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Sindic, en se fondant sur ce que l'enquête n'avait fait qu'éclaircir ce que la rédaction de l'acte avait de vague, et qu'il en résultait que Dasnoy avait dépassé les limites fixées par le contrat.

Sur l'appel de Dasnoy, ce jugement fut confirmé par un premier arrêt rendu contre l'appelant faute de conclure, mais sur l'opposition de celui-ci, le même jugement fut réformé par un arrêt contradictoire du 25 décembre 1854, motivé sur ce que l'acte de 1842 prouve clairement que le terrain cédé longeait une communication alors existante vers la grotte des Fées; que l'enquète aurait donc dù établir que Dasnoy s'était écarté de cette direction, tandis que les témoins n'ont pas même été interrogés sur ce point; que l'enquête, portant exclusivement sur la convention même, doit être écartée du débat, puisqu'on ne peut admettre une preuve testimoniale contre et outre le contenu de l'acte. Voici, au surplus, les termes mêmes de cet arrêt :

« Dans le droit : Y a-t-il lieu de réformer le jugement dont appel?

« Attendu que les parties ayant des contestations relativement aux passages, communications ou entrées entre leurs propriétés, les ont aplanies par acte transactionnel du 22 avril 1842; que l'intimé a cédé à l'appelant, contre la lairesse-mur de son moulin, 1 mètre 45 centimètres de largeur le long de la communication conduisant au Trou-desFées, à charge par l'appelant de payer 100 fr. et de faire construire un mur de séparation le long de cette communication;

«Que par cette convention les parties ont déterminé pour l'avenir l'étendue de leurs propriétés respectives et pris pour limite une communication alors existante, sauf à y ajouter 1 mètre 45 centimètres de largeur à prendre sur la propriété de l'intimé;

<< Attendu que pour établir l'empiétement dont l'intimé se plaint et qui fait l'objet de la preuve à laquelle il a été admis par jugement du 31 juillet 1830, il aurait dû prouver que le mur, qui a été immédiatement construit en exécution de la transaction, ne longe pas la communication telle qu'elle existait en 1842 et qui devait en indiquer la direction, mais que loin d'administrer cette preuve, es la même pas puisque les n'ont pas été interpellés à cet égard; que leurs dépositions étant muettes sur ce point et n'étant exclusivement relatives qu'à la convention elle-même, on ne peut y avoir égard, puisque ce serait admettre une preuve contre

et outre le contenu de l'acte qui est formel et ne laisse aucun doute sur la volonté et l'intention des parties;

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« Attendu, en outre, que c'est à tort que l'intimé et des témoins de l'enquête prétendent que, d'après la convention, l'entrée du Trou-des-Fées devait être en dehors de la clôture à établir, car l'article 2 du contrat porte qu'un litige pouvant s'élever relativement au Trou-des-Fées, la communication dont il s'agit n'est concédée que sur la propriété du cédant vers le Trou-des-Fées ; or, si l'entrée de cette grotte avait dù ne pas être comprise dans le terrain de l'appelant, si cette entrée était restée libre sur la propriété conservée par l'intimė, il eût été complétement inutile d'insérer dans l'acte cette réserve relative à la propriété de la grotte elle-même dont la cession par Sindic ne pouvait s'induire que de la stipulation par laquelle il abandonnait l'entrée à Dasnoy;

« Attendu que l'intimé n'a pris aucunes conclusions du chef du préjudice qui serait causé à son moulin par le détournement des eaux, et que dès lors la cour n'a pas à en connaître ;

«Par ces motifs, la cour met à néant le jugement dont est appel; renvoie l'appelant de la demande dirigée contre lui; condamne, etc. >>

Pourvoi par Sindic.

Il invoquait deux moyens de cassation, l'un tiré de la violation de l'article 1154 du code civil et l'autre de la violation et fausse inter

prétation de l'article 1341 du même code.

