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elle eût été seulement consignée sur une feuille volante, qu'elle n'eût pas été inscrite au répertoire et n'eût pas été enregistrée; il suffit, en effet, ainsi que l'a reconnu la Cour de cassation, pour qu'elle soit régulière, « que l'opposition ait été formée dans le délai de vingt-quatre heures, reçue au greffe par le greffier et revêtue de la signature du procureur du roi et du greffier 1».

L'opposition du ministère public doit-elle ètre notifiée au prévenu? L'article 135 ne prescrit cette notification qu'en ce qui concerne l'opposition du procureur général, et l'article 203 ne prescrit point la notification de la déclaration d'appel. Cependant il faut reconnaître qu'il serait útile que le prévenu reçût, sinon la notification, au moins l'avis de l'opposition; car comment pourra-t-il se défendre devant la chambre d'accusation par fa production d'un mémoire ou demander les dommages-intérêts que l'article 136 lui accorde, s'il ne sait pas même qu'une opposition l'a saisie de la prévention ??

2116. Le Code est muet sur les formes de l'opposition de la partie civile aussi bien que sur celles de l'opposition du ministère public. Il faut donc ici, comme dans le premier cas, se référer à l'article 203 et décider qu'en thèse générale la partie civile doit faire sa déclaration d'opposition au greffe du tribunal qiri à rendu l'ordonnance.

Est-il nécessaire que cette déclaration, lorsqu'elle a été régulièrement reçue par le greffier, soit notifiée au procureur impérial et au prévenu? Il résulte de l'assimilation faite par la jurisprudence entre l'appel et l'opposition que cette notification ne peut être rigoureusement exigée. L'article 203, en effet, n'ordonne pas que l'appel déclaré au greffe par le procureur impérial ou la partie civile soit signifié au prévenu; la déclaration faife au greffe est réputée connue des parties intéressées; la partie civile qui suit cette voie fait donc tout ce que la loi a prescrit 3.

La Cour de cassation à étendu cette décision à la déclaration d'opposition faite au parquet. L'arrêt qui consacre ce point de droit porte que l'article 135 n'a pas fixé les formes de l'oppo

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1 Cass. 15 avril 1836 (S. V. 36, 1, 386. Dall. 40, 1, 347).

2 Conf. Carnot, tom. I, p. 536; Legraverend, tom. I, p. 382; Mangin, tom. II, p. 95.

3 Conf. Mangin, tom. II, p. 102.

sition; que, s'il est de l'essence d'un pareil acte qu'il soit fait dans une forme authentique et dans le délai de vingt-quatre heures à partir de sa notification, il ne l'est pas également qu'il soit formalisé au greffe et signifié au prévenu; que celui-ci a les moyens de s'assurer, soit au greffe, soit au parquet (si l'opposition ne lui a pas été directement signifiée), de l'existence de l'opposition et de sa régularité, afin de produire sa défense å la chambre d'accusation; que le parquet du procureur du roi lai est ouvert à cet effet aussi bien que le greffe; que dans le silence de la loi on ne saurait créer des déchéances; que, dans l'espèce, la partie civile a formé son opposition dans le délai de vingtquatre heures à partir de la notification de l'ordonnance de nonlieu; que cette opposition a été formée par un acte authentique' ayant date certaine jusqu'à inscription de faux; qu'au lieu d'être' notifiée au gréffe, dépôt naturel des actes judiciaires, elle à pu' l'être, sans qu'il résulte de nullité, au parquet du procureur da roi; que d'ailleurs elle a été notifiée au prévénu, et que celui-ci a produit sa défense à la chambre d'accusation; d'où il suit que' l'arrêt attaqué, en validant l'opposition de la partie civile, n'a pas violé l'article 135' ".

