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avez porté la peine. Du moins vous allez croître à l'ombre de leur trône, vous vivrez sous leurs lois paternelles. C'est à vous d'acquitter, par votre amour, la dette immense de ceux qui vous ont précédé : Filiæ Israel, flete.

» Illustres et trop chères victimes, nous oserons le dire en présence des saints autels. Oui, nous vous avons toujours aimées: Ego te diligebam. Ce peuple, susceptible d'aveuglément, ne le fut jamais d'un excès de perversité. Dans ces jours de sang, dont le souvenir sera pour nous une calamité éternelle, dans ces jours où furent exécutés les décrets profonds du ciel, plus encore que les arrêts parricides des hommes, tous les cœurs s'indignoient. Des larmes couloient en secret. Chaque famille célébroit des funérailles domestiques, et jusque dans les places publiques le silence et la consternation protestoient contre des forfaits que des hommes ne pouvoient plus empêcher: Ego te diligebam.

» Nous pleurons sur vous, ô la plus infortunée des Reines, des épouses et des mères. Le crime put outrager en vous la majesté de deux natious, mais non pas vous humilier ni vous abattre. La haine et la fureur purent verser le sang des Césars, mais il ne leur fut pas donné de l'avilir. Exemple à jamais déplorable du néant de nos prospérités, vous nous avez surtout appris qu'il n'est point de malheur, point de chute si profonde que ne puisse supporter le chrétien, quand il est consolé la foi et soutenu par la piété : Doleo super te.

par

» Nous pleurons sur vous, tendre rejeton de nos Rois, qui ne connûtes de la vie que les amertumes et les douleurs. Déjà vous commenciez à croître, semblable à la fleur solitaire qui s'élève au milieu des ruines. Tout à coup vous nous fûtes ravi, le ciel vous rappela dans son amour, et la mort fut pour vous un bienfait : Doleo super te, decore nimis et amabilis.

>> Nous pleurons aussi sur vous, ô Prince déjà digne des hé ros dont vous étiez issu, jeune et illustre guerrier, aimable, fidèle et brave comme Jonathas: Doleo super te, Jonatha. Moins heureux que le prince d'Israël, vous n'avez point trouvé la mort dans les champs de la gloire, en combattant. auprès de ceux qui furent vos pères et vos modèles. Que de larmes vous nous avez coûté, vous qui nous promettiez tant de gloire! Jonathas occisus est.

» Et vous, dont l'ame si pure et les célestes vertus sem

bloient devoir protéger votre royale famille et la France toute entière, vous qui parûtes dans les cachots comme un de ces esprits heureux que le ciel envoie dans sa bonté vers les justes qu'il veut consoler; vous que nous vimes au jour fatal telle qu'une victime pure et choisie, dont le sang alloit demander grâce pour les coupables qui le versoient, oserons-nous prier pour vous, quand tous les coeurs seroient portés à vous placer sur les autels et à vous invoquer vous-même?

pour

» Et vous enfin, que nous ne sommes plus dignes de nommer; ô le plus vertueux et le plus humain de tous les Rois! les pères raconteront à leurs enfans ce que vous fites les François, hélas, et ils ne pourront leur taire de quel prix fut payé tant d'amour. Chez un peuple païen, la justice, la clémence, votre constance religieuse et magnanime vous auroient mérité des autels, et chez un peuple chrétien, chez un peuple dont vous fûtes le père, vous n'avez pas même un tombeau, et la première punition de nos forfaits est déjà de ne pouvoir les aller pleurer sur vos cendres. Quels vœux, quels regrets, quels honneurs pourroient nous acquitter en

vers vous?

» Mais, mes frères, qu'il soit enfin permis de le demander Est-ce à nous d'intercéder en leur faveur? Jetons les yeux sur nous-mêmes. Grand Dieu! de quels crimes nous sommes souillés! de quel sang nous sommes couverts? Ah! hâtons-nous d'effacer, par des expiations solennelles, un assemblage de forfaits, tel que n'en éclaira jamais le soleil. Que la trompette retentisse dans Sion: Canite tubá in Sion. Indiquez un jeûne religieux : Sanctificate jejunium. Convoquez le peuple, assemblez les vieillards, amenez jusqu'aux' jeunes enfans: Parvulos et sugentes ubera. Que les prêtres pleurent prosternés entre les vestibule et l'autel: que les temples, que la France entière retentissent des gémissement de la douleur la plus juste qui fût jamais. Que toutes les nations connoissent que si nous fùmes capables d'un grand égarement, nous le sommes plus encore d'un grand et généreux repentir. Après avoir appris par nos malheurs comment Dieu punit ces grands scandales qui attentent à sa majesté souveraine dans celle des Rois qui sont ses images, que les peuples apprenent, par notre retour, qu'il est toujours temps de recourir à sa miséricorde. Plût à Dieu qu'il nous fût donné d'effaces par nos larmes ces pages sanglantes de notre his

toire. Du moins détestons nos erreurs à la face de l'univers. Mes frères, il n'est plus temps de le dissimuler, et vous pardonnerez cette liberté à un ministre de l'Evangile, notre nom doit passer à la postérité chargé des plus tristes souvenirs. Du' moins que de nobles et saintes éxpiations nous préservent un jour de l'horreur de nos neveux et de leur indignation religieuse, si elles ne peuvent nous faire absoudre. Jurons d'effacer tant d'excès par notre zèle pour la foi, par l'indulgence et la concorde mutuelle, et par notre fidélité pour le Roi que Le ciel a daigné nous rendre..... » .

