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juftice de Dieu, un cœur qui fente ce que c'eft que de porter devant Dieu la vûë & la pefanteur de fes pechez; donnez-moi un tel coeur, & il comprendra que la mort, toute terrible qu'elle eft, eft un gain pour lui: Mori lucrum. Car s'il craint tout en fe confiderant lui-même & fes péchez, il efpere tout en regardant la mifericorde de Dieu & les mérites de Jefus-Chrift: & comme fon efperance eft folide, bien loin d'éteindre en lui l'efprit de pénitence, elle l'y allume davantage, & enfuite lui fait defirer de fouffrir & de fouffrir la mort. Car il fçait que quelque pénitence qu'il puiffe faire pendant cette vie, fût-elle auffi longue que celle d'Adam, auffi humiliante que celle de Job, auffi cruelle & auffi douloureufe que celle des Martyrs, la juftice de Dieu ne fera jamais contente, qu'il n'ait fouffert la mort & accompli cette pénitence, la plus neceffaire, la plus convenable au pecheur, & la plus indifpenfable de toutes, comme étant du choix de Dieu & de l'ordonnance de fa juftice. Car quoique la mort d'aucun homme ne puiffe par elle-même fatisfaire pleinement à la juftice de Dieu, au moins eft-ce la fatisfaction la plus parfaite qu'il puiffe lui offrir,

Et la mort d'un Chrétien unie à celle de fon chef adorable & à fes mérites infinis, eft une pénitence qui eft précieufe & honorable aux yeux de Dieu. C'est pourquoi un pecheur animé contre lui-même par l'amour de Dieu, & par la haine du peché, loin de prétendré à la mifericorde de Dieu fans faire pénitence pour les pechez, defire au contraire que Dieu venge fur fon corps & fur fa vie l'injure que le peché lui a faite, & qu'il tire de lui la plus parfaite fatisfaction qu'il en puiffe tirer en cette vie, en exécutant au plûtôt fur lui l'arrêt prononcé contre tous les enfans d'Adam.

I.

Nous devons donc, 1. adorer & confiderer Jefus-Chrift dans fa pénitence & dans le zéle de fon coeur au regard de la juftice de Dieu. Car il n'eft point mort par neceffité, mais par bonté; & il n'a point demandé pour nous une misericorde gratuite à Dieu; mais en follicitant auprès de lui notre pardon & notre grace, il lui a offert fa vie pour en être le prix, & il a vêcu dans une fainte impatience d'accomplir le facrifice de fa mort pour

nous.

Appliquons-nous à l'adorer dans ces

defirs ardens avec lesquels il defiroit la mort par l'efprit de pénitence, & par le zéle de la juftice de Dieu, à laquelle il se reconnoît foûmis, comme portant dans fa perfonne celle de tous les pecheurs, & étant la victime de tous les pechez. Qui auroit pû pénétrer dans le fond de fon cœur pour voir ce qui s'y paffoit aux yeux de fon Pere, quand dans l'impatience de laver nos péchez dans le Bâtême de fon fang fur la croix, il s'écrioit: JE(a) dois être batifé d'un batême, & combien me fens-je preffé jusqu'à ce qu'il s'accompliffe! Qui auroit, dis-je, vû fon cœur en ce moment, y auroit vû ce que chacun de nous doit lui-même fentir dans le fien, & ce que nous fommes ordinairement bien éloignez d'y fentir. Car qui ne frémit au feul nom, & bien plus encore aux approches de la mort? 11 eft vrai que l'ame du Sauveur en a été elle-même troublée. Mais faint Auguftin nous apprend qu'il faut bien fe garder de s'imaginer, que l'ame fainte du Fils de Dieu eût de la peine à fortir de ce monde, qu'elle eût de l'attachement à la vie préfente, ou qu'elle manquât de force & de courage pour accomplir fon facrifice.

(a) Luc 12 go.

"

Comment donc., Seigneur, comman dez-vous à mon ame de vous fuivre, fi la vôtre même eft troublée ? Si la force même fuccombe, comment me foûtiendrai-je, moi qui fuis la foibleffe même ? Mais il me femble que vous me répondez au fond du coeur, que c'eft pour cela même que je pourrai vous fuivre, & que c'est pour me revêtir de votre force que vous prenez fur vous ma foibleffe. Vous ne vous abaiffez jufqu'à mon infirmité que pour mélever à votre force. Quand vous m'encouragez à haïr ma vie en ce monde, afin de la conferver pour l'éternité, comme vous venez de faire, c'étoit la voix de votre force qui parloit à moi: & quand vous dires, que votre ame eft troublée, c'est la voix de mon infirmité & de ma foibleffe qui parle en vous. Vous vous chargez de ma timidité, & cette timidité ainfi portée par la force même élevée, fanctifiée, & pour ainfi dire divifée dans votre perfonne, devient pour moi une fource de force, de courage & de confiance.

O fouverain Médiateur, Dieu au deffus de nous, homme pour l'amour de nous, je reconnois la conduite de votre mifericorde, & qu'étant la toute-puissan

J

ce même vous n'entrez dans ce trouble
par le mouvement volontaire de votre
charité, que pour confoler & pour em-
pêcher de périr par le découragement &
le défespoir un fi grand nombre de mem-
bres de votre corps qui font troublez à la
vûë de la mort par une fuite neceffaire de
leur infirmité. Ĉe trouble & cette crainte
font les préparatifs du grand facrifice,
par lequel vous leur obtenez la remiffion
parfaite de tous leurs pechez, & fans le-
quel ce feroit une témérité au pecheur
d'efperer mifericorde, & un nouveau
peché de faire cette priere: Pardonnez-
nous nos offenfes, comme nous pardonnons
à ceux qui nous ont offenfé

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Nous ne devons donc jamais dire ces paroles fans jetter les yeux de notre foi & de notre reconnoiffance fur Jefus-Chrift mourant pour nos pechez, comme étant en cet état l'unique fondement de notre confiance. Il est l'agneau, c'est-à-dire, la victime qui s'eft chargée de nos pechez; & l'Eglife nous le met fouvent devant les yeux fous cette qualité, pour nous faire fouvenir, que c'eft pour nous qu'il eft mort, & que ce n'eft qu'en vertu de fa mort que nous pouvons demander mi

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