Il suffisait, comme on le verra tout à l'heure, de la double notification de l'opposition au parquet et au prévenu pour qu'elle fût valable, et il est probable, par conséquent, que cette circonstance, consacrée dans l'espèce, a dû influer sur la décision qu'on vient de lire. Mais est-il exact de dire, comme le fait cet arrêt, que la déclaration de l'opposition au parquet doit être assimiléé à la déclaration au greffe? Le greffe est le dépôt légal et public des actes judiciaires; c'est le lieu que l'article 203 désigne pour recevoir les appels, et, suivant la jurisprudence, les oppositions; c'est donc au greffe, et seulement au greffe, que les parties doivent, d'après la loi même, vérifier l'existence de ces actes; c'est donc là seulement que la déclaration doit être faite, lorsque cette déclaration est la base unique de l'opposition.

Nous croyons, au reste, que la déclaration au greffe n'est point une formalité indispensable et dont l'omission doive emporter nullité. De ce que la loi n'a prescrit aucune forme précise, on peut induire que cette déclaration, bien qu'elle soit la forme régulière de l'opposition, peut être remplacée par des actes équi1 Cass 17 août 1839 (Bull., no 267).

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pollents. Ainsi, la double signification faite au ministère public et au prévenu peut suppléer à la déclaration au greffe.

Mais la signification faite au greffier ne remplacerait point cette déclaration; car le greffier ne représente point les parties, et la loi ne lui prescrit point de leur donner communication des significations qu'il aurait reçues pour elles. La chambre d'accusation de la cour de Lyon l'a ainsi jugé par un arrêt qui déclare une opposition ainsi formalisée non recevable, << attendu que, quoique l'article 135 n'indique pas à qui doit être signifiée l'opposition de la partie civile, sa simple énonciation n'emporte pas moins l'absolue nécessité de la signifier tant au procureur du roi qu'à l'inculpé, puisque c'est avec eux qu'il faut statuer; mais qu'ici la prétendue opposition de la partie civile à l'ordonnance de la chambre du conseil qui avait déclaré n'y avoir lieu à suivre contre l'inculpé n'a été signifiée de sa part, dans les 24 heures de la notification qu'on lui avait faite de cette ordonnance, ni au procureur du roi, ni même à l'inculpé, et qu'elle l'a été seulement au greffier du tribunal; qu'il est manifeste qu'un greffier, dont les fonctions consistent à tenir la plume, soit à l'audience, soit dans les chambres et dans son greffe, pour y écrire sous la dictée des magistrats, à garder minute des actes émanés d'eux et à en délivrer expédition, ne saurait avoir qualité pour représenter et remplacer ni le procureur du roi, ni la partie inculpée à l'effet de recevoir pour eux une signification d'opposition qui doit leur être faite directement, signification dont rien ne saurait garantir qu'il ait donné connaissance soit au procureur du roi, soit à la partie inculpée, qui serait ainsi réduite à l'impossibilité de se défendre devant la cour contre une opposition dont elle aurait précédemment ignoré l'existence '.

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2117. Les mêmes règles s'appliquent à l'opposition que le prévenu peut former dans les cas de liberté provisoire et d'incompétence. Il résulte, en effet, de toutes les observations qui précèdent qu'il faut se reporter, dans le silence de la loi, au texte de l'article 203, relatif aux formes de l'appel, et l'on doit décider en conséquence que l'opposition du prévenu doit être formalisée entre les mains du greffier comme celle de la partie civile.

1 Lyon 30 avril 1830 (S. V. 30, 2, 213. D. 30, 2, 243).

§ VI. Des dommages-intérêts encourus par la partie civile.

2118. La partie civile ne forme son opposition, comme l'a dit M. Treilhard', qu'à ses risques et périls. L'article 136 est ainsi conçu « La partie civile qui succombera dans son opposition sera condamnée aux dommages-intérêts envers le prévenu. »

Le législateur a voulu par cette disposition établir un contrepoids au pouvoir exorbitant qu'il attribuait à la partie civile; l'opposition de cette partie suffit pour faire vivre l'action publique, et par conséquent elle a pour effet de maintenir l'inculpé en état de détention; mais elle en assume la responsabilité, et si son recours n'est pas reconnu fondé, elle doit indemniser l'inculpé du dommage qu'il a souffert par suite de l'opposition. Nous retrouverons une disposition analogue dans l'article 436.

