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principe fixe; elle est nulle en tout ce qui touche à l'administration des bois, inefficace en ce qui concerne la direction des cours d'eau, mal organisée quant au classement et à l'entretien des voies de communication, à la construction des édifices; ce qui nuit le plus aux travaux publics, c'est l'excès de la centralisation du corps des ponts et chaussées, c'est l'absence de tous rapports sérieux entre les ingénieurs et les conseils généraux, qui n'examinent qu'en courant et pour la forme les propositions relatives à la confection des travaux et à la répartition des fonds.

L'institution des conseils locaux appelés dans certains cas à contrôler les dépenses des ingénieurs est une institution insuffisante, mais elle rend hommage au principe, et donne l'idée de ce que pourraient devenir des commissions permanentes des travaux publics fonctionnant comme auxiliaires des préfets dans l'intervalle des sessions, et coopérant au choix des ingénieurs et des voyers, aux traités à passer pour acquisitions de terrains, aux constructions et aux rectifications. des routes, et en général à toutes les mesures concernant les travaux publics.

Le conseil des bâtiments civils, institution parallèle au corps des ponts-et-chaussées, appelle d'une manière non moins impérieuse la décentralisation.

On conçoit jusqu'à un certain point, qu'à l'égard des édifices nationaux le contrôle d'un conseil central intervienne dans toutes les mesures de constructions ou de réparations; mais notre législation, quoique hérissée sous ce rapport de textes confus et contradictoires, reconnaît des propriétés communales et départementales,

entre autres les édifices du culte, les hôtels-de-ville ou de préfecture, les établissements de bienfaisance et d'instruction publique. Or, chacun de ces édifices ne peut donner lieu au moindre travail sans que le conseil des bâtiments civils soit chargé d'examiner les plans, les devis et en général tous les détails d'exécution, et sans que la lutte s'engage entre l'architecte du département et les architectes de Paris.

Ces abus ne peuvent cesser que par l'intervention directe des conseils généraux, par des commissions permanentes dans la direction des travaux publics.

Pour imprimer une direction à ces travaux que les fréquents chômages de l'industrie manufacturière tendent à convertir souvent en œuvres de charité, il ne s'agit certes de détruire ni l'École Polytechnique ni l'administration centrale des ponts-et-chaussées; mais il s'agit de ranimer la vie, l'action des localités.

Nos chemins, nos cours d'eau, nos canaux, nos landes offrent de tous côtés d'immenses ressources de travail, que l'imperfection de notre système administratif empêche seule d'utiliser.

Si les communes, si les départements étaient affranchis de cette tutelle bureaucratique qui ne permet pas de réparer un édifice public ou de dresser un plan d'alignement sans passer par la filière du maire, du souspréfet, du préfet, du ministre, du conseil des bâtiments civils, du conseil d'Etat; s'il était loisible aux localités d'ouvrir et de réparer des chemins, de construire des ponts et des édifices, il ne serait pas nécessaire de décréter le droit au travail, le travail affluerait partout et rait partout productif. Les défrichements, les reboi

sements, les endiguements, les routes, les ponts, les canaux attireraient des travailleurs sur tous les points du territoire 1.

1 Un exemple cité par M. Michel Chevalier dans son livre sur la Liberté des États-Unis d'Amérique, p. 16, rend cette vérité

saisissante :

