Page images
PDF
EPUB

débiter partie de ses marchandises, dans le cours de son voyage, dans les ports où le navire relâcherait. L'assureur n'est donc pas fondé à refuser de porter seul les pertes et avaries survenues depuis, lorsqu'il n'y avait plus dans le vaisseau que la partie assurée. J'ai néanmoins entendu faire à cet égard une distinction qui m'a paru assez plausible. Lorsque c'est dans le cours du voyage, et pour l'intérêt de son commerce, que l'assuré a retiré une partie de ses marchandises, pour les débiter dans les ports où le navire relâchait, l'assureur ne peut pas s'en plaindre, et la décision de M. Valin doit avoir lieu: mais si, le navire étant prêt à arriver au port de sa destination, l'assuré avait fait décharger une partie de ses marchandises, dans la vue uniquement de soustraire au danger des avaries qu'il y avait lieu de craindre, la partie non assurée, et de faire tomber en entier ces avaries sur la partie assurée; en ce cas on pourrait dire que l'assureur ne doit porter dans l'avarie que la même part qu'il eût portée si la partie qui a été retirée fut restée dans le navire, l'assuré n'ayant pas dû préférer son intérêt à celui de l'assureur.

La distinction que fait ici Pothier est absolument sans base et hors des principes du contrat d'assurance; l'assureur n'a rien à dire, tant qu'il y a dans le navire un aliment suffisant au risque assuré, ce qui excède lui est

absolument étranger, et pour quelque motif que ce soit, l'assuré peut en faire l'objet d'une nouvelle assurance, le laisser à ses risques dans le navire ou l'en retirer.

§. I I.

De la Prime.

81. La quatrième chose qui est de l'essence du contrat d'assurance, est qu'il y ait quelque chose que l'assuré donne ou s'oblige de donner à l'assureur pour le prix des risques dont il se charge. C'est ce qui s'appelle, dans le contrat d'assurance maritime, la Prime d'assurance.

Elle est appelée Prime parce qu'elle se payait primò et avant tout, même avant que le départ du vaisseau eût fait commencer les risques. C'est ce qui est porté par l'article 6 du titre des Assurances, où il est dit: La prime ou coût de l'assurance sera payée en son entier lors de la signature de la police.

Néanmoins depuis, l'usage a prévalu de ne la plus payer comptant; on la paye ordinairement en un billet qu'on appelle billet de prime, payable à une certaine échéance. (a)

Il est d'usage que cette prime consiste en une somme d'argent dont les parties conviennent entr'elles, à raison de tant pour cent de la somme 'assurée.

Quelquefois on convient d'une somme pour chacun mois que durera le voyage, et quelquefois d'une seule somme pour tout le tems du voyage.

Quelquefois lorsqu'on fait assurer tant pour le voyage que pour le retour, on convient d'une somme pour le voyage, et d'une pour le retour. Quelquefois on convient d'une même somme tant pour le voyage que pour le retour; ce qui s'ap pelle une prime liée, c'est-àdire, qui lie et réunit en une, celle pour l'aller et celle pour le retour. (b)

(a) D'après Emerigon, Ass. ch. 3, sect. 6, 9, l'usage à Marseille, du moins en temps de paix, était de payer la prime comptant, conformément à la loi; on y fesait aussi des billets de prime, c'est-à-dire, que la police. portait l'acquittement en billets de prime; et ces billets causés valeur en prime n'alteraient 'pas le privilége de l'assureur pour son paiement.

En tems de guerre, les primes étant à un taux élevé, on stipulait, et cela est encore ainsi, que les primes seraient compensées en cas de perte et ne seraient payées qu'à l'heureuse arrivée. Voyez Em. ib., hîc n.os 163,

191.

L'usage de donner des billets de prime, ainsi que celui de payer la prime comptant, n'a plus lieu à Marseille. Les assureurs sont au contraire en coutume malgré la clause payable à l'heureuse arrivée, de n'exiger les primes qu'un ou deux mois après,

(b) Lorsqu'il y a prime liée, et que le navire ne fait

pas de retour, la prime est réduite aux deux tiers. Ordon. 1681, ass. art. 6, Code de com. art. 356.

Mais si le navire périt avant même d'arriver au lieu de sa destination, par quelque événement à la charge de l'assureur, la prime entière sera due à celui-ci. Emerigon, ass. ch. 3, sect. 2, §. 4

82. La prime, pour être équitable, doit être le juste prix des risques dont l'assureur se charge par le contrat; mais comme il n'est pas facile de déterminer quel est ce juste prix, on doit donner à ce juste prix une très-grande étendue, et réputer pour juste prix celui dont les parties sont convenues entre elles, sans que l'une des parties. puisse être écoutée à alléguer à cet égard la lésion.

83. La prime étant le prix des risques dont l'assureur se charge, il est évident qu'elle doit être plus ou moins considérable suivant qu'il y a plus ou moins de risques dont l'assureur se charge, et suivant qu'ils doivent durer plus ou moins long

tems..

C'est pourquoi, comme les assureurs courent beaucoup plus de risques en tems de guerre qu'en tems de paix, la prime dont on convient en tems de guerre, est beaucoup plus considérable que celle dont on convient en tems de paix.

Mais lorsque le contrat a été fait en tems de paix pour une prime très-modique, sans aucune clause d'augmentation de prime en cas de surye

nance

nance de guerre, les assureurs sont-ils fondés, la guerre étant survenue, à demander une augmentation de prime? Cette question a été très-souvent agitée dans les différens Parlemens au commencement de la dernière guerre. Les raisons pour refuser l'augmentation de prime étaient que dans tous les contrats on n'a égard qu'au prix que la chose qui en était l'objet, valait au tems du contrat, non à celui qu'elle a valu depuis. Par exemple, dans un contrat de vente, lorsque j'ai acheté une chose pour le prix qu'elle valait au tems du contrat, quoique par des circonstances imprévues, le prix de cette chose soit triplé ou même décuplé depuis le contrat, le vendeur n'est pas fondé à me demander aucune augmentation de prix de même dans un contrat d'assurance fait en tems de paix, l'assureur s'étant chargé, pour le prix convenu

alors, de tous les risques auxquels mes effets pouvaient être exposés, dans lesquels sont compris, suivant l'article 26 ( C. de c. 350), ceux auxquels le cas d'une survenance d'une déclaration de guerre pourrait les exposer; quoique le prix des risques de la guerre soit, depuis le contrat considérablement augmenté, au moyen de ce que la guerre est devenue certaine, il semble que l'assureur n'est pas pour cela fondé à demander une augmentation, parce que ces risques de la guerre, dont il est chargé par le contrat,

I

[ocr errors]

ne

« PreviousContinue »