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respectivement lancés dans leurs précédents écrits; Considérant qu'elles sont d'autant plus répréhensibles, que Bellant, étant revêtu de la qualité d'avocat, devait savoir que c'était violer les premiers devoirs, que de prendre occasion d'un procès personnel, pour outrager et diffamer l'avocat de la partie contre laquelle on plaide, et vu ce qui résulte de l'article 1036 du Code de procédure civile ; statuant sur le tout.. faisant droit, tant sur les conclusions du procureur-général que sur l'intervention de Frondière, déclare le mémoire de l'appelant injurieux et calomnieux; en ordonne la suppression, et par suite, le rejet de la taxe, fait injonction à Bellant d'être à l'avenir plus circonspect; le condamne aux dépens de l'intervention. »

4. Les avocats et avoués peuvent être appelés par les Cours et les tribunaux civils ou criminels, pour remplacer les juges récusés ou absents; mais il faut que le nombre des juges qui siégent soit supérieur à celui des avocats et avoués appelés pour compléter le tribunal ou la Cour (1).

Avant la nouvelle organisation des tribunaux, la marche de la justice ne devait jamais éprouver le moindre retard. Si les juges ne se rendaient pas sur le siége à l'heure ordinaire fixée pour les audiences, les avocats avaient le droit de se constituer en tribunal; et s'ils ne se trouvaient pas en nombre suffisant; il leur était même permis de s'adjoin

(1) Les longues et lumineuses observations de M. Coffinières doivent nous dispenser de toutes réflexions sur cette question. On peut voir MM. CARR., t. 1, p. 270, à la note; MERLIN, Questions de droit, vo Homme de loi, § 4, t. 3, pag. 370 et suiv.; PR. FR., t. 1, p. 384, et LEGRAVEREND, t. 2, p. 82. Ce dernier jurisconsulte décide, sans hésiter, que les avocats peuvent être appelés à compléter les cours d'assises, en cas d'empêchement des présidents, juges et suppléants.

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dre des praticiens, pour rendre la justice à ceux qui la réclamaient. Voyez les ordonnances de 1519, 1539, 1566, et l'art. 15 titre24 de l'ordonnance de 1661.

L'assemblée législative reudit, le 29 août 1792, une loi ainsi : conçue ART. 1. « Tous jugements auxquels ont concouru des gradués assermentés et des hommes de loi, pour l'absence ou l'empêchement des juges des tribunaux, sont déclarés valides. — Art. 2. En cas d'absence ou d'empêchement des juges, les tribunaux sont autorisés à appeler des gradués assermentés ou des hommes de loi, pour les remplacer et concourir aux jugements. »

Sous l'empire de cette loi, il était donc encore permis de composer les tribunaux d'un nombre d'avocats ou avoués supérieur à celui des juges; mais cet usage offrait de grands inconvénients, parce que de simples particuliers ne peuvent pas toujours justifier la confiance accordée par la loi à ceux qléu'el revêt de son autorité

Aussi la loi du 30 germinal an v s'occupa-t-elle à déterminer le nombre des avocats, hommes de lois ou avoués qu'on pourrait appeler pour compléter un tribunal ; « Afin d'éviter toute espèce d'interruption dans le cours de la justice (porte l'art. 16 de cette loi), chaque section du tribunal civil, en cas d'empêchement momentané de quelques-uns des juges, et de l'absence des suppléants, a la faculté d'appeler UN OU DEUX CITOYENS AU PLUS, du nombre de ceux qui sont dans l'usage d'exercer le ministère de défenseur officieux, à l'effet de compléter instantanément le nombre des juges requis pour le jugement des procès.

Il est important de remarquer que, lors de l'émission de cette loi, les tribunaux civils devaient être composés de cinq juges au moins, et qu'ainsi ils se trouvaient encore en nombre supérieur en s'adjoignant deux défenseurs officieux. Lorsque, dans la suite, deux degrés de juridiction furent

établis, il fut permis aux tribunaux de première instance de rendre leurs jugements au nombre de trois juges ( Art. 26 de la loi du 27 ventose an VIII).

Aucune loi ne confirma ou n'abrogea, d'ailleurs, la disposition de celle du 30 germinal an v; l'art. 3o de la loi du 22 ventose an XII disposa seulement, qu'à compter du premier vendémiaire an vII, les avocats selon l'ordre du tableau, et après eux les avoués, selon la date de leur réception, seraient appelés en l'absence des suppléants, à suppléer les juges, les commissaires du gouvernement et leurs substituts; mais cette loi ne dit pas jusqu'à quel nombre ils pouvaient être appelés pour compléter le tribunal.