« Voici un propriétaire qui est riverain d'un cours d'eau non flottable ni navigable; il veut y établir un barrage, afin d'en détourner une partie sur son terrain. En Amérique il le peut sans avoir un mot à dire, un signe à faire à une autorité quelconque. Supposons cependant qu'il y ait une permission à obtenir, ce sera dans la commune, tout au plus au chef-lieu du comté, qui a à peine la grandeur d'un de nos arrondissements. La question se videra entre le propriétaire et un conseil municipal ou un magistrat du comté. En cas de difficulté, il irait devant le tribunal; dans le cas où l'autorité compétente opposerait une excessive lenteur, ce qu'on peut considérer comme un déni de justice, elle y pourra être amenée de même. Chez nous il faut mettre en mouvement un mécanisme qui comprend huit fonctionnaires divers, le maire, le sous-préfet, le préfet et ses bureaux, l'ingénieur ordinaire des ponts et chaussées, l'ingénieur en chef, le ministre des travaux publics, le conseil d'État, le chef de l'Etat. Il faut une enquête solennelle, non, il en faut deux. Il y a un formulaire minutieux auquel il ne faut pas manquer; si on ne l'observe pas, ou si on ne s'y conforme dans le sens qu'imaginera le chef du bureau à Paris, le dossier retourne à son point de départ, en décrivant le même circuit. Contre l'inattention ou la paresse d'un maire, nul recours. Il lui plaît de conserver un dossier six mois, un an, tant pis pour vous. Il est connu qu'une petite affaire de ce genre ne dure jamais moins de plusieurs années, et remarquez que je vous parle d'un cours d'eau qui ne soit ni flottable ni navigable. Je connais un propriétaire qui fit sa demande au mois de mars 1844; au mois d'août 1848 il a reçu.... l'autorisation, croyez-vous? Non pas, l'ordre de paycr au receveur de l'enregistrement la somme de 468 fr. pour les

La bureaucratie compliquée, minutieuse, paperassière est le fléau des travaux publics et des classes laborieuses.

Rappelons-nous les efforts tentés en vain depuis si longtemps pour endiguer les fleuves et les rivières qui dévastent le pays au lieu de le fertiliser.

Rappelons-nous l'état arriéré de nos chemins vicinaux, l'imperfection de nos routes, l'insuffisance de nos chemins de fer.

Rappelons-nous les erreurs journalières de ce conseil des bâtiments civils à qui l'on a donné le monopole de la truelle, et qui construit sur tous les points du territoire des édifices publics avec une telle connaissance des lieux, qu'il lui est arrivé de mettre au second étage la porte cochère d'une maison.

Le seul moyen de remédier à ce triste état de choses, c'est d'enlever la direction exclusive des travaux publics à ces administrateurs de passage qui ont à peine le temps de jeter un coup-d'œil rapide sur les départements qu'ils traversent; c'est d'associer pour une plus large part à ces travaux les élus des localités, c'est en un mot d'étendre et de régulariser dans chaque département un conseil de travaux publies, analogue au conseil académique créé en matière d'instruction publique, et qui fasse refluer sur tous les points du territoire le travail, ce puissant moyen de civilisation et de paix.

frais encourus jusqu'à ce jour. L'autorisation viendra quelque jour à ses enfants, non sans de nouveaux frais. La surface à arroser n'est pas de deux hectares; combien faudra-t-il pour que ce produit de l'arrosage compense au propriétaire ses dépenses et ses ennuis ?

CHAPITRE VIII

DES ÉTABLISSEMENTS DÉPARTEMENTAUX DE BIENFAISANCE ET DE RÉPRESSION.

SOMMAIRE.

Principe des établissements de bienfaisance. Dépôts de mendicité. Hospices d'enfants trouvés et abandonnés et d'orphelins. Hospices d'aliénés. Double moyen de développement des établissements de bienfaisance. Des établissements de répression.

Il fut un temps où le clergé, possesseur de biens immenses, prodiguait à toutes les misères des secours si abondants, que l'administration publique n'avait presque pas à s'en occuper. Les mœurs suppléaient aux institutions; la charité légale n'était pas organisée, mais la religion pourvoyait à tout.

L'hospice des Quinze-Vingts, fondé en faveur des pauvres aveugles sous le règne de saint Louis, et restauré par Louis XVI; l'école des Sourds-Muets de Paris, successivement dirigée par deux vénérables ecclésiastiques et devenue le modèle de plusieurs institutions analogues fondées dans les provinces; les

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