Page images
PDF
EPUB

par l'enfant ; et que d'après la réponse qu'on lui auroit faite, il raisonnât, et qu'il avançât de curiosité en curiosité. Vous pouvez avoir raison, mais il faut suivre l'usage: l'expérience fait voir que la méthode que vous condamnez est facile et succincte. Vous en voulez encore au cathécisme, parce qu'il ne parle pas convenablement de nos saints mysteres : et comment l'homme pourroit-il parler de ce qu'il ne peut comprendre? Il est impossible qu'il ne bégaie, et qu'il ne communique à des choses si sublimes la petitesse de son esprit. Je vous sais gré de le sentir; mais il ne faut pas vous impatienter contre des expressions reçues ; ce n'est pas la faute du cathéchisme, c'est la grandeur des mysteres. Toutes ces idées sont des restes de vanité : vous ne voudriez point de choses communes à tout le monde: votre esprit est élevé ; vous voudriez des choses qui le fussent autant que lui : inutile désir! la plus savante théologie ne peut vous parler de la Trinité autrement que votre cathéchisme. Votre répugnance à enseigner à des enfants d'une maniere, bizarre des vérités communes, ou d'une maniere basse des vérités sublimes, est encore matiere de sacrifice. Employez votre esprit, non à multiplier vos dé

goûts; mais à les vaincre, mais à les cacher, en attendant qu'il soient vaincus ; mais à vous faire aimer les plaisirs de votre état. Je n'aurois pas été si sévere que votre confesseur sur la musique; mais apparemment il a ses raisons. Quel est le livre que vous voudriez lire, et que vous ne lisez pas ?

[ocr errors]

Ne vous inquiétez point de votre peu de ferveur ; si Dien demandoit de vous des austérités, il ne vous auroit pas mise dans une maison où l'on n'en connoît d'autres que celle d'une vie toujours active la violence que vous faites à votre naturel porté aux liaisons vaut mieux que les haires et les cilices. Je ne vous ménage point; mais je compte si fort sur votre candeur, que je ne cherche point vos défauts: -vous n'en avez point d'autres que ceux dont vous vous accusez. On a défait dix-huit cents camisards je demanderai à notre mere une procession pour remercier Dieu, quelque affligeant qu'il soit de se réjouïr de la mort de ces rebelles, qui pourtant sont françois.

LETTRE XXIX.

A Me. du Pérou.

Ce a4 février 1701.

TL m'a toujours paru que vous désiriez que j'écrive sur ce qui peut être de quelque conséquence dans votre maison. Je mets en ce rang les belles tragédies que j'ai fait composer pour vous, et qui peuvent être imitées à l'avenir. Mon dessein fut d'éviter les mauvaises compositions des religieuses, telles que j'en avois vu à Noisy. Je crus qu'il falloit divertir les enfants; et je voulus, en amusant les miens, remplir leur esprit de belles choses, leur donner de grandes idées de la religion, élever leur cœur à l'amour de la vertu, orner et cultiver leur mémoire, les former à la prononciation, et les tirer des conversations qu'elles ont entre elles, sur-tout les grandes, qui, depuis quinze ans jusqu'à vingt, s'ennuient un peu de la vie de Saint-Cyr, parce qu'elles ne connoissent point celle du monde. Voilà mes raisons pour continuer chez vous ces représentations, tant

que vos supérieurs ne vous le défendront pas. Mais renfermez-les dans votre maison: ne les faites point à la grille, sous quelque prétexte que ce soit. Il sera toujours dangereux de montrer à des hommes, des filles bien faites, et qui ajoutent aux agréments de leur personne le talent de se passionner dans leur rôle, et d'attendrir. N'y souffrez donc aucun homme, ni pauvre ni riche, ni jeune, ni vieux, ni prêtre, ni laïque, je dis même un saint, s'il en est un sur la terre. Je ne suis pas sans peine sur ce que nous fîmes (1) hier: vous savez comment nous nous y engageâmes : mais je vous conjure, que ce soit la deraiere fois.

LETTRE XXX.

A Me. de Glapion.

Ce lundi 3 mars 1703.

L s'en faut bien, que nous soyons fidelles à toutes nos résolutions: la foiblesse nous fait tomber; la ferveur nous

(1) Devant Mr. d'Aubigné, alors évêque de Noyon.

releve; et nous passons notre vie à tendre au bien et à faire le mal. Quelqu'infructueuses que soient nos résolutions, c'est une grande grace de les avoir : on en garde toujours quelqu'une. Votre cœur est fait pour Dieu, ma chere fille! et plus je vous connois, plus j'espere que vous l'aimerez uniquement. Je désire ardemment votre salut; mais je ne voudrois pas y contribuer par des faussetés. Je dis aux autres la vérité par devoir ; je vous la dis à vous par inclination : vous m'écoutez ; vous avancez; vous tenez de bons discours; vous donnez de bons exemples: que de raisons pour vous aimer ! Vous serez la joie et la consolation de vos supérieurs, et le soutien de votre institut: vous deviendrez une sainte; et vous ne vous sauverez pas seule.

LETTRE XXXI.

A Me. du Pérou.

E n'ai pu encore avoir les reliques du roi d'Angleterre ; la reine étoit dans son lit, hors d'état de les aller chercher. Quand on ouvrit le corps de ce saint roi, les gardes trempoient leurs mouchoirs

« PreviousContinue »