Il soutenait, en premier lieu, que la cour d'appel, loin d'interpréter l'acte du 22 avril 1842, avait substitué, par une erreur matérielle et en dénaturant les termes de l'acte, une autre convention à celle qui avait été arrêtée entre les parties; qu'elle avait donc méconnu la foi due à un acte authentique et formellement contrevenu à l'article 1154 du code civil; en second lieu, que la défense de l'article 1541 du code civil, d'admettre la preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, a moins pour but l'intérêt public que l'intérêt privé des parties; que celles-ci peuvent donc renoncer à une garantie que la loi leur offre; que l'ordre public n'est pas plus engagé lorsque le plaideur consent à s'en

malgré son à la déposition de témoins que lorsqu'il s'en rapporte à un arbitrage ou au serment de son adversaire; qu'il n'y a pas plus de motif d'autoriser le juge du fond à suppléer d'office le moyen dont il s'agit que celui tiré de la prescription; que la cour

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d'appel, en écartant d'office du débat une enquête à laquelle le défendeur avait consenti, avail non-seulement interprété faussement et violé l'article 1341 du code civil, mais qu'elle avait encore jugė ultra petita.

Dasnoy répondait

Réponse. l'arrêt attaqué ne fait que fixer le sens de la convention dont les termes avaient donné lieu à une contestation, et c'est la convention ainsi souverainement interprétée qui forme la loi des parties; le premier moyen n'est donc pas recevable; le second moyen doit également être repoussé par une double fin de la non-recevoir, puisque, en premier lieu, cour d'appel, loin de rejeter les enquêtes, les a au contraire appréciées, après avoir au préalable fixé le sens de la convention, et a décidé qu'elles ne prouvaient pas le seul fait qui fut pertinent au procès, à savoir, que le demandeur se serait écarté des limites fixées dans l'acte, et puisque, en second lieu, la même cour, en décidant qu'on ne pouvait admettre une preuve contre et outre le contenu aux actes, n'a pu contrevenir à l'article 1341 du code civil, le seul qu'on invoque à l'appui de ce moyen et qui proclame précisément le même principe; qu'en supposant gratuitement que la cour eùt fait à l'espèce une fausse application de cet article, cette fausse application ne suffirait pas, en l'absence d'un texte cité comme étant expressément violé, pour motiver la cassation de l'arrêt attaqué.

Le défendeur soutenait ensuite que les deux moyens étaient dénués de fondement, le premier, parce que l'arrêt attaqué, loin de méconnaître l'essence de la convention, ne fait que la reproduire dans des termes plus corrects et en déterminer le véritable sens; et le deuxième, parce que le défendeur au pourvoi, en ne s'opposant pas à la preuve par témoins qu'il aurait empiété sur la propriété du défendeur, n'avait nullement renoncé à invoquer le titre qui renferme la convention, ni subordonné ce titre à la preuve testimoniale, mais avait uniquement consenti à ce qu'on admit la preuve qu'en construisant le mur, il n'aurait pas suivi la direction indiquée dans l'acte.

Le défendeur ajoutait que le reproche fait à l'arrêt d'avoir jugé ultra petita ne pouvait donner lieu à cassation; qu'on n'indiquait, d'ailleurs, aucune disposition comme violée de ce chef, et qu'enfin ce reproche reposait sur une supposition erronée, le défendeur au pourvoi ayant formellement basé sa défense devant la cour d'appel sur la convention contenue dans l'acte de 1842.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen de cassation, déduit de la violation de l'article 1134 du code civil, en ce que la cour d'appel aurait méconnu la foi due au contrat en substituant, par suite d'une erreur matérielle, une convention différente à celle qui avait été arrêtée entre les parties :

Attendu que par l'acte notarié du 22 avril 1842, le demandeur a vendu au défendeur une parcelle de terrain pour établir une communication vers son moulin ;

Que les parties ayant été en désaccord sur les limites du terrain vendu, la cour d'appel a déterminé ces limites en combinant et en interprétant les diverses clauses de l'acte et en en reproduisant la substance d'une manière plus correcte;

Qu'elle n'a donc porté qu'une décision en fait qui échappe au contrôle de la cour de cassation.

