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rentrer qu'à la tête d'une armée; dans le cas où il en aurait levé une, ce ne serait pas vos décrets, mais la force qui prévaudrait. On peut marier la proposition de M. Prieur avec celle des comités, et dire : si le roi ne rentre pas dans le délai fixé par le corps législatif, qui ne pourra étre moindre de deux mois, etc. Adopté.)

» Quant au pouvoir constituant, il concentre en lui seul tout le salut de la chose publique ; il ne peut être entravé en aucune manière, et il a le degré d'autorité nécessaire pour prendre telle précaution qu'il juge convenable. »>

M. Roederer. Vous avez répondu à l'observation de M. Regnault; je ne vois plus ici qu'une vraie difficulté, c'est de savoir si pendant le temps que le roi pourra être absent il tiendra toujours les rênes du gouvernement, s'il pourra commander comme chef du pouvoir exécutif.

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M. Thouret. « Nous croyons qu'en principe le seul fait de la sortie du roi du royaume ne le suspend pas un seul instant de ses fonctions; mais nous pensons aussi que du moment que la proclamation est publiée pour l'inviter à rentrer dans le royaume le pouvoir exécutif doit étre suspendu dans sa main. Voilà l'opinion des comités.»>

M. Roederer. « Il faut l'exprimer.»

M. Thouret. « Nous l'ajouterons dans la rédaction de l'article. »

L'Assemblée adopta et l'addition et les deux amendemens. (Ils composent l'article 7 au titre III de la Constitution, chapitre II, section I de la royauté, où se trouvent les autres articles relatifs à l'abdication.)

Sur la garde du roi (1).

M. Thoure'. (Séance du 24 août 1791.) « J'ai l'honneur de présenter à l'Assemblée les dispositions relatives à la garde du roi.

(1) Les gardes du corps avaient été licenciés après le retour du roi de Varennes. Voyez tomed!!, page 134.

>> Le roi aura, indépendamment de la garde d'honneur qui lui sera fournie par les citoyens gardes nationales du lieu de sa résidence, une garde payée sur les fonds de la liste civile ; elle ne pourra excéder le nombre de douze cents hommes à pied et de six cents à cheval: les grades et les règles d'avancement Ꭹ seront les mêmes que dans les troupes de ligne.

» Le roi ne pourra choisir les hommes de sa garde que parmi ceux qui sont en activité de service dans les troupes de ligne et les gardes nationales, et qui sont résidens dans le royaume.

» Cette garde ne pourra jamais être commandée pour aucun service public.

>> Les comités proposent aussi qu'aucun des hommes employés à ce service ne puisse cumuler les fonctions de représentant à la législature; mais ils ont trouvé inutile de placer ici cette disposition, parce qu'elle se rattache nécessairement à l'article où il est question de la nécessité d'opter pour tous les emplois de la maison du roi.

>> Comme cette matière est une de celles sur lesquelles on a le plus cherché à influencer l'opinion publique, il me paraît utile de rendre compte brièvement à l'Assemblée des motifs qui ont déterminé les différentes parties de la disposition que les comités ont adoptée. Il n'a jamais été mis en question s'il était convenable que le roi eût une garde; l'affirmative ne nous a paru souffrir aucune difficulté, non pas dans ce sens odieux que le représentant héréditaire dé la nation, son premier magistrat, ait besoin de se défendre contre la nation, mais parce qu'il est nécessaire de le prémunir contre ces individus malveillans et impies dont aucune nation ne peut se voir entièrement purgée; parce que aussi la garde du roi fait une partie de la dignité et de la majesté nationale, que le roi représente.

» La première question qui s'est présentée à examiner était celle de savoir si l'on ne pouvait pas établir que les différens corps de troupes de ligne fussent appelés par tour de rôle à faire le service de la garde du roi : ce système a d'abord quelque chose de séduisant; mais en l'examinant à fond nous

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avons pensé qu'il était contraire à l'intérêt de la Constitution et à l'intérêt de l'esprit militaire dans l'armée.

>> Sous le premier rapport il est évident que le plus grand danger que court la Constitution d'un peuple libre est l'abus qui pourrait être fait de la force armée quand la nation est obligée d'entretenir une armée permanente considérable. Ce danger vient de ce que l'esprit de l'armée tend naturellement à s'isoler de la nation, à s'écarter du véritable esprit national pour trouver un esprit particulier, et pour tendre surtout à un dévouement trop entier à son chef; or serait-ce une bonne disposition que celle d'appeler tous les corps de troupes de ligne à passer alternativement un temps de service à la cour, dans cette atmosphère de l'intrigue, dans ce lieu où, sous les yeux du chef et de tous les subalternes qui peuvent se mouvoir sous lui, chque corps de ligne serait influencé par des blandities, des alliciemens, des caresses; et peut-être aussi par des gratifications pécuniaires? Ce serait inoculer chaque corps de troupes de ligne d'un serment qu'il emporterait dans les garnisons, qui ferait des progrès plus ou moins sensibles en plus ou moins de temps, et dont l'effet indubitable serait à la longue de livrer chaque corps de troupes de ligne au chef du pouvoir exécutif. Nous avons donc rejeté cette idée sur cette première considération.

