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» tons et dans les bourgs, et auxquels on adjoint cent as» sistans tirés du peuple, qui leur donnent conseil et partagent leur autorité. »

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Il n'y a rien à ajouter à ce tableau; mais il y faut remarquer l'établissement de cette antique assemblée nationale, dont on retrouve toujours quelques traces dans la suite au travers des altérations amenées par les âges. Ce n'est pas sans un vif intérêt qu'on porte son attention sur cette assemblée, qu'on examine sa formation et son objet, qu'on voit son caractère de souveraineté si clairement exprimé par l'historien, quand on songe qu'elle est le berceau des libertés politiques de la plupart des peuples modernes. On a vu, dans les inorceaux qui ont précédé celui-ci, que le servage, la vassalité, que l'arbre féodal tout entier enfin, avait ses racines dans les forêts de la Germanie. Il n'est donc pas nécessaire de revenir sur ce sujet. Il s'agit de présenter ici seulement d'autres résultats provenant d'une même origine par des circonstances différentes.

Telle fut cette sauvage Germanie, devant laquelle vint échouer l'orgueil des légions, et qui, après avoir, pendant plusieurs siècles, constamment ravagé les frontières de l'Empire, se déborda enfin comme un torrent dévasteur, porta le dernier coup à l'édifice de César et de Constantin, et forma de ces débris la plupart des États qui composent actuellement encore l'Europe. Mais arrêtons-nous un instant sur cette époque.

S. II. Des Ligues germaniques. (3° siècle).

Vers le milieu du troisième siècle de l'ère chrétienne, la situation politique de la Germanie prit une nouvelle face. Les peuples qui l'habitaient, armés par les souvenirs d'Arminius et de Tetoburgium, avaient soutenu jusque-là les alternatives de la guerre opiniâtre que les Romains portaient constamment au-delà du Rhin. Ils changèrent alors de rôle, reconnaissant que c'était leurs divisions et leur état d'isolé

ment qui avaient partout favorisé les succès de leurs ennemis, ils songèrent à réunir leurs efforts, et les fameuses' ligues germaniques prirent naissance; ce fût alors aux anciens aggresseurs à repousser leurs perpétuelles invasions

dans la Gaule Rhénane.

On chercherait vainement dans l'histoire autre chose que des notions confuses sur ces ligues, dont l'établissement est néanmoins d'un si grand intérêt, puisqu'il concourut puissamment sans doute à la chute de l'Empire romain. Les prolixes annalistes de cette époque qui nous ont raconté avec tant de complaisance les prétendus miracles de ces fondateurs supposés des premiers siéges apostholiques, n'ont qu'à peine fait mention des confédérations fameuses, armées alors pour la liberté de la Germanie. On ne sait absolument rien sur les règles de leur formation, et les limites mêmes du territoire qu'elles embrassaient, offrent une foule de points livrés aux discussions savantes des géographes du moyen âge.

Bornons-nous donc à quelques remarques, qui ne paraissent guère pouvoir être contestées.

La plupart des peuples qui habitaient le nord de la Germanie se trouvèrent réunis sous la dénomination de Saxons; ce furent les conquérans des Iles Britanniques; les Frisons furent ceux qui occupaient les côtes de la mer du Nord, depuis les bouches du Weser, jusqu'à celles de la Moselle : il faudra y revenir quand il sera question de la Hollande et des Provinces Unies. On désigna commie Francs, ceux qui, tenant le cours du Rhin jusqu'à l'Alsace, s'enfonçaient dans le centre du pays jusqu'aux limites des nations Saxonnes, et dont les chefs devaient plus tard donner des lois à tout l'Occident; à la suite on trouvait les Allemands (Alemanni), qui remontaient le Danube, et dont le nom prédomina dans la suite sur le sol entier de la Germanie; et au-dessus de ceux-ci, les Bavarois (Boioari), dont les diverses migrations avaient emhrassé le territoire compris entre la Saxe et le Tyrol. Entre ces peuples, il en est certainement plusieurs dont on ne

peut assigner positivement l'existence à telle ou telle ligue; les Thuringiens, par exemple, dont les rois firent souvent la guerre aux Francs pendant la première race. Mais je le répète, dans un pareil sujet il faut s'abstenir; car on serait d'autant plus inexact qu'on voudrait mettre plus d'exactitude.

Telle fut la nouvelle situation politique de la Germanie. Il faut maintenant traverser plusieurs siècles, et arriver à Charlemagne; car l'histoire ne présente plus jusqu'à la restauration de l'Empire, que les diverses conquêtes des peuples que nous venons de désigner, et les migrations fréquentes des peuplades Slaves, ou autres, dans le territoire qui leur était abandonné les premiers.

par

S. III. Charlemagne. (9° siècle. )

Nous avons considéré ailleurs Charlemagne comme monarque et législateur des Francs. Ici c'est l'empereur qui doit paraître; c'est le souverain victorieux de toutes les nations germaniques, plaçant sur sa tête la couronne de l'un des héritiers de Théodose.