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

BORDEAUX, 1er. mai. Aujourd'hui, Mr. l'archevêque a béni, dans l'église cathédrale de Saint-André, les drapeaux de la garde nationale de cette ville. Il a prononcé, dans cette cérémonie, un discours analogue à la circonstance. Ce prélat si respectable par sa piété et par ses vertus épiscopales, l'est aussi par sa fermeté et par son dévouement pour la cause qui triomphe aujourd'hui. On sait qu'il échappa avec peine, il y a trois ans, à une disgrâce que lui avoit mérité son zèle. Il a eu cette année l'honneur d'être le premier évêque françois qui se soit déclaré pour les Bourbons, et cet empressement de sa part lui avoit déjà attiré des notes fâcheuses dans les bureaux d'un ministre qui, heureusement, n'a pas eu le temps de déployer son zèle en cette occasion. Dans le discours prononcé aujourd'hui, Mr. l'archevêque a donné de justes éloges, et au Prince que nous avons dans nos murs, et aux souverains magnanimes qui ont opéré notre délivrance. On a remarqué entr'autres ce passage où il forme des voeux dignes d'un évêque pour le retour à l'unité catholique de ces Princes généreux auxquels nous devons bien des prières en échange de leurs bienfaits:

«La paix, une paix universelle : tel sera, dans tous les temps, le vœu de l'Eglise. Pourroit-elle, Messieurs, en

les

former d'autres? A l'égard de cette mère commune, guerres entre nations deviennent autant de divisions intestines dont ses entrailles sont déchirées. Quand, interrogé par l'épouse d'un célèbre patriarche, le Seigneur répondit qu'elle portoit deux peuples dans son sein : duce gentes sunt in utero tuo, reconnoissons en elle une figure de cette Eglise catholique et sainte qui doit enfan ter tous les peuples de l'univers à l'immortalité et au salut. Ceux mêmes qui auroient paru s'éloigner d'elle n'en sont point oubliés. Que de pleurs lui a coûté cette fatale séparation! Et la source n'en est point tarie. Mais ne semble-t-il pas qu'enfin son gémissement soit plus favorablement entendu, et que de grandes consolations lui soient préparées? Oui, j'en crois apercevoir les prémices dans ce concert admirable d'estime, d'égards, de respects pour son chef visible. Car les héritiers de ceux à qui devint odieuse la chaire d'unité, ne négligent rien pour témoigner de la déférence au vénérable Pontife qui l'occupe, et pour le dédommager, en quelque sorte, des outrages sans nombre dont il s'est vu abreuvé. Dès la fin du siècle dernier, leurs armes victorieuses avoient concouru à faciliter et assurer sa promotion; et aujourd'hui ils veulent concourir également à lui rendre ses Etats: Etats trop peu considérables pour qu'une ambition ordinaire cherche à les envahir; mais dont la possession a été depuis long-temps jugée d'une extrême utilité, et presque nécessaire, pour l'exercice d'un ministère essentiellement libre et indépendant. Ah! s'il lui étoit accordé de finir sa pénible mais glorieuse carrière dans les tendres embrassemens de ceux qui déjà ont mérité de lui tant de reconnoissance » !

AUTUN, 21 mai. Mr. l'évêque d'Autun, pour se conformer aux pieuses intentions de S. M. LOUIS XVIII, vient de publier un Mandement, qui ordonne que, dans toutes les églises de son diocèse, il sera chanté un Te Deum en actions de grâces des grands et heureux événemens qui rendent à la France son légitime souverain, et lui garantissent une paix solide et durable.

Ce Te Deum a été chanté, le 19 du courant, jour de l'Ascension, dans l'église cathédrale. Toutes les autorités constituées, un nombreux clergé, la population entière de la ville s'empressèrent d'y assister dans le plus profond recueillement.

Le samedi suivant, un service funèbre a été célébré dans la même église pour le repos des ames des Rois LOUIS XVI et LOUIS XVII, de la Reine Marie-Antoinette et de S. A. R. Mme. Elisabeth. Une affluence non moins considérable, une émotion plus vive encore ont distingué cette seconde cérémonie. Le riche et le pauvre, le noble et l'artisan, le prêtre et le militaire, tous les assistans ne sembloient avoir qu'un cœur et qu'une ame pour concourir à cet acte expiatoire du plus grand des attentats. L'intérieur de l'église offroit des décorations simples et analogues: on remarquoit sur le maître autel et sur la représentation funèbre placée au milieu du choeur, l'écusson de France avec un sceptre et une couronne. Mgr. l'évêque voulant ajouter à des prières si unanimes, un moyen non moins efficace pour toucher le père des miséricordes en faveur des illustres victimes, avoit déposé une somme assez considérable, qui fut distribuée, la veille de la cérémonie, à plusieurs familles d'ouvriers et d'artisans qui, ayant manqué de travail pendant un hiver long et rigoureux, éprouvoient de pressans besoins. Ce secours extraordinaire fut indépendant de ceux que les dames de Charité sont chargées de distribuer et distribuent régulièrement, avec autant de zèle que de discernement, à tous les pauvres de la ville dont l'indigence est réelle et constatée.

BOIS-LE-DUC, 24 avril. Nous avons vu arriver aujourd'hui en cette ville un prêtre vénérable long-temps persécuté, M. Van Alphen, vicaire apostolique de Boisle-Duc. Il avoit encouru la disgrâce du tyran de l'Europe par sa fermeté. Ayant été sommé de faire chanter un Te Deum pour l'avénement de Bonaparte au trône de Hollande, avant même la destitution de Louis, il refusa de se prêter à cette démarche, et allégua les ser

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