme offert à Dieu n'auroit pas hoftie pure, parce que tous les hommes naiffent fouillés & impurs ; & un Ange n'auroit pas été une hoftie proportionnée à l'injure, qui eft en quelque forte infinie, parce qu'un Ange n'eft qu'une créature finie.

été une

La grandeur du remede fait auffi comprendre la grandeur du mal. L'homme n'auroit pas fenti le poids du péché,

fi

Dieu ne le lui avoit fait pefer dans la vie & dans les fouffrances d'un Dieu fait homme. Le Sang de Jefus-Chrift qui a été répandu pour expier nos crimes, eft un miroir fidele, qui nous représente l'horreur & la difformité de toute offense commife la créature contre le Créateur.

par

Ne difons point, Dieu, qui eft toutpuiffant, pouvoit, puifqu'il aimoit tendrement les hommes, les fauver fans exiger d'eux une fatisfaction fi pleine & fi entiere, que celle que Jefus-Chrift lui a faire. Mais difons plutôt, puifque le Tout-puiffant, avec tout l'amour qu'il a pour fa créature, ne l'a pas voulu fauver par d'autres voies, que par celle de l'Incarnation & de la mort de l'Homme-Dieu, il faut qu'il haïffe étrangement le péché. Comprenons auffi que le péché eft le plus horrible de tous les maux, puifqu'il eft infiniment haï de celui qui, étant la justice fouveraine, he peut, ni aimer, ni haïr injuftement, ni au-delà de ce que chaque chofe mérite.

L'Incarnation de Jefus-Chrift releve infiniment la bonté & la charité de Dieu. On en a parlé à fond dans la premiere inftruction: on fe contente de remarquer ici que c'eft le prodige de fon amour, & le plus grand effort qu'il ait pu faire pour nous le témoigner. Par-là fon amour envers nous a été épuifé, pour parler ainfi.

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