Sur le second moyen, tiré de la violation et de la fausse interprétation de l'art. 1341 du code civil, en ce que l'arrêt attaqué écarte l'enquête qui a eu lieu, sous le prétexte qu'elle tend à prouver outre et contre le contenu à l'acte du 22 avril, quoique le défendeur eût consenti à cette enquête et qu'il soit loisible aux parties de renoncer à une mesure que l'article 1341 précité a introduite en leur faveur :

Attendu que l'action du demandeur tendait à ce que le défendeur fùt condamné à enlever une partie du mur qu'il avait construit sur la propriété de lui demandeur, et à le reconstruire dans les limites de son acte d'acquisition; que le défendeur ayant soutenu qu'il s'était conformé aux termes de l'acte de vente, le demandeur offrit la preuve, même par témoins, que celui-ci avait empiété de plusieurs mètres sur sa propriété; que c'est la preuve ainsi articulée que le tribunal de première instance a ordonnée du consentement du défendeur;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que le défendeur n'avait point consenti à soumettre à la preuve testimoniale l'objet même de la convention contenue en l'acte du 22 avril, mais uniquement le point de savoir si, en exécutant cette convention, il avait dépassé les limites qu'elle avait fixées ; que le second moyen manque donc de base en fait et qu'il est inutile de rechercher s'il est fondé en droit;

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux dépens, à une

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EXPLOIT.

VALIDITÉ.
NITÉ.

--

-

-

Pl. M. Dolez

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ACTION EN DÉSAVEU DE PATER-
TRIBUNAL COMPÉTENT.

1o Est nul l'exploit de signification de juge-
ment, fail à un domicile qui n'est pas celui
de la partie, encore bien que l'huissier, sur
le refus de la personne rencontrée à ce do-
micile de recevoir l'exploit, se serait trans-
porté dans la maison voisine pour se con-
former à l'art, 68 du code de procéd. civ.,
et dans laquelle la partie aurait conservé
son véritable domicile. (C. pr., art. 59, 68.)
20 L'action en désaveu doit être portée devant
le tribunal du domicile de l'enfant dés-
avoué, qui n'est autre que celui de son père,
et non devant le tribunal du domicile de la
mère ou du tuleur ad hoc (1). (Code civil,
art. 312, 318.)

(MOREAU,

C. PALMAERT, ÉPOUSE MOREAU
ET CONSORTS.)

Un jugement du tribunal de Hasselt du
20 mars 1850, confirmé par arrêt de la cour
d'appel de Liége, du 19 décembre mème an-
née, a prononcé la séparation de corps entre
Marcelin Moreau, domicilié à Saint-Trond, et
son épouse Rosalie Palmaerts.

Le 4 février 1852, celle-ci mit au monde un enfant du sexe féminin qui fut présenté à l'officier de l'état civil de Gand, et déclaré comme né de Marcelin Moreau et de son épouse.

Moreau désavoua l'enfant par acle extrajudiciaire du 26 février 1852; et par délibération du conseil de famille, réuni à cette fin devant le juge de paix du canton de SaintTrond, Isabelle Boonen fut nommée tutrice ad hoc pour défendre à l'action en désaveu.

L'action fut ensuite intentée devant le tribunal de Hasselt dont la mère de l'enfant et

() Voir dans ce sens Ducaurroy, Bonnier et Roustaing sur l'article 318, rapport de M. le conseiller Hardouin, arrêt du 14 fév. 1854 (Pasic., 1854, 1, 89.

la tutrice ad hoc déclinèrent la compétence, en soutenant que la mère de l'enfant avait transporté son domicile à Alken, arrondissement de Tongres, et que dans tous les cas le demandeur lui-même était domicilié à Bruxelles.

Le 29 juin 1853, le tribunal de Hasselt se reconnut compétent.

Sur l'appel de ce jugement, la mère et la tutrice ad hoc conclurent, devant la cour d'appel de Liége, à ce qu'il plût à la cour réformer le jugement à quo ; émendant, dire pour droit que pour fixer la compétence, il faut avoir égard au domicile de l'enfant, lequel se trouve au domicile de la tutrice ad hoc, sinon au domicile de la mère; dire et déclarer que le domicile de la tutrice ad hoc étant à Alken et celui de la mère également à Alken, le tribunal de Hasselt était incompétent; dire, dans tous les cas, que l'intimé n'était pas, lors de la demande, domicilié à Saint-Trond, et qu'à ce dernier point de vue le tribunal de Hasselt était encore sans compétence.

