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Puis, après l'autorisation ou le rejet décrété par le chef de l'État sur la proposition des ministres compétents, il arrive que la préfecture n'informe les communes ni des motifs du rejet de leurs demandes, ni du rejet même. Il est bien naturel qu'elles soient mécontentes.

Cette négligence du soin des intérêts communaux par les préfets est des plus regrettables. C'est à eux qu'en incombent la charge et la responsabilité. Qu'ils donnent donc leur avis motivé sur chaque demande de coupe extraordinaire, avis conforme ou contraire à celui du Conservateur des forêts, au lieu d'opiner en bloc et comme lui. Les trésoriers les renseigneront sur les ressources des communes. Leur excuse est dans l'estime qu'ils font de l'avis des agents forestiers. Tout compte fait, c'était généralement le bon, et il était facile de s'y tenir; d'autant que la charge du rejet, quand il est forcé, se trouve ainsi déversée sur l'agent forestier, «ce verdier, ce fàcheux, d'où venait tout le mal ».

A ces difficultés on voit le vrai remède. Il n'est pas dans la ruine de la loi en vue de la satisfaction de convoitises insatiables; il est uniquement dans son application sage et bienveillante obtenue d'une administration sans peur, bien dirigée et soutenue par ceux qui en ont mission.

C. B.

FRAIS

N° 47. LOI DU 26 JANVIER 1892 SUR LA RÉFORME DES
DE JUSTICE.- SES APPLICATIONS EN MATIÈRE FORESTIÈRE..

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Les articles de cette loi applicables aux jugements des tribunaux répressifs rendus en matière forestière sont les suivants :

Art. 15... Un droit proportionnel est perçu, savoir: 1° pour les jugements, sur le montant des condamnations prononcées et les intérêts... Art. 16. Le droit proportionnel sera payé aux taux fixés ci-après. $7. Trois francs par cent francs : les dommages-intérêts prononcés par... les juridictions criminelles ou correctionnelles.

Art. 17. Il ne pourra être perçu moins de 1o un franc pour les jugements des juges de paix... Dans aucun cas l'ensemble des droits

1.- En cas de désaccord entre le préfet et le conservateur des forêts les demandes et pièces doivent être communiquées au ministre de l'Intérieur (0. du 10 mars 1831).

proportionnels ne pourra être inférieur au minimun déterminé par le présent article.

OBSERVATIONS. Ces articles ont pour effet de modifier les dispositions analogues de la loi du 22 frimaire an VII. Précédemment, cette loi (art. 69, § V-8°) frappait d'un droit de deux pour cent les dommagesintérêts prononcés par les tribunaux criminels, correctionnels et de police. Il fallait y joindre deux décimes et demi (soit 25 pour cent) en vertu des lois des 6 prairial an VII, 23 août 1871 et 30 décembre 1873. La perception de ce droit proportionnel avait lieu en suivant de 20 en 20 francs les sommes et valeurs, inclusivement et sans fraction (loi du 27 ventôse an IX, art. 2). Enfin, la quotité du droit minimum était ainsi réglée à 1 fr. par la loi du 22 frimaire an VII, art. 68 (droits fixes, § 1, 48), pour les actes et jugements de la police ordinaire, et des tribunaux de police correctionnelle et criminels, dont le droit proportionnel ne s'élèverait pas à 1 fr. »; ce droit avait été élevée à 1 fr. 50 par l'art. 4 de la loi du 20 février 1872.

:

Actuellement, en vertu des textes qui précèdent, un droit proportionnel de trois pour cent est perçu sur les dommages-intérêts prononcés par les tribunaux correctionnels et les juridictions criminelles; mais comme la loi de 1892 ne parle pas des tribunaux de simple police, l'ancien droit de deux pour cent leur reste applicable 1. On doit encore conserver la disposition de la loi de l'an IX pour la perception du droit de 20 en 20 francs; de même celles des lois qui autorisent les décimes. Quant au droit minimum, bien que l'art. 17 qui ramène ce minimum à 1 fr. ne s'occupe que des jugements de juges de paix en matière civile, la disposition finale de cet article permet de croire que le minimum de 1 fr. peut être réclamé pour « l'ensemble des droits proportionnels » en matière répressive correctionnelle 2.

