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de la date de l'ordonnance. » Ce délai a été porté à dix jours pour le procureur général.

Ce délai est-il spécial aux cas d'opposition prévus par cet article, ou doit-il s'étendre à tous? Il doit évidemment s'appliquer à toutes les oppositions, sauf celle du procureur général; et la raison qui l'a fait établir s'applique avec la même force à toules les ordonnances du juge d'instruction. La Cour de cassation a jugé dans ce sens « que l'article 135 est la seule disposition qui ouvre contre les ordonnances de la chambre du conseil la voie de l'opposition; que c'est donc dans cet article qu'il faut chercher le délai dans lequel ce recours doit être exercé; qu'on ne pourrait restreindre au cas où l'ordonnance prononce la mise en liberté du prévenu la nécessité de se pourvoir dans ce délai, sans qu'il fallût aussi, par une conséquence nécessaire, restreindre à ce cas la faculté même de faire opposition, ce qui serait contraire aux règles de la matière 1» .

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En déclarant que le délai de vingt-quatre heures courra du jour de l'ordonnance ou de la signification, la loi a voulu dire que l'opposition doit être formée au plus tard le lendemain de ce jour. Elle peut l'être pendant toute la journée de ce lendemain, quelle que soit l'heure à laquelle l'ordonnance a été rendue ou signifiée la veille, puisque le délai de vingt-quatre heures ne commence qu'à l'expiration du jour où l'ordonnance a été rendue ou signifiée.

Ce délai doit être restreint rigoureusement dans ses termes; car l'opposition suspend soit la mise en liberté du prévenu, soit sa mise en jugement. La chambre d'accusation de la cour de Nancy a jugé dans ce sens « que les délais pour se pourvoir contre les jugements sont de rigueur; qu'après leur expiration, les jugements sujets au pourvoi acquièrent l'autorité de la chose irrévocablement jugée, et que ce principe est applicable au jugement émané de la chambre du conseil exécuté sans opposition dans le délai prescrit». Et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arret, « attendu que la chambre d'accusation de la cour de Nancy a fait une juste application de l'article 135 *». La même cour a jugé dans deux autres espèces que dès que l'ordonnance de la chambre du conseil n'a pas été attaquée dans le

1 Cass. 13 août 1840 (Journ. crim., tom. XII, p. 313). 2 Cass. 13 sept. 1811 (S. V. C. n. 3, D. A. 2, 576).

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délai de la loi par la voie de l'opposition, elle a acquis l'autorité de la chose jugée et ne peut être déférée à la chambre d'accusation sans porter atteinte à cette autorité '.

2110. Le délai cesse-t-il de courir lorsque le lendemain du jour de l'opposition est un jour férié? L'affirmative a été décidée par un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Poitiers portant que si l'ordonnance de non-lieu rendue le 13 décembre 1851 par le tribunal de Jonzac n'a été frappée d'opposition que le 15 suivant, il faut tenir compte de l'obstacle qu'a pu mettre à l'exercice plus hâtif de ce droit, de la part du ministère public, le jour férié du 14 qui a suivi la décision rendue par les premiers juges; qu'il faut reconnaître qu'en matière de délais aussi brefs le législateur n'a pu vouloir parler que des vingtquatre heures utiles au droit qu'il admettait; que la jurisprudence en matière civile pour les protêts, dénonciations de surenchères, notifications de commandement, a constamment interprété ainsi l'observation de ces délais éphémères; que si, aux termes de la loi du 17 thermidor an VI, à laquelle s'est ultérieurement référé le concordat, on peut étendre aux matières correctionnelles l'infraction qu'elle permet au respect des jours fériés pour les cas de nécessité et l'expédition des affaires criminelles, elle veut aussi que tous les employés vaquent pendant les jours consacrés au repos; que le décret postérieur du 30 mars 1808 ordonne la fermeture des greffes les dimanches et les jours de fète; que dès lors la présomption légale de cette observance régulière, jointe à la possibilité que le ministère public n'ait pas connu sur-le-champ la décision rendue hors sa présence, ne permet pas de lui appliquer une déchéance; qu'il convient conséquemment de dire que l'opposition est recevable». La réponse à cette argumentation est dans l'article 2 de la loi du 17 thermidor an VI, qui porte que « les autorités constituées, leurs employés et ceux des bureaux au service public vaquent les jours de fète, sauf les cas de nécessité et l'expédition des affaires criminelles ». Le greffe qui, en ce qui concerne les affaires civiles, est, aux termes de l'article 90 du décret du 30 mars 1808, ouvert aux parties tous les jours, excepté les dimanches et fêtes, doit donc s'ouvrir, même les jours