Le 7 décembre 1854, la cour a réformé le jugement de première instance, en décidant que l'enfant désavoué n'a pas son domicile légal chez le père qui le désavoue. Les motifs de l'arrêt sont rappelés, partie d'appel, 1855, p. 106.

Pourvoi par Marcelin Moreau : devant la cour de cassation s'est d'abord élevée la question de savoir si le pourvoi avait été fait en temps utile, ce qui dépendait de la validité de la signification de l'arrêt attaqué.

L'exploit de signification constatait que l'huissier s'est transporté à Saint-Trond dans une maison, rue des Vaches, qu'il a considérée comme le domicile ou dernier domicile de Marcelin Moreau : qu'il y a parlé à Mimie Decreeft, veuve d'Augustin Moreau, qui a refusé de recevoir l'exploit, et qu'ensuite il s'est présenté chez les deux voisins, notamment chez Henri Jagueneau, contrôleur des contributions.

Les défenderesses avaient déposé au greffe plusieurs pièces et notamment une déclaration du bougmestre de Saint-Trond, tendante à établir qu'à la date de la signification du 10 février 1835, le sieur Jagueneau habitait en effet la maison no 803, joignant la maison n° 804, habitée par la veuve d'Augustin Mo

Contra. Dalloz, Nouv. Répert., vo Paternité, no 166, p. 220; et cour de cassation de France, 14 février 1854, cit. supra.

reau; mais que Marcelin Moreau, résidant depuis 1849 dans la commune de Saint-Josseten-Noode, avait eu son habitation à SaintTrond, non au no 804, , habité par la veuve d'Augustin Moreau, mais au no 803, habité par le receveur Jagueneau que l'exploit indique comme étant le voisin.

De son côté, le demandeur soutenait que la signification de l'arrêt était entachée de nullité pour n'avoir été faite au véritable pas domicile. A l'appui du pourvoi, Moreau proposait un moyen unique de cassation, tire de la violation de l'article 512 du code civil, d'après lequel l'enfant conçu pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère; de la violation des articles 102, 103 et 108 du même code, qui déterminent le lieu où le mineur non émancipé a son domicile; et enfin de la violation de l'article 59 du code de proc. qui pose le principe actor sequitur forum rei.

Le demandeur cherchait d'abord à établir que d'après les articles 312, 315, 514 et 518 du code civil, la véritable partie défenderesse à l'action en désaveu n'est ni la mère de l'enfant ni la tutrice ad hoc, mais l'enfant lui-même que cette dernière est chargée de représenter. C'est donc, disait-il, devant le juge domiciliaire de l'enfant que l'action a dû être portée aux termes de l'article 59 du code de procédure.

Or, quel est le domicile de l'enfant? Il ne saurait être chez sa mère qui ne le représente même pas dans l'action en désaveu et qui est simplement présente aux débats, moins dans l'intérêt de l'enfant représenté par la tutrice ad hoc, que dans son propre intérêt.

Il ne saurait être davantage chez la tutrice ad hoc; puisque celle-ci a simplement la mission de défendre l'enfant, ce qui n'implique aucunement l'établissement légal d'un domicile spécial, distinct du domicile légal ordinaire, domicile spécial qui ne pourrait résulter que d'une élection de domicile, ou d'une disposition particulière de la loi qui fait défaut dans l'espèce.

La disposition générale de l'article 108 du code civil doit donc recevoir son application, tant que l'enfant se trouve protégé par la présomption de l'article 312, et tant que le désaveu n'est pas admis, le domicile de l'enfant mineur désavoué ne saurait être autre que le domicile de celui que la loi lui assigne pour père. C'est ainsi que la cour d'appel elle-même, par un précédent arrêt, avait validé la nomination de la tutrice ad hoc faile par un conseil de famille assemblé au lieu du domicile du demandeur.

