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(1) Il faut ajouter à ce chiffre, 715 docteurs exerçant en France dont nous n'avons pu trouver la date de doctorat. Il est vraisemblable que ces docteurs ont en majorité été reçus avant l'année 1893. La Cour de cassation a en effet déclaré que l'enregistrement du diplôme, exigé par l'article 9 de la loi du 30 novembre 1892, n'avait pas d'effet rétroactif et ne s'appliquait pas aux docteurs reçus avant la promulgation de la loi.

Pourquoi une augmentation si rapide en ces dernières années?

On a incriminé la loi militaire du 15 juillet 1889, qui, par son article 23, accorde aux étudiants en médecine la dispense de deux années du service militaire. C'est sinon une légende, du moins une grande exagération; les études médicales sont longues, difficiles et onéreuses, et si un jeune homme désire simplement obtenir la dispense du service militaire, il est beaucoup d'autres diplômes qui la confèrent et qu'il est possible d'acquérir plus rapidement et avec moins de peine. Tels sont les diplômes de licenciés èssciences ou ès-lettres; les diplômes délivrés par l'Ecole des langues orientales, etc.

L'effet de la loi militaire est secondaire, car l'augmentation du nombre des médecins ne s'accentue pas seulement en France, mais aussi dans les pays voisins.

En Allemagne, où la loi sur le recrutement de l'armée n'a pas changé au point de vue médical, chaque année les universités délivrent 1350 diplômes, au lieu de 800 il y a dix ans. La même progression se retrouve en Italie et en Autriche.

En Angleterre, il est difficile de se rendre compte du nombre des étudiants en médecine, car l'exercice de la profession étant libre, il n'existe que des collèges médicaux et les renseignements fournis ne sont pas absolument certains ou comparables.

Il faut donc chercher ailleurs la raison de cette augmentation du nombre des étudiants en méde

cine.

Si l'on feuillette une collection de journaux datant de trente ans, on ne trouvera pas d'ar. ticles traitant les questions de médecine ou d'hygiène. Au contraire, aujourd'hui il n'est pas de journal qui n'ait heddomadairement sa causerie médicale; on signale, dans des articles de fond, les grandes découvertes scientifiques; on y discute la qualité des eaux potables, la falsification des substances alimentaires; à la quatrième page, on préconise des pilules, des poudres médicamenteuses pour toutes les maladies. Les progrès si rapides de la médecine et de la chirurgie dans les dernières années du XIXe siècle; les découvertes si importantes de la bactériologie; la mise en pratique courante des opérations chirurgicales

impossibles autrefois, grâce à l'antisepsie, ont fait croire au père de famille que son fils, auquel il avait fait donner une instruction secondaire suffisante, trouverait dans la médecine un débouché moins aléatoire que dans le commerce ou l'industrie.

En 1894, cet envahissement devenant de plus en plus inquiétant, puisqu'à Paris nous n'avions pas moins de 5000 étudiants en médecine, alors que les locaux dont nous disposons ne permettent de donner un enseignement profitable qu'à 3000 au maximum, je priai M. Spuller, alors ministre de l'Instruction publique, de s'occuper de cette question. Il la traita à la tribune du Sénat et s'éleva contre cet engouement des parents pour les études médicales, montrant, en présence de la pléthore sans cesse grandissante, les déboires qui attendaient le futur médecin. Ce discours fut résumé dans une circulaire ministérielle, qui fut adressée à tous les proviseurs, principaux de collège, chefs d'institutions, et, résultat que j'osais à peine espérer, la bonne parole fut écoutée et le nombre des étudiants en médecine diminua assez rapidement jusqu'aux envi

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rons de 4,000 autour duquel il oscille depuis quelques années. Je ne parle que pour la Faculté de Paris, bien entendu (1).

A la même époque, les étudiants étrangers affluaient dans les Facultés de médecine. La France leur ouvrait largement ses établissements scientifiques. Elle pensait qu'il y avait un intérêt national à répandre à l'étranger la science française. Cela est vrai et sans inconvénient pour les Facultés des sciences et des lettres, aussi les Doyens de ces Facultés et le Ministère de l'Instruction publique accordaient avec la plus grande facilité aux étrangers la dispense ou l'équivalence des baccalauréats, ce premier écueil auquel se brisent les ambitions d'un certain nombre de nos candidats nationaux. De plus, si ces étrangers avaient déjà passé une

(1) L'influence des actes législatifs et administratifs ne se traduit que 6 ou 7 ans plus tard sur le nombre des diplômes délivrés. La loi sur le recrutement militaire est de 1889, elle a pu augmenter le nombre des docteurs après 1895, 1896, il faut remarquer que le mouvement progressif s'est accentué dès 1893, 1894.

La circulaire de M. Spuller ne se traduira par des chiffres qu'en 1900 et surtout 1901.

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