Ces dommages-intérêts ont pour source unique le fait même du recours; leur objet est la réparation du préjudice que cet acte a pu causer. Ils sont donc indépendants de ceux qui pourraient encore être prononcés à raison de la témérité ou de la fausseté de la dénonciation.

L'application de cet article a donné lieu à plusieurs difficultés.

2119. Quelle est, en premier lieu, la juridiction compétente pour accorder les dommages-intérêts? La Cour de cassation a décidé que cette condamnation doit être prononcée par l'arrêt de la chambre d'accusation qui rejette l'opposition: « Attendu que les chambres d'accusation étant compétentes pour prononcer sur les oppositions aux ordonnances des chambres du conseil elles sont également compétentes pour prononcer sur les dommages-intérêts que l'article 136 accorde au prévenu comme une suite du débouté de l'opposition de la partie civile. »

Cette décision donne lieu à une objection. L'article 136 ne désigne point la juridiction qui doit prononcer les dommagesintérêts, et aucun des articles relatifs aux attributions de la chambre d'accusation ne supplée à son silence. L'article 229, qui prévoit le cas où cette chambre statue sur une opposition à la mise en liberté du prévenu, n'ajoute point qu'elle prononcera

1 Locré, tom. XXV, p. 247.

2 Cass. 10 juin 1813 (J. P., tom. II, p. 452. S. V. 16, 1, 91; et conf. Cass. 25 août 1857 (Bull., no 252).

les dommages-intérêts prévus par l'article 136. Et faut-il admettre qu'une juridiction qui statue à huis clos et sans débat contradictoire puisse prononcer une condamnation? La partie civile ne pourra-t-elle ni justifier son opposition, ni combattre la demande formée contre elle? Et sera-t-elle condamnée sans avoir été entendue? De là la conséquence que l'article 136 n'aurait fait que poser le principe d'une indemnité dont le prévenu pourrait ensuite poursuivre la condamnation par la voie civile.

Cette objection, quoique grave, ne nous semble pas décisive. Il semble difficile de penser que le législateur ait voulu réserver à la juridiction civile l'appréciation d'une indemnité résultant d'un acte de la procédure criminelle. Ce n'est là qu'un incident de cette procédure qui ne peut en être séparé et qui ne peut qu'être accessoirement porté devant le juge chargé de statuer sur le procès. Or, en rapprochant l'article 136 des articles qui le précèdent, on acquiert la conviction que l'intention de la loi a été de faire prononcer sur les dommages-intérêts du prévenu en même temps que sur l'opposition, et par conséquent de déférer au même juge le jugement de l'opposition et le jugement du préjudice qu'elle a causé. Ce juge est donc la chambre d'accusation. A la vérité, il est contraire aux règles de notre droit commun de faire prononcer une condamnation par une juridiction qui n'est appelée à statuer que sur la mise en accusation des prévenus et qui, jugeant à huis clos et sans débats, prononce sans entendre la défense des parties. Mais c'est là une exception motivée, il faut le dire, par un intérêt légitime: la loi, qui voulait mettre un frein au droit d'opposition de la partie civile, a dû placer à côté de l'opposition même la peine de sa témérité : renvoyer l'appréciation des motifs de cet acte à la juridiction civile cût été annibiler le recours du prévenu. La jurisprudence nous paraît donc avoir donné à la loi son véritable sens.

2120. L'article 136 s'applique-t-il au cas où l'ordonnance, frappée d'opposition, n'avait pas prescrit la mise en liberté de l'inculpé? On peut objecter que cet article, n'étant que le corollaire de l'article 135, ne peut être étendu au delà des cas prévus par ce dernier article; qu'il s'agit d'une disposition en quelque sorte pénale qui doit être restreinte dans son texte; que si, d'ailleurs, l'inculpé a droit à un dédommagement quand il a été re

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