En ce qui concerne les jugements répressifs rendus en matière forestière, lorsque la poursuite est dirigée par les agents de l'Administration on sait que, d'après l'art. 171 C. for., le tribunal correctionnel est compétent, qu'il s'agisse de délits ou de contraventions. Il en résulte que toujours les dommages-intérêts prononcés à la requête des agents forestiers seront assujettis à la taxe de trois pour cent, car la loi de 1892 ne considère que la juridiction et fait abstraction de la qualification des infractions. il n'y aura donc lieu de distinguer, au sujet

1.

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Sic Instruction de la Direction générale du l'enregistrement du 31 mai 1892, n° 2816, p. 19.

2. C'est ce qu'admet l'instruction précitée, p. 28.

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de l'application du droit, que lorsque les poursuites seront intentées pour infractions commises dans des bois non soumis au régime, par exemple dans des bois de particuliers; en matière de contraventions, jugées par le tribunal de simple police, les dommages-intérêts resteront passibles du droit de deux pour cent, la loi nouvelle ne leur étant pas applicable.

G. et P.

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N° 48 CONSEIL DE PRÉFECTURE DES VOSGES ET TRIBUNAL - 8 Mars 1890 et 30 Décembre 1891.

CIVIL DE St-DIE.

Forêt communale.

Travaux d'amélioration.
Compétence.

Changements au devis.

Dommages-intérêts.

Les contestations entre l'entrepreneur de travaux à exécuter dans une forêt communale soumise au régime forestier et la commune propriétaire, à l'occasion des modifications apportées en cours d'exécution au devis primitif, et des dommages-intérêts réclamés à ce sujet par l'entrepreneur, ne sont pas de la compétence du Conseil de préfecture, mais bien du tribunal civil;

Lorsque des changements ont été apportés en cours d'exécution, sur la demande de l'entrepreneur, et sans ordre écrit de l'agent forestier directeur des travaux, l'entrepreneur n'est pas recevable ensuite à se fonder sur ces changements pour réclamer des dommages-intérêts, alors qu'une clause de son cahier des charges stipule : « qu'il ne lui sera tenu aucun compte de ses changements, tant qu'il ne justifiera d'un ordre écrit de l'agent forestier ; »

Dans ces circonstances, le tribunal doit refuser comme inadmissibles la preuve offerte et l'expertise sollicitée par l'entrepreneur.

FENNERY C. LA COMMUNE DU PUIDS.

Le 22 juin 1888, la construction d'un chemin dans la forêt communale du Puids, soumise au régime forestier, fut adjugée au s' Nas Fonnery. Au cours des travaux, l'entrepreneur demanda que la pente portée au devis fùt modifiée sur un point où les déblais présentaient des difficultés qu'il n'avait point prévues. Comme cette modification ne présentait aucun inconvénient pour les intérêts de la commune et qu'elle était avantageuse à l'entrepreneur, elle fut accordée, mais aucun ordre écrit ne fut délivré par l'agent directeur des travaux. La route achevée, le s Fennery, qui avait eu des difficultés avec ses

ouvriers et qui n'avait pu toucher le montant de ses mandats, frappés d'opposition à ce sujet, refusa de signer le procès-verbal de réception définitive du 10 janvier 1890. Il réclama ensuite 10.000 fr. de dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par les modifications apportées, sur sa demande, au devis primitif; le montant total de l'entreprise était de 7.304 fr. 48 c.

Cette réclamation fut d'abord portée devant le Conseil de préfecture, et le demandeur mit en cause à la fois le maire du Puids et le Conservateur des forêts. A l'audience, l'inspecteur des forêts, délégué par son chef, demanda la mise hors de cause de l'Administration forestière. Le conseil de préfecture des Vosges rendit l'arrêté suivant :

[ Considérant qu'il résulte de l'instruction de l'affaire et de l'examen des pièces du dossier que les travaux dont le s Fennery a été déclaré adjudicataire avaient pour objet la construction d'une route de vidange destinée exclusivement à l'exploitation d'une forêt dépendant du domaine de la commune du Puids, que lesdits travaux ne rentrent pas dans la catégorie de ceux auxquels s'applique l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, et que dès lors le Conseil de préfecture est incompétent pour statuer sur la réclamation qui lui est soumise par le s Fennery; Après en avoir délébéré conformèrent à la loi ; statuant contradictoirement : ARRÊTE le Conseil se déclare incompétent pour connaître de la réclamation du s' Fennery. »

Du 8 mars 1890. Conseil de préfecture des Vosges. M. Ottenheimer, président; Parnot, commissaire du Gouvernement; Barthélemy, inspecteur des forêts, admis à présenter des observations orales.