1 Cass. 18 sept. 1834 (J. P., t. XXVI, p. 942): 22 mai 1852 (Bull., no 166). 2 Poitiers 29 déc. 1851 (Dallez, 53, 5, 287).

fériés, pour recevoir les actes de la procédure criminelle. La Cour de cassation a d'ailleurs déclaré « que l'article 1037 du Code de procédure civile n'est applicable qu'aux matières civiles; que la loi du 17 thermidor an VI, à laquelle se rapporte le concordat du 26 messidor an IX, excepte formellement de ses dispositions l'expédition des affaires criminelles, et que par ces expressions affaires criminelles, la loi a non-seulement entendu les affaires de grand criminel, mais aussi les affaires correctionnelles, puisqu'elle n'a pas excepté ces sortes d'affaires de ses dispositions'. Il suit de là que le délai ne se prolonge point parce que le lendemain est un jour férié.

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2111. Ce délai de vingt-quatre heures court contre le ministère public à compter du jour de l'ordonnance, c'est-à-dire du jour où elle a été rendue.

Il suit de là qu'il importe peu que l'ordonnance n'ait été communiquée au ministère public et qu'il n'en ait pris connaissance qu'après l'expiration de ce délai : ce motif ne suffirait pas pour le relever de la déchéance qu'il aurait encourue. Il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour avoir communication des ordonnances le jour même qu'elles interviennent. Les articles 132 et 135 supposent une communication immédiate; l'article 43 du décret du 18 juin 1811 oblige les greffiers à la faire. Il suffit de tenir la main à l'exécution de ces dispositions. Dans notre ancien droit, les greffiers avaient le même devoir à l'égard des sentences d'élargissement : « Ces jugements, dit Jousse, doivent être montrés à la partie publique le même jour qu'ils ont été rendus, afin qu'elle puisse appeler si elle juge à propos, ou qu'elle les fasse exécuter s'il y a lieu de le faire. Un arrêt du conseil du 31 août 1689 rendu entre les officiers du présidial d'Orléans portait, article 33, que le greffier serait tenu de donner au procureur du roi copie de ces sentences dans les vingt-quatre heures.

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Il faut même que l'acte d'opposition soit rédigé dans ce délai; il ne suffirait pas que le ministère public eût déclaré l'intention de se pourvoir avant son expiration, si l'acte n'a été reçu qu'après.

1 Cass. 26 avril 1839 (Journ. crim., tom. II, p. 254); et conf. Cass. 10 juin 1826, 8 mars et 12 juillet 1832, 29 nov. 1838, 10 mai 1849.

