Page images
PDF
EPUB

<< Depuis les expériences célèbres de Max Schuller sur le développement du processus tu berculeux à la suite des contusions articulaires, il est admis que le traumatisme peut localiser sur le point où il porte, une affection née à distance ou généralisée. Cette loi de pathogénie générale, dont il n'est pas besoin de faire ressortir l'importance, s'est vérifiée d'ailleurs en plusieurs circonstances et pour d'autres infections que la tuberculose; l'observation clinique s'est jointe à l'expérimentation, pour en montrer le bien fondé.

<< Pourtant, en ce qui concerne la tuberculose, on ne voit guère, chez les sujets qui en sont atteints, un grand traumatisme sans plaie extérieure, une fracture ou une luxation par exemple, devenir l'origine d'un foyer bacillaire, de sorte que la clinique semble en désaccord sur ce point avec les conclusions de Max Schuller.

<< Chez l'homme, la grande loi de la pathologie générale que l'on a déduite des expériences de Max Schuller, ne trouve que d'une manière tout à fait exceptionnelle son application à la tuberculose, bien qu'elle dût précisément, dans

l'esprit de son auteur, expliquer les faits relatifs à cette infection. Assurément, elle n'en subsiste pas moins dans les conditions expérimentales, et aussi, pour d'autres infections dans les conditions de la clinique. Mais chez l'homme atteint de lésion tuberculeuse, il faut autre chose qu'un traumatisme, même violent, et, sans doute l'intervention d'une cause agissant d'une façon plus prolongée est nécessaire pour déterminer la formation en un point localisé d'un foyer bacillaire d'origine sanguine.

<< Parmi ces influences s'exerçant avec continuité, l'une des principales paraît être l'activité nutritive des organes en voie de développement, qui se circonscrit dans certaines régions de ces organes. C'est du moins ce qui paraît résulter de la fréquence avec laquelle s'observent, chez les jeunes sujets et dans le squelette en croissance, ces foyers de tuberculose locale, dont il y a lieu d'attribuer l'origine au transport du bacille par la voie sanguine. »

La proposition soutenue par MM. Lannelongue et Achard est sans doute juste en théorie, cependant en pratique on peut lui faire quelques

objections. Quand un ouvrier tuberculeux avéré ou latent se donne une entorse légère, il ne va que bien rarement chez le médecin, il pense que la douleur qu'il ressent ne sera que passagère, il reprend son travail trop tôt, et pour ce malade, qui n'a reçu aucun soin après le traumatisme, je n'oserais accepter sans réserve les propositions de MM. Lannelongue et Achard.

Il est d'autres états organiques qui occasionnent certainement un retard considérable, sinon un empêchement absolu à la consolidation des fractures.

Deux fois il m'a été donné d'examiner des fractures non consolidées chez des albuminuriques; et tous les auteurs ont signalé les retards considérables de la consolidation chez les tabétiques, dont les os ont une friabilité particulière.

La syphilis peut occasionner un retard dans l'évolution normale d'une blessure. Comme médecin traitant, si vous soignez un ouvrier blessé dont vous avez reconnu l'état d'infection syphilitique, vous êtes dans tous les cas tenu au secret médical; c'est au médecin agissant comme expert, qu'il appartient de dépister et de signaler cette

cause d'aggravation possible de l'état du malade.

La blennorrhagie aiguë se complique parfois d'arthrite purulente mono-articulaire, aussi son existence devra être recherchée et notée comme pouvant entraîner une complication particulièrement grave. L'arthrite blennorrhagique se termine souvent, en dépit des meilleurs soins, par l'ankylose en position vicieuse de l'articulation lésée.

Les blessures des alcooliques soulèvent des difficultés sur lesquelles Verneuil a appelé l'attention, il y a déjà longtemps (1). Chez eux, à l'occasion de blessures parfois même peu graves surgissent des complications sérieuses. Quelques-uns avaient un commencement de cirrhose ou de néphrite qui ne s'était encore trahi par aucune manifestation, notée par le malade ou son entourage. Sous l'influence de la blessure, la révélation de cet état morbide est

(1) Verneuil, Des blessures considérées comme cause du réveil des diathèses et comme motifs de leur détermination locale. (Revue de médecine et de chirurgie, 1877 et 1878) et Etats généraux et traumatisme (Encyclopédie internationale de chirurgie, Paris, 1883, p. 133).

brusque, l'insuffisance des fonctions du foie, des reins, se traduit par les symptômes bien connus de la cirrhose hépatique ou de la néphrite, mais elle s'accompagne de troubles qui peuvent dérouter un médecin non prévenu. Parmi eux, je signale, avec Verneuil, la fréquence et l'intensité de la congestion pulmonaire et la facilité avec laquelle se font les contaminations infectieuses.

La gravité et les complications des blessures chez les personnes atteintes de diabète, même léger, ont été signalées depuis longtemps, c'est parfois la lenteur avec laquelle une blessure insignifiante se guérit qui met le médecin sur la voie et fait découvrir la maladie générale jusqu'alors méconnue. Voici un exemple :

Un commerçant s'était légèrement écorché la peau de la jambe au niveau de la crête du tibia en tombant d'un tabouret ; il était soigné par son médecin ordinaire qui, voyant que cette petite écorchure était longue à guérir, appela Trélat en consultation. Le médecin traitant étant tombé malade, je fus prié de le remplacer. J'étais alors interne chez Aran, dans le service duquel l'examen des urines de tous les malades était fait

« PreviousContinue »