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leur nom béni. Et Semia répétait après elle cette litanie céleste. Puis elle se réveilla comme d'une extase.

Dans le même temps, Thomas di Pietro, protonotaire d'Urbain VI, et l'un des amis les plus dévoués de Catherine, dormait un peu vers l'aurore après les offices de la nuit. Il voit tout à coup, au milieu d'un ciel serein, une troupe d'esprits bienheureux, célébrant leur joie sur des instruments divins. Il demanda le sujet de ce triomphe : « Nous portons au ciel, lui dirent-ils, l'âme de Catherine << de Sienne. » Il contempla cette âme élue dans un cercle radieux, et, en se réveillant, il trouva sur ses lèvres un sourire ineffable '.

Sainte Catherine de Sienne mourut en effet le dimanche 28 avril 1380. Les miracles se multiplièrent sur son tombeau et par son intercession. Le pape Pie II, qui était de Sienne, eut le bonheur de la canoniser en 1461. Il composa l'office de sa fête, des hymnes en son honneur et l'épitaphe de son tombeau. Voici la bulle solennelle qu'il publia pour célébrer la merveilleuse vie de la vierge de Sienne; elle montrera les vertus qui embellissaient l'Église, même pendant le déplorable schisme d'Occident, et elle fera connaître au lecteur le soin avec lequel les Papes procédaient à la canonisation des héros chrétiens 2:

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« Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à tous les fidèles du Christ, salut et bénédiction apostolique.

« Malgré la vie tout angélique que Catherine a menée sur la terre, il y a plus de quatre-vingts ans, quoique son nom

Voir les Bollandistes, et l'Histoire de sainte Catherine de Sienne par Em. Chavin de Malan. Nous avons reproduit ici le texte de cet hagiographe.

*Nous empruntons la traduction de M. Em. Chavin de Malan.

soit devenu célèbre dans tout l'univers par une infinité de glorieux prodiges, jusqu'à présent, néanmoins, l'Église militante ne l'a pas mise au nombre des saintes vierges de Jésus-Christ; les Pontifes romains, mes prédécesseurs, n'ont encore rien décidé à cet égard. Urbain VI et après lui Innocent VII et Grégoire XII, qui tous avaient eu une connaissance particulière de cette illustre vierge et de sa sainte vie, avaient résolu de lui décerner cet honneur; mais, accablés d'un côté par les embarras du schisme qui déchirait alors l'Église, de l'autre par les chagrins et les sollicitudes de la guerre, ils ne purent s'occuper de cette canonisation; ce qui arriva, ce nous semble, par une disposition particulière de Dieu, car au milieu de la tempête des dissensions qui grossissaient tous les jours une obédience n'aurait-elle pas méprisé ce que l'autre obédience aurait accepté ?

« Cette chose a donc été différée jusqu'à nous, et c'est à nous que la canonisation de cette pieuse vierge, notre contemporaine et notre concitoyenne, était réservée. Un Siennois, assis sur la chaire de saint Pierre, devait proclamer la sainteté d'une Siennoise, et nous en éprouvons une sainte joie. Quel est celui qui n'aime pas à célébrer les louanges de sa famille, de sa patrie, de sa ville natale, lorsqu'on peut le faire avec justice et avec honneur? Si l'on aime à exalter les actions, les vertus de tous les pays, n'éprouve-t-on pas plus de plaisir à préconiser ses amis et ses concitoyens! Nous aurions admiré les sublimes vertus de Catherine, son noble génie et son beau caractère dans toutes les nations; mais, nous l'avouons, nous avons eu un plus grand bonheur de contempler tout cela dans cette ville de Sienne qui nous a enfanté. Nous avons eu une plus large participation à ses mérites que si elle était née en Afrique, en Scythie ou

dans les Indes. Pourquoi le voisinage des saints n'aurait-il pas un privilége?

« Pourtant, dans cette cause, nous sommes resté dans la vérité; et à cause de l'amour de la famille et de la patrie, nous ne mettrions personne au nombre des saints sans les mérites, sans l'examen accoutumé et les cérémonies d'usage. Et, quoiqu'il nous ait été agréable d'entendre que la canonisation demandée était celle de Catherine de Sienne, nous n'avons rien négligé de tout ce qui se pratique dans une pareille solennité. La république de Sienne et plusieurs autres États, nos chers fils en Jésus-Christ Frédéric III, auguste empereur des Romains, et Pascal, doge de Venise, nous ont supplié de ne pas laisser privée des honneurs des autels cette vierge incomparable, à laquelle plusieurs peuples portent une ardente dévotion et dont les miracles sont publiés partout. Nous-même, nous rendant à Mantoue, nous avons reçu à Sienne, en consistoire public, une relation détaillée des vertus et des miracles de Catherine, et nous avons été vivement sollicité de l'inscrire au catalogue des saints; et aussitôt nous y avons consenti. Mais, pour ne rien précipiter, nous avons chargé de vive voix trois de nos frères, cardinaux de la sainte Église romaine, un évêque, un prêtre et un diacre, d'instruire la procédure sur la vie et les mœurs de Catherine, sur les miracles qu'elle avait opérés pendant sa vie et après sa mort, en un mot, sur tout ce qui était nécessaire à sa canonisation, aux fins de nous en faire un rapport exact, dans un an et plus, en consistoire secret, dès que nous serons de retour à Rome.

