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Quand on est égaré dans une fausse route, il faut essayer de s'en retirer; il faut obéir aux lois, parce qu'elles sont instituées pour enchaîner les injustes prétentions, ou pour punir les crimes de la société, qu'elles outragent.

Mais j'aurais dû, avant de faire voir le jour à mon œuvre de la Sibylle aux congrès d'Aix-la-Chapelle et de Carlsbad, soumettre ce livre à un rigide examinateur belge ou hollandais, et le supplier d'en approfondir toutes les phrases et toutes les expres

sions.

Mon livre, imprimé en France, ne pouvait ni ne devait être soumis à la censure du royaume des Pays-Bas. Bien plus, dédié et agréé par leurs altesses impériales et royales le prince et la princesse d'Orange, il sortait nécessairement des attributs ordinaires; et c'était une erreur (si l'on ne veut dire hardiment un manque de respect) d'avoir osé le mettre en cause, et d'avoir persécuté son auteur, assez confiant pour venir le déposer lui-même dans les mains de ces augustes personnages. C'est le chef-d'œuvre de l'ironie judiciaire des Van Maanena et des Vanderfossa et consorts. N'est-ce pas preuve la plus certaine que tout Français est étranger dans la Belgique. On redoute ce que l'on craint. Ceux qui m'ont frappée croient peut-être avoir employé les armes de la justice; et quand ils verraient enfin le contraire, ils se trouveraient humiliés d'en convenir, et voudraient m'offrir en holocauste à leur vengeance.

la

Il faut ranger leurs accusations parmi ces projets

clandestins l'ambition médite, que la peur ac

que

cueille, et dont la publicité fait justice.

Quant à moi, il serait indiscret de vouloir m'imputer les fautes du destin opiniâtre, et de vouloir me rendre responsable des caprices de la fortune.

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SONGE DU 12 JUILLET 1821.

Les pins qui touchent les cieux sont les plus exposés à la fureur des vents. Les tours orgueilleuses s'écroulent avec plus de fracas; ce sont les plus hautes montagnes que la foudre vient frapper. HORACE; Odes, vIII.

CHAPITRE XI.

A l'exemple de M. Gendebien, honorable député de la deuxième chambre des états - généraux du royaume des Pays-Bas, qui raconte un rêve qu'il a fait et dans lequel il abandonne sa profession d'avocat pour se faire commerçant, je me trouvais, la nuit du 11 au 12 juillet 1821, livrée à un songe ; j'avais des ailes et je m'étais transportée à Bysance, comme auteur français; cette ville, bâtie en amphithéâtre, présentait un coup d'oeil ravissant la verdure, qui se confond avec les coupoles dorées des mosquées, répand sur toutes les villes d'Orient quelque chose d'animé qui contraste avec la triste monotonie de nos cités...... aussi je voltigeais ça et là dans ces magnifiques environs baignés par le Bosphore ; j'entrai

même dans ce riant séjour des eaux douces, et m'inclinai très-respectueusement devant le sultan et son auguste famille; je déposai entre leurs mains la collection de mes œuvres diverses, ils daignèrent m'encourager et me firent des présens.

Le grand visir avait lu mon ouvrage sur les congrès d'Aix-la-Chapelle et de Carlsbad, il avait essayé d'en analyser quelques pages; mais dans un sens contraire, en s'en faisant à lui-même la juste application; il entreprit de venir me voir pour asseoir sur moi son opinion je lui représentai qu'il m'était impossible de lui faire couper le mystérieux jeu de Tharot de la main gauche, sans examiner avec attention le Mont de Saturne de la droite, qu'ensuite il me devenait nécessaire, pour opérer la solution d'un thème parfait, d'apprendre et de calculer toutes les lettres initiales de ses prénoms, etc.* Ce personnage fameux se soumit à toutes les épreuves que je jugeai convenable de lui faire subir, sa curiosité trouvait un aliment dans l'envie de soulever le voile du présent et celui de l'avenir.

* C. F. V***. M***. né en 1770, etc., etc., etc.

Lorsque tu vins me consulter, tu croyais que mes prédictions iraient au-devant de tes souhaits, tu t'étonnais de ce que j'avais la fermeté de te représenter les fautes dans lesquelles tu tombais; cette liberté, que tu regardais comme une audace insupportable, m'attira ta haine, tu résolus de me perdre, tu me fis emprisonner sous de vains prétextes, tu voulais flétrir ma réputation en ordonnant de me condamner.

Je supputai les nombres et me mis à consulter mes tablettes mathématiques; alors,

Sentant battre son cœur, je lui dis à l'instant:
Allons, prête l'oreille au destin qui t'attend.

*

Visir, Thém.is est la déesse qui vous a constamment protégée, vous avez souvent fréquenté son temple; les événemens politiques survenus dans votre patrie vous firent errer, comme tant d'autres !!!! votre destinée vous appelait à servir le fils de celui que vous n'avez pas craint d'oublier....; au passé vous avez dû remplir des fonctions judiciaires; à trente six ans la lettre L vous a été favorable et environna votre nom d'un immense crédit; vous aviez des partisans et de nombreux ennemis, c'est l'histoire ordinaire des grandes réputations; ensuite, vous avez fait la dangereuse épreuve que l'on perd à la fois sa place et la confiance; on éleva sur vous le soupçon de favoriser le chef suprême de la confédération; cette action était contraire aux intérêts de votre souverain, vous fûtes frappé par la disgrâce!!! Le frère de votre maître, par de nouveaux arrangemens politiques, vous donna des marques de son souvenir, il vous rendit le dépositaire de la fortune et de l'honneur de vos concitoyens ; bien plus, il vous entoura des preuves de sa munificence, en vous faisant entrer dans un ordre de chevalerie qu'il venait de créer.

* Louis B*****★★★

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