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fericorde à Dieu. Il a pris vraiment nos langueurs fur lui, & il s'eft chargé luimême de nos miferes & de nos maux. Il a été frappé de la main de Dieu & humilié pour nous. C'est pour nos iniquitez qu'il a été percé de playes, & pour nos crimes qu'il a été brifé de coups. Nous avons été guéris par fes bleffures, parce que le Seigneur l'a chargé des iniquitez de nous tous. Il a été offert & facrifié, parce qu'il l'a voulu ; & il n'a pas ouvert la bouche, s'étant laiffé mener à la mort comme une brebis, & n'ayant ouvert la bouche non plus qu'un agneau qui eft muet devant celui qui le tond: In vita mitis, dit faint Auguftin, in morte mutus.

Dans cette peinture qu'Ifaïe nous fait de Jefus-Christ mourant pour notre falut, rien n'éclate davantage que la foûmiffion avec laquelle il meurt, & que cette difpofition d'une fainte victime, qui fe laisse frapper, percer, brifer, immoler & facrifier au gré de celui qui a droit de dispofer de fa vie. C'eft la difpofition capitale & continuelle qui paroît dans le facrifice de l'Agneau de Dieu, & la fource de toutes les autres. S. Paul en effet femble les avoir toutes renfermées dans l'obéïffance, obéiffance auffi longue que

fon facrifice qui a commence par cette parole adorable: Je viens, mon Dieu, pour faire votre volonté ; & qui finit par cette autre : Que ce ne foit pas ma volonté qui fe faffe, mais la vôtre; d'où S. Paul a pris occafion de dire qu'il a été obéissant jufqu'à la mort, fe laiffant ôter la vie, comme un agneau fe laiffe ôter la laine, fans fe plaindre au milieu des plus extrêmes douleurs; fans fe juftifier, lui qui est l'innocence même ; fans penfer à éviter la mort, lui qui pouvoit tout par la feule volonté; fans reprocher fa mort & fes fouffrances à ceux pour qui il les enduroit, lui qui mouroit pour fes ennemis & pour des ingrats; plein du feul defir d'obéir à fon Pere, & de fanctifier fon Eglife en détruifant le peché & en faisant notre paix par le fang de fa croix, en qui nous avons notre rançon & la remiffion de nos pechez.

C'est l'objet que nous devons nous rendre familier durant notre vie, & le modele que nous devons étudier par l'ef prit de la foi dans la priere; afin que nous puiffions l'imiter quand l'heure de notre facrifice fera venue. Nous ne connoîtrons bien qu'alors fi nos defirs auront été veritables, ou fi ce n'aura point

été une illufion qui nous aura fait croire que nous n'étions point attachez à la vie, & que nous defirions de la quitter. Notre obeïffance en fera l'épreuve.Si nous avons fincerement defiré d'être batisez de ce second baptême qui doit oyer en nous ce que le premier y avoit laiffé du peché, & ce que nous y avons ajoûté par notre volonté corrompuë, nous le recevrons avec une parfaite foûmiffion à l'ordre de Dieu & à l'arrêt de fa justice; nous ferons du fupplice de nos pechez un facrifice volontaire, qui uni à celui de Jefus-Chrift, d'où il reçoit toute fa vertu, puiffe honorer Dieu, expier les pechez de notre vie, & nous en faire recevoir le pardon general que nous demandons tous les jours.

C'eft ainfi que nous imiterons la douceur, la patience, l'humilité, l'obéissance, & la charité de l'Agneau, qui a porté nos pechez fur la croix. Loin de nous plaindre de nos fouffrances, de nous occuper d'une maniere lâche de notre état, de defirer la vie contre l'ordre de Dieu, de regarder la mort avec chagrin, avec impatience, avec douleur ; nous la regarderons comme l'exécutrice de la volonté de notre Dieu, & nous nous regarderons nousmêmes comme une victime de fa justice

entre les mains de Jefus-Chrift, pour lui être facrifiée, & trouver par ce moyen la pleine remiffion de nos pechez.

III.

Mourons tous les jours de notre vie, & commençons ce facrifice par la mortification de nos fens & de notre volonté, qui doivent commencer l'immolation de notre victime & la continuer jufqu'à ce que la mort lui vienne donner le dernier coup. Verfons fans ceffe le fang de nos larmes & de notre douleur fur nousmêmes, comme Jefus Chrift y exhortoit les femmes de Jerufalem, lorfqu'il alloit répandre le fang de fon corps & de fon cœur pour nous fur la croix. Car c'eft à nous qu'il parloit en leur perfonne. Les pechez ne font point remis, dit S. Paul, fans effufion de fang; c'est-à-dire fans la mort de la victime, mais de la victime entiere. Et comme c'eft par ce dernier acte de la pénitence de Jefus-Chrift que s'eft faite la reconciliation du monde, elle doit auffi s'accomplir dans chacun des élûs de la même maniere à proportion: car ce n'eft qu'un feul facrifice que celui du chef & des membres. Il a offert notre mort avec la fienne fur la croix ; il faut que nous offrions fa mort dans la nôtre

& avec la nôtre: & le facrifice du Chrift entier, c'est-à-dire, de tout le corps de Jesus-Chrift, ne fera point achevé jus qu'à ce que le dernier de ses membres, qui lui doivent être unis dans l'éternité, ait joint fa mort à celle de fon chef.

Un Chrétien pourroit donc dire en mourant, & il le devroit dire avec joye & confolation, ce que S. Paul difoit (a) en fouffrant, & ce qu'il étendoit affûrément à la mort même: Je me rejoüis dans mes fouffrances & dans ma mort, parce que j'accomplis & confomme en moi les fouffrances & la mort de Jesus-Chrift; & que j'acheve comme membre de for corps, la mort qu'il doit fouffrir dans tous les Chrétiens; afin d'être enfuite glorifié en eux tous. Allons donc & mou rons avec lui, comme parloit S. Thomas. Sortons hors le camp, & fuivons-le por tant l'ignominie de fa croix, c'eft-à-dire, mourant dans l'efprit d'humiliation, com me un criminel qui eft facrifié à la juftice de Dieu, & qui a de la joye d'y fatisfaire le plus parfaitement qu'il peut. Si nous concevions bien ce que c'eft que d'être chargez devant Dicu du poids de nos pe ehez, & d'être durant toute la vie rede (a) Colof. 1. 29.

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