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et que le fait avait été avancé par M. le lieutenant général Bourmont. Je n'y voulais pas croire.

>> Le maréchal ordonna qu'on fît sortir du carré les personnes étrangères. Je crus que cet ordre ne me concernait pas, puisque j'étais revêtu de mon uniforme, avec les marques distinctives de maréchal-de-camp, inspecteur de la garde nationale. Je ne m'éloignai donc pas. Le maréchal s'en aperçut, et me fit de la main commandement de me retirer, en disant : Et M. de Grivel aussi derrière l'infanterie.

»

>> Je soupçonnai alors que l'avis qui m'avait été donné n'était pas sans fondement. Je m'acheminai lentement vers un angle inférieur du carré, où je restai. Le maréchal alla se placer à l'angle opposé de l'extrémité du carré, se tourna vers les officiers et sous-officiers de cavalerie, qui avaient mis pied à terre, et lut la proclamation qui commence par ces mots Officiers, sous-officiers et soldats, la cause des Bourbons est à jamais perdue, etc.

>> Surpris et indigné de ce que personne ne réclamait et ne s'opposait à cette démarche, je me retirai, et remontai à cheval. En traversant la ville, je vis les soldats et les habitans en insurrection, m'accablant de cris séditieux. Je me rendis chez M. le préfet, et partis ensuite pour Dôle, où j'espérais encore conserver au Roi des sujets dévoués ;

je m'arrêtai en route chez le père de M. de Vaulchier, où je couchai. Je l'y rencontrai lui-même. Il me montra l'ordre du maréchal d'administrer le département au nom de Bonaparte; et que, sur son refus, il lui avait dit que c'était une bêtise; que tout était préparé d'avance; que les troupes étaient échelonnées de distance en distance jusqu'à Paris, et que l'empereur y entrerait sans brûler

une amorce.

>> Le témoin a déposé de plus, par ouï-dire, que les caissons arrivés étaient vides, mais qu'il n'en avait pas la certitude, qu'il ne les avait pas vus luimême; et qu'un colonel, par son influence, avait fait rétablir le drapeau blanc à Lons-le-Saulnier, le 14.»

Le maréchal a prétendu ne pas avoir connaissance de ce fait, et assuré que l'on n'avait pas

crié vive le Roi!

Dixième témoin, M. le comte de la Genetière, major d'infanterie, chevalier de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, a déposé, à peu près comme il suit :

« J'étais major en second au 64 régiment de ligne, à la demi-solde, à Besançon.

» Ayant appris, le 9, le débarquement de Bonaparte, j'allai offrir mes services à M. le comte de Bourmont, qui commandait alors la division, afin de marcher contre Bonaparte sous les ordres du

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maréchal Ney, qui venait d'arriver à Besançon, Mes services furent agréés par le maréchal, et je partis le 11 avec M. de Franoy (aujourd'hui capitaine au régiment de la Couronne), pour me `rendre à l'état-major à Lons-le-Saulnier, où devait se trouver le maréchal Ney. J'arrivai le même jour dans cette ville. Le 12 et le 13 furent employés à l'organisation d'un état-major dont M. de Passinge de Préchamp était le chef. J'y fus employé provisoirement comme sous-chef. Le matin, cet officier supérieur me fit connaître que le maréchal, dans la nuit du 13, m'avait désigné pour remplir les fonctions de chef d'état-major de la 1re. division, commandée par le lieutenant général Lecourbe. Après avoir communiqué à cet officier général mes lettres de service, je me rendis sur la place de Lons-le-Saulnier, où l'armée se trouvait sous les armes. Il était environ une heure après midi. Le maréchal vint, accompagné des généraux Lecourbe et Bourmont, et autres officiers de l'état-major, ainsi des chefs de corps.

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que

Après avoir fait former le carré, M. le maréchal fit battre un ban, tira son épée, et, ayant dans la main un papier, il lut la proclamation commençant par ces mots: Soldats, la cause des Bourbons est à jamais perdue, etc.

» Elle fut suivie du cri de vive l'empereur!

Le maréchal embrassa toutes les personnes qui l'entouraient. Il se manifesta un enthousiasme général.

» Les généraux Bourmont et Lécourbe et plusieurs autres officiers l'entourèrent, et le colonel Dubalen lui dit que ce langage était peu conforme à celui de la veille. Le maréchal dit alors que c'était une affaire arrangée, et que le retour de Bonaparte était le vœu de toute l'armée.

» Immédiatement après, les troupes défilèrent devant le maréchal aux cris de vive l'empereur ! Après qu'on eut reconduit le maréchal à Fauberge de la Pomme d'Or, où il logeait, les soldats se répandirent dans la ville, détruisirent partout les armes des Bourbons, et les inscriptions de la famille royale. Il y eut sur la place un café de pillé. La cocarde tricolore fut arborée.

>> Le baron de Préchamp fut envoyé à Bonaparte pour lui annoncer le changement qui venait de s'opérer. Le maréchal me donna provisoirement la direction de l'état-major.

» J'étais dans une position difficile pour un homme d'honneur. Les troupes devant se rendre le 15 à Dôle, les 16 et 17 à Dijon, où l'on supposait que devait se rendre Bonaparte, j'écrivis à minuit au maréchal la lettre qui est parfaitement connue, et que je crois inutile de reproduire ici.

» Je lui demandai à aller à Besançon, et je

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partis pour cette ville le 15 à trois heures, pour me rendre près le chevalier Durand. J'espérais concourir avec lui à maintenir cette place dans la fidélité due au Roi. Nous en eûmes l'espoir jusqu'au 20. »

Le témoin a rendu compte de l'insurrection de Besançon.

Le 21, comme il fut averti par M. de Jouffroy qu'il devait être arrêté, il partit pour la Suisse, il a rempli, sous M. le comte de Gaëtan de la Rochefoucauld, les fonctions de sous-chef d'état-major.

Depuis il n'a eu aucune relation avec le maréchal..

Le maréchal. Dubalen est le seul officier qui ait fait son devoir. Je n'ai pas reçu la lettre dont vous parlez.

Le témoin. M. le maréchal, l'a tellement reçue, qu'il l'a envoyée au général Bourmont à une heure dans la nuit du 15.

M. le président au comte de Bourmont. Avezvous reçu la lettre ?

M. de Bourmont. Oui, Monseigneur, je l'ai reçue; et l'officier chargé de me l'apporter me demanda, de la part du maréchal, ce que cela voulait dire. Le maréchal. Quel est cet officier ?

Le comte de Bourmont. Un officier de l'étatmajor. Je ne sais lequel.

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