Ce fut l'acte politique le plus grave dont le monde eût été le théâtre depuis la translation du siége de l'Empire romain à Constantinople, que celui qui plaça sur le trône d'Auguste et de Marc-Aurèle le descendant des simples officiers du palais des Childérics et des Dagoberts. Ce fut un évènement qui devait exercer une haute influence sur la marche de l'Occident vers la civilisation.

Une chose bien digne de remarque, c'est que c'était dans les écoles de l'Orient, que se préparait en silence cette grande révolution, qui devait changer la face de l'Europe. Depuis près d'un siècle, le despotisme cruel des empereurs y faisait triompher l'hérésie des iconoclastes, de l'anathême des évêques de Rome. Une querelle religieuse amena, comme il est souvent arrivé, un changement politique. L'Italie s'arma pour les images, à la voix de son pontife; et Rome, si long-temps tyranisće, conquise et dévastée, vit un instant la croix régner

dans ses murs, avec autant d'éclat que les aigles de la république.

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Pendant ce schisme, dit Gibbon (1), les Romains avaient goûté de la liberté, et les papes de la domination. » En se soumettant de nouveau aux souverains dont ils avaient secoué le joug, ils pouvaient s'exposer aux vengeances d'une cour non moins perfide que tyrannique. Dans cette situation les conseils de l'Eglise durent naturellement se tourner pour y chercher des appuis, vers ces princes encore empreints, à la vérité, de leur barbare origine, mais qui respectaient les images, et dont les États s'affermissaient. La protection des intérêts du Saint-Siége apostolique, fut donc confiée à la nouvelle dynastie des Francs, qui vit en retour ses droits religieusement consacrés au détriment de ceux de la postérité de Clovis. Enfin, la cour de Rome médita un de ses plus mémorables actes de politique, le rétablissement de l'empire d'Occident, dans la personne de ce Patrice illustre qui dominait déjà toute l'Europe par ses armes et par ses loix. « Cet acte » décisif, dit encore l'historien que nous venons de citer, » anéantissait les prétentions des Grecs; Rome cessait d'être la » métropole d'une province, et allait reprendre toute sa majesté; les chrétiens de l'Église latine seraient réunis sous un » chef suprême, et les vainqueurs de l'Occident allaient rece> voir leurs couronnes des successeurs de Saint-Pierre; l'Église romaine devait acquérir un défenseur zélé et imposant, et sous la protection de la puissance carlovingienne, l'évêque de Rome pouvait gouverner cette capitale du » monde chrétien avec honneur et sûreté. »

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Ainsi cet évènement élevait à la fois la dynastie des Francs et le trône pontifical; mais il est un point de vue sous lequel on ne l'a pas considéré, et qui n'en mérité pas moins de fixer notre attention, c'est l'influence qu'il dût exercer sur l'état de civilisation et l'établissement d'un ordre fixe en Occident.

(1) Chap. 9.

Entre tous ces trônes que la framée ou le poignard élevaient ou renversaient tour à tour, depuis plusieurs siècles, il se formait enfin un empire dont le titre se rapportait à une longue durée antérieure, dont les imposans souvenirs existaient encore dans la mémoire des hommes, et dont le sceptre devait être d'un tout autre poids dans l'esprit du peuple conquis, comme aux yeux des conquérants. Il était naturel que les autres souverainetés, groupées autour de celle-ci, reçussent par analogie un degré de stabilité qu'elles ne pouvaient avoir auparavant, ce qui était un pas vers le terme de cette série de calamités auxquelles l'Europe était en proie depuis la chute de l'Empire romain. Ce fut peut-être dans ces vues, c'est-àdire, pour imprimer un caractère tout nouveau à sa royauté, que Charlemagne consentit à recevoir, comme un don inatendu de l'évêque et du peuple de Rome, une couronne que son épée avait conquise; concession qui pouvait être politique alors, mais qui fondait une puissance contre laquelle les successeurs de ce grand homme devaient plus tard établir une si longue et si mémorable lutte.

La Germanie ne put que retirer peu de fruits des établissemens créés par le génie de Charlemagne; on le conçoit facilement en réfléchissant à la rapidité avec laquelle les traces s'en effacèrent dans la Gaule même, pays plus avancé sans doute, vers l'état de civilisation, que la Germanie.

Voilà l'idée qu'on peut se faire à-peu-près de la situation de cette contrée aux temps où nous sommes arrivés : le sol se trouvait partagé entre ces grandes ligues que nous avons désignées plus haut; mais celle des Saxons et celle des Bavarois dominaient alors dans la Germanie propre; les diverses peuplades qui les composaient étaient ou soumises à un seul chef, à un duc, ou gouvernées par plusieurs Anciens et formant une espèce de fédération; elles combattaient au-dedans, si elles n'avaient pas à combattre au-dehors; elles défendaient leur indépendance contre les rois francs avec la même opiniâtreté que contre les Romains. Les mœurs

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