A la suite de cet arrêté, le s' Fennery assigna la commune, dans la personne de son maire, devant le tribunal civil de St-Dié aux mêmes fins de se faire allouer des dommages-intérêts, à raison du dommage par lui éprouvé, dont il offrait de faire la preuve; il concluait en même temps à ce qu'une expertise fût ordonnée par le tribunal pour vérifier sur le terrain les faits allégués.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL.... Attendu que c'est uniquement à son imprudence que Fennery doit imputer les mécomptes dont il voudrait aujourd'hui obtenir la réparation; — Qu'en effet, en admettant que des changements aient été ordonnés au devis primitif des travaux dont il s'est rendu adjudicataire le 12 juin 1888, il a eu incontestablement tort de les exécuter sans exiger un ¡ordre écrit ; Que l'article 26 du cahier des charges, qui lui a été imposé, stipule expressément que l'entrepreneur se conformera, pendant le cours du travail, aux changements qui lui seront ordonnés par écrit et sous la responsabilité de l'agent forestier, pour des motifs d'utilité ou d'économie. Il ne lui sera

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tenu aucun compte de ces changements qu'autant qu'il justifiera de l'ordre écrit de cet agent; › Attendu que cette clause n'est que la reproduction de la prescription édictée par l'art. 1793 du Code civil, leque! dispose que, lorsqu'il y a marché à forfait,'les augmentations qui peuvent survenir durant le cours des travaux dans les frais d'exécutions demeurent, à défaut d'autorisation écrite du propriétaire, quelle que soit leur cause, à la charge de l'entrepreneur ; Attendu que l'article précité fait résulter de l'absence d'un acte écrit la présomption que les changements faits au devis primitif par l'entrepreneur n'ont point dû, dans la peusée des parties, donner lieu à une augmentation de prix ; Que cette présomption légale est absolue, et, aux termes de l'art. 1352 C. civ., exclusive de toute preuve contraire; Attendu qu'à tort le demandeur soutient que, certaines clauses du cahier des charges ayant modifié le caractère et les effets du forfait intervenu entre lui et la commune défenderesse, il est recevable, bien qu'il ne justifie d'aucun ordre écrit, à réclamer le paiement des travaux supplémentaires qu'il a effectués, à faire une preuve d'après les règles du droit commun, et à provoquer une estimation par expert; Que les articles 34 et 37 du cahier des charges, qu'il prétend invoquer comme commencement de preuve par écrit, ne sont point de nature à modifier la partie du forfait stipulée; Que les clauses qu'ils renferment se réfèrent évidemment à l'art 26; que dans tous les cas elles n'emportent point renonciation du propriétaire au bénéfice des dispositions exceptionnelles de cet article et ne laissent aucunement supposer de la part de la commune du Puids l'intention de soustraire l'entrepreneur à ses rigueurs ; Attendu d'autre part que c'est en vain que Fennery invoque la maxime de droit que nul ne doit s'enrichir aux dépens d'autrui ; » Qu'alléguer un prétendu enrichissement serait un moyen trop commode d'éluder la loi et la convention, dont le but et l'esprit s'opposent d'ailleurs aussi bien à ce que le demandeur fasse la preuve de l'enrichissement du propriétaire, que de son ordre verbal ou même de son assentiment tacite.

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Le Tribunal, statuant en matière ordinaire et en premier ressort; Sans s'arrêter à la preuve offerte, non plus qu'à l'expertise sollicitée, lesquelles sont rejetées comme inadmissibles, Déclare Nicolas Fennery non recevable

dans sa demande, l'en déboute et le condamne aux dépens.

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Du 30 décembre 1891. Tribunal civil de 1re instance de St-Dié (Vosges); M. de Tissot, président; Gadel, procureur de la République.

OBSERVATIONS. Les deux décisions qui précèdent sont conformes à la jurisprudence.

Pour la question de compétence, depuis 1873 il est admis que les travaux d'amélioration exécutés dans les forêts domaniales par l'Administration forestière n'ont pas le caractère de travaux publics et que par conséquent les contestations qu'ils soulèvent entre l'État et les entrepreneurs ne peuvent être soumises aux Conseils de préfecture. Voir notamment Cons. d'État, 2 mai 1873, Barliac. (Rép. for.: VII, 66.) Mais les tribunaux civils sont-ils pour cela compétents? Voir nos

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