Ainsi on eut à décider alors; 1° si la disposition de la loi du 22 ventose était générale, et permettait aux Cours d'appel et de justice criminelle d'appeler, comme les tribunaux de première instance, des avocats et des avoués pour se compléter; 2o si la loi du 30 germinal an v pouvait encore être appliquée sous la nouvelle organisation judiciaire, et si les tribunaux d'arrondissement pouvaient s'adjoindre aussi-bien que les tribunaux civils qu'ils avaient remplacés, deux avocats ou avoués.

Ces diverses questions se sont présentées à l'examen de la Cour de cassation : nous allons les reproduire dans l'ordre suivant :

1o Les Cours d'appel ont-elles le droit de s'adjoindre un ou plusieurs avocats ou avoués pour se compléter?

2o En est-il de même à l'égard des Cours de justice criminelle?

3° Quel nombre d'avocats ou d'avoués, un tribunal de première instance peut-il appeler en remplacement des juges absents ou récusés?

4° En général, les juges doivent-ils être supérieurs en nombre aux avocats ou avoués qu'ils s'adjoignent?

SI.

La veuve Cottin et le sieur Sélis étaient en instance devant la Cour d'appel de Liége.

Trois juges s'abstinrent de concourir à l'arrêt, parce qu'ils avaient connu de l'affaire en première instance; la Cour s'adjoignit trois avocats pour les remplacer, et se composa ainsi au nombre de sept juges, ainsi que l'exige la loi du 7 ventose an VIII. 17

Pourvoi en réglement de juges, de la part de la dame Cottin, fondé 1° sur ce que les Cours d'appel n'étaient pas autorisées à appeler des hommes de loi pour se compléter; 2o sur ce qu'en supposant que la loi du 30 germinal an V, relative aux tribunaux civils, fût applicable aux Cours d'appel, elle permettait seulement l'adjonction de deux hommes de loi.

M. le procureur-général Merlin portait la parole dans

cette cause.

Il a établi, d'abord, que les Cours d'appel n'avaient pas besoin de consulter à cet égard, la loi du 30 germinal an v, relative en effet aux seuls tribunaux civils, mais que la loi du 29 août 1792, plus ancienne et plus générale, comprenait tous les tribunaux dans sa disposition, et devait s'appliquer à ceux établis depuis, comme à ceux précédemment créés par la loi du 24 août 1790.

En second lieu, que la loi du 30 germinal an v n'avait pas été faite précisément pour attribuer aux tribunaux civils le droit d'appeler dans leur sein des hommes de loi, en remplacement des juges absents ou empêchés; qu'il ne fallait pas pour cela de nouvelles dispositions législatives, puisqu'il n'existait la-dessus aucune difficulté dans la jurisprudence; qu'il en fallait seulement une pour fixer le nombre des hommes de loi que les tribunaux civils pourraient s'adjoindre; car, jusqu'alors, ce nombre avait été indéterminé.

TOME V.

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Après avoir ainsi démontré que les Cours d'appel pouvaient, comme les tribunaux civils, appeler des avocats ou des hommes de loi pour se compléter, M. Merlin a réfuté, en ces termes, le moyen résultant de ce que la loi du 30 germinal an v n'autorisait que l'adjonction de deux hommes de loi au plus :

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Pourquoi la loi du 30 germinal an v limite-t-elle à un ou deux le nombre des défenseurs officieux qu'elle permet aux tribunaux civils de département de s'agréger, en remplacement de leurs membres absents ou empêchés? c'est évidemment parce que les tribunaux étaient, dans chaque section,composés de cinq juges, et qu'il entrait dans les vues du législateur que les juges fussent toujours en majorité, comparativement aux hommes de loi.

» Mais aujourd'hui l'état des choses est changé ; les Cours d'appel ne peuvent plus prononcer qu'au nombre de sept juges; et comme il y a de trois à sept la même proportion que de deux à cinq, il est évident que trois hommes de loi peuvent, aujourd'hui, être appelés, par le même motif que deux pouvaient l'être dans les ci-devant tribunaux civils de département.

» En se servant de l'expression: un ou deux défenseurs officieux, la loi du 30 germinal an v n'a voulu désigner qu'un nombre de défenseurs officieux, inférieur d'un seulement à celui des juges; elle n'a voulu que restreindre le droit des juges, d'appeler des hommes de loi, aux cas où ils excèderaient au moins d'un, le nombre de ceux-ci.

» Les Cours d'appel se conforment donc, non-seulement à l'esprit, mais au texte bien entendu de cette loi, lorsqu'ils s'agrègent trois défenseurs officieux ou avoués, en remplacement d'un pareil nombre de juges absents ou empêchés. »

Ces considérations étaient décisives contre le pourvoi; aussi le rejet en a-t-il été prononcé, le 4 pluviose an x, au

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