« Après une recherche exacte des anciennes procédures faites à Venise et ailleurs, les témoins, de nouveau examinés, toutes choses mûrement vérifiées, une relation authen

tique fut présentée par nos commissaires aux cardinaux et à nous séparément. Cette relation fut reproduite de nouveau par l'organe d'un avocat en consistoire public. Là, en présence de tous les prélats que nous avions réunis dans notre palais, à Rome, les cardinaux commissaires exposèrent encore une fois, par la bouche de notre vénérable frère Guillaume, évêque de Porto, Français de nation, le plus âgé d'entre eux, toute la procédure accompagnée de ses pièces justificatives. C'est de cette longue relation que nous avons extrait comme incontestable et avéré l'abrégé de la vie étonnante de Catherine.

« Cette vierge naquit à Sienne de parents de condition médiocre. Elle se consacra à Dieu dans un âge où elle pouvait à peine le connaître. A six ans, poussée par le désir de la solitude, elle s'échappa de la ville et alla se cacher dans une grotte solitaire; mais une inspiration divine lui fit connaître qu'elle devait revenir chez ses parents. Aussitôt qu'elle sut réciter la Salutation angélique, elle se fit un devoir de se mettre à genoux à chaque marche, lorsqu'elle montait l'escalier de la maison paternelle, pour saluer la sainte Mère de Dieu. A l'âge de sept ans, elle voua à Dieu sa virginité. En récompense de ce sacrifice du matin, Dieu la favorisa d'une admirable vision, dans laquelle il lui apparut avec tout l'éclat de sa Majesté, et lui révéla les mystères les plus sublimes, mystères dont il n'est pas permis à l'homme de parler. Dès lors le cœur de cette innocente vierge fut à jamais scellé et fermé à tous les plaisirs du monde. Tout entière adonnée à l'exercice de l'oraison, Catherine affligeait son corps délicat par des disciplines et des jeûnes fréquents, enseignant et persuadant à ses jeunes 'compagnes les mêmes pratiques.

« Lorsqu'elle fut plus avancée en âge, elle se coupa les cheveux, refusa de se marier et supporta avec joie les injures et les mépris que cette résolution lui attira. Mais ce ne fut qu'après de longues et vives oppositions qu'elle reçut l'habit de saint Dominique, que portaient les sœurs de la Pénitence. Il lui fallut, avant de l'obtenir, faire longtemps dans la maison paternelle l'office de servante, emploi quelle remplissait avec délices, parce qu'elle s'estimait heureuse de paraître vile et méprisable aux yeux de tout le monde. Forte de l'agrément de son père, elle faisait d'abondantes aumônes aux pauvres, servait les malades avec une tendre charité et s'appliquait à consoler les opprimés et les prisonniers. En vain le démon lui suscita de violentes tentations; en vain les esprits de l'enfer se soulevèrent contre elle; elle les terrassa toujours avec la cuirasse de la pénitence et le bouclier de la foi.

<< Ses paroles furent toujours pieuses et saintes; tous ses discours roulaient sur la religion, la piété, le culte divin, le mépris du monde, l'amour de Dieu et du prochain, le désir de la céleste patrie. Personne ne l'approchait sans devenir plus instruit et meilleur. Sa doctrine n'était point le fait de l'étude, mais de l'Esprit saint, qui se communique avec effusion aux âmes simples et aimantes. Elle était maîtresse avant d'avoir été disciple. De savants professeurs des saintes lettres et des prélats éminents, qui lui avaient proposé des questions élevées et difficiles sur la Divinité, furent surpris de la sagesse de ses réponses et se plurent à la reconnaître pour leur maîtresse; ils étaient venus comme des loups et des lions, et ils s'en retournèrent comme de doux agneaux; plusieurs même, étonnés de trouver dans une jeune fille cette sagesse toute divine, donnèrent leurs biens aux pau

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