>> Nous avons été déterminés encore par deux autres considérations. La première est que le séjour le plus habituel du roi sera à l'avenir dans la capitale; et le séjour de la capitale est de tous le moins propre à entretenir dans l'armée l'austérité de mœurs, de principe et de vie qui fait la vigueur de la discipline. Enfin il serait nécessaire de donner une haute paie aux corps de troupes de ligne pendant le temps qu'ils feraient le service de la garde; et d'après les éclaircissemens qui nous ont été donnés par des hommes ayant sur cela une expérience certaine, nous avons cru qu'il y aurait une trop grande difficulté à rétablir les corps de ligne au service des garnisons avec la paie ordinaire, quand ils auraient joui longtemps d'une haute paie dans des lieux où ils auraient aussi trouvé plus de jouissances etavec plus de facilité. Tout cela nous a ramenés à penser qu'il était mieux dans

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l'esprit de la Constitution, mieux pour la conservation de l'esprit militaire, que le roi eût une garde particulière.

» Nous n'avons pas hésité à penser qu'elle devait être payée par la liste civile, dont elle est une charge naturelle. Les fonds de cette garde ne sont pas faits en vue des jouissances du roi comme individu, mais comme premier magistrat de la nation; ils sont faits pour le besoin de la dignité dont il importe à la nation d'entourer le trône : les frais de la garde sont donc une charge naturelle de la liste civile, et nous ne faisons aucun doute que la partie des fonds de cette liste qui sera employée à payer cette garde aura par là un emploi moins inquiétant pour la liberté publique que tout autre qui pourrait être fait en la libérant de cette charge. Quant au nombre d'hommes employés pour la garde du roi, nous l'avons réduit au plus strict nécessaire.

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Jusqu'à présent le service s'est fait par quartier; nous croyons qu'il doit être fait par semestre, et cela par la considération que le corps entier ne sera jamais en rassemblement complet au même endroit; il faut encore calculer que le service ne peut être fait que de trois à quatre jours par les mêmes hommes, à peine de leur imposer une charge trop pesante, et qu'ainsi il ne resterait que cent quatre-vingts à deux cents hommes pour le service habituel de chaque jour, pendant que le service habituel emploie un bataillon entier.

>>

Il y a une autre considération que nous ne prétendons pas préjuger; c'est le contrat ou la convention faite avec les états suisses, qui ont dans leurs capitulations la stipulation formelle et expresse qu'un de leurs corps soit employé à la garde du roi. Nous ne proposons à l'Assemblée aucun préjugé sur ce point, parce qu'il peut se concilier de deux manières; ou l'on conviendrait avec les cantons que les Suisses ne feraient plus la garde du roi, ou l'on proportionnerait le nombre des Suisses qui y seraient employés au nombre des citoyens qui feraient le surplus de cette garde.

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En résultat nous avons examiné si sérieusement une garde de douze cents hommes à pied et six cents à cheval pour maximum pouvait jamais être inquiétante pour la liberté

publique, et, à l'unanimité complète, nous n'avons pu croire qu'on vît le moindre danger réel dans la garde du roi réduite en maximum à dix-huit cents hommes.

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» Nous vous proposons ensuite que les grades et règles d'avancement soient les mêmes pour le corps chargé de la garde du roi que pour les troupes de ligne, afin qu'il ne soit pas la garde privée et particulière de celui qui le paierait, une cohorte de sbires une sorte d'archers, qui ne tiendrait en rien à la nation, mais uniquement à celui qui l'emploirait comme instrument servile de sa inaison domestique, et qui serait beaucoup plus déterminé à exécuter des ordres arbitraires qu'une garde du roi formant un véritable établissement national, faisant partie de l'armée, et se traitant comme l'armée; car d'après notre proposition la plupart de ces grades donneront un état indépendant du roi, puisque le tiers seulement des places sera au choix du roi.

» C'est maintenant à l'Assemblée à peser ces considérations; elles nous ont déterminés nous ne voyons pas dans cet établissement le danger qu'on a fait craindre en le supposant déterminé par d'autres vues ou composé par d'autres élé

mens. "

M. Vadier (immédiatement après le rapporteur ). Messieurs, on vous propose d'entourer le roi d'une garde stipendiée qui le déroberait aux regards, à l'amour et à la confiance du peuple. Pense-t-on que cet appareil intermédiaire doive resserrer les liens de l'obéissance à la loi? Une nation fière et jalouse de sa liberté verra-t-elle sans défiance. une troupe mercenaire et anticivique garder les avenues du trône....? (Murmures.) Ces viles précautions ne peuvent convenir qu'aux despotes, qui, se défiant sans cesse de la fidélité des esclaves qu'ils ont asservis, ne règnent que par la terreur, et n'expriment qu'au bruit des armes les actes de leur volonté tyrannique; mais un roi qui doit tout à la libéralité d'un peuple généreux... (murmures du côté droit), un roi qui commande au nom de la loi, un roi qui n'a jamais que du bien à faire, et qu'une sage Constitution a mis dans l'heureuse impuissance de faire détester son auto

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