2 Tom. II, p. 531.

Ce point a été reconnu par un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Douai, portant : « qu'aux termes de l'article 135, la voie de l'opposition contre les ordonnances de la chambre du conseil, qui ont déclaré n'y avoir lieu à suivre, n'est ouverte aux procureurs du roi que pendant vingt-quatre heures, à partir du jour où elles ont été rendues, que s'il n'y a pas d'opposition régulièrement faite au greffe dans ce délai, l'ordonnance de mise en liberté acquiert l'autorité de la chose jugée, et que l'élargissement de l'inculpé doit avoir lieu immédiatement; que l'exécution d'une ordonnance de cette nature ne peut être arrêtée que par le fait de l'existence réelle et non contestable d'une opposition formée en temps utile; que le ministère public ne peut prolonger la détention de l'inculpé en pareil cas, et lui refuser le bénéfice de la décision favorable de la chambre du conseil, alors que l'acte d'opposition n'a été reçu et dressé qu'après l'expiration du délai déterminé par l'article 135, sous prétexte qu'il avait déclaré son opposition au greffier dans les vingt-quatre heures de l'ordonnance; que la preuve qu'il a entendu profiter de la faculté qui lui est accordée par la loi de s'opposer à l'ordonnance de mise en liberté ne peut résulter que de l'acte même qui constate que ce droit a été exercé dans le terme de rigueur; que l'opposition ne peut avoir de date que celle de l'acte même d'où elle tire sa valeur et sa force, et que, si l'acte n'a été dressé que tardivement, il y a déchéance de l'opposition '. »

C'est aussi à compter du jour de l'ordonnance que court le délai de dix jours fixé pour l'opposition du procureur général et pour la signification de cette opposition par les articles 135 et 119 modifiés par les lois des 17 juillet 1856 et 14 juillet 1865.

2112. Le délai de vingt-quatre heures court, contre la partie civile, à compter du jour de la signification à elle faite de l'ordonnance, au domicile par elle élu dans le lieu où siége le tribunal.

Cette signification doit être faite à la diligence du ministère public, puisque c'est le ministère public qui est chargé de l'exécution des ordonnances. Elle doit être faite dans « les vingt-quatre heures de la date de l'ordonnance ». La retarder au delà de ce terme serait, dans certains cas, un véritable abus de pouvoir, 1 Douai 4 déc. 1835 (Journ. crim., tom. VII, p. 353).

puisqu'il pourrait en résulter une prolongation illégale de la détention préalable.

La signification doit être faite soit, comme l'indique l'article 135, au domicile élu par la partie civile dans le lieu où siége le tribunal, soit, si elle est domiciliée dans ce lieu, à son domicile même. En effet, aux termes de l'article 68, ce n'est que dans le cas où la partie civile ne demeure pas dans l'arrondissement où se fait l'instruction qu'elle est tenue d'y élire domicile par acte passé au greffe du tribunal.

Si la partie civile, après avoir fait une première élection de domicile, élit un domicile nouveau, sans faire connaître au ministère public ce changement, la signification faite au premier domicile fait courir le délai de l'opposition, et par conséquent la partie ne pourrait être relevée de la déchéance qu'elle aurait encourue par une nouvelle signification faite ultérieurement au domicile nouvellement élu. La Cour de cassation a consacré ce point de droit en déclarant : « que la signification de l'ordonnance de non-lieu faite le 17 avril à la personne de Carnet, mandataire spécial de Heusé, à l'effet de constituer son commettant partie civile, a été valable et régulière, et a, en conséquence, fait courir les délais fixés par l'article 135; que la procuration donnée à Hyyelin le 15 mars n'aurait pu produire effet qu'autant que la connaissance en serait légalement parvenue au ministère public; que dès lors la signification de la même ordonnance faite au domicile de Hyvelin le 19 avril n'a pu relever Heusé de la déchéance par lui encourue, et qui était accomplie; d'où il suit que la chambre des mises en accusation, en déclarant ladite opposition régulière et y faisant droit, a commis un excès de pouvoir, et violé les règles de la compétence '. »

2113. Que faut-il décider si la partie civile ne réside pas dans l'arrondissement où se fait l'instruction, et si elle a négligé d'y élire domicile? Il nous paraît, en premier lieu, qu'elle pourra former opposition dans les vingt-quatre heures à compter du jour où l'ordonnance est rendue. L'article 135, en effet, lui accorde, dans son premier paragraphe, un droit général d'opposition, et s'il fait ensuite courir contre elle le délai de vingt-quatre heures à compter du jour de la signification, c'est parce qu'elle n'est 1 Çass. 6 juin 1833 (J. P., tom. XXV, p. 542).

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