Vainement la cour d'appel objecte-t-elle que par suite de son action même, le mari n'est pas recevable à invoquer la présomption de paternité pour soutenir que l'enfant désavoué aurait chez lui son domicile de droit. La présomption établie par la loi subsiste tant que le jugement intervenu n'aura pas exclu l'enfant de la famille : le demandeur ne fait que constater, en termes de défense, l'existence de cette présomption, et il le fait avec d'autant plus de raison que le désaveu a précisément pour objet de la faire disparaître.

Le demandeur ajoutait que cette doctrine est sans danger pour l'enfant désavoué, puisque le seul effet de ce domicile du père désavouant est d'attribuer compétence au tribunal dans le ressort duquel il se trouve : tous les actes de la procédure n'en devant pas moins ètre personnellement notifiés à la tutrice ad hoc; il concluait en conséquence à ce qu'il plut à la cour casser et annuler l'arrêt dénoncé, remettre les choses où elles étaient auparavant, etc.

-

Réponse. Les défenderesses soutenaient d'abord que le pourvoi devait être déclaré tardif et non recevable aux termes de l'art. 4 du règlement de 1813; passant ensuite à l'examen du fond, elles disaient que l'établissement du domicile de l'enfant mineur au domicile de son père est un résultat de la paternité légitime, mais que lorsque le père a formé le désaveu, ce domicile, conséquence de la filiation paternelle, n'existe plus. C'est en effet une erreur manifeste, selon les défenderesses, de dire que la présomption de l'article 512 reste debout avec tous ses effets légaux, tant que la légitimité de l'enfant n'a pas été détruite par un jugement coulé en force de chose jugée peut-être les tiers seraient-ils au besoin recevables à s'étayer de cette présomption, mais entre parties dans les rapports de père désavouant à l'enfant désavoué, il ne peut en être ainsi le demandeur en désaveu surtout n'est pas recevable à l'invoquer car d'un côté, par son action même, il répudie la paternité de l'enfant, et de l'autre, il la revendiquerait ou, ce qui est la même chose, il élèverait une prétention qui implique nécessairement sa qualité de père. Du moment que le désaveu est formé, la qualité de père devient chose litigieuse, et aussi longtemps que le procès n'est pas vidé, tout demeure comme en suspens, et il y a véritablement, au point de vue de la paternité et de la filiation, absence provisoire d'état.

Si l'état de père et d'enfant est en suspens,

:

il doit en être de même de ce qui n'est que la conséquence de cet état la puissance paternelle sera effacée ainsi que tous les droits et obligations qui en résultent, et l'enfant cessera d'avoir son domicile légal chez le père désavouant. Dès lors, pour fixer le domicile de l'enfant, il faut faire abstraction de la paternité : l'enfant conserve-t-il sa mère? c'est elle qui lui a donné le jour, c'est elle qui pourvoit à sa subsistance et à son entretien; c'est elle qui de fait remplace le père dans l'exercice de la puissance paternelle; on dira, dès lors, par application de l'art. 108, § 2, du code civil, que l'enfant sera domicilié chez sa mère.

M. l'avocat général Delebecque a dit : Dans une action en désaveu de paternité, c'est l'enfant dont on conteste l'état qui se trouve en cause.

La mère doit intervenir au débat; on nomme à l'enfant désavoué un tuteur ad hoc, mais pourquoi?

Si les travaux préparatoires du code sont restés muets à cet égard, aucun auteur ne nous semble avoir aussi bien que Demolombe donné la raison des prescriptions de la loi, quant il dit, t. III, édit. belge, p. 57, no 165 :

« La mère de l'enfant dont on attaque « l'état devait être nécessairement appelée à «ce procès; son honneur y est intéressé; et sa tendresse maternelle doit vouloir con<< server à son enfant tous les avantages que « lui assurait sa naissance. Ajoutez enfin que < personne n'est plus à portée que la mère de fournir tous les renseignements à la « défense, et d'établir ses relations avec le mari à l'époque de la conception.

Toutefois, il ne convenait pas non plus «que la mère seule fût exclusivement chargée de la défense de l'enfant, surtout lors<que c'est le mari qui le désavoue.

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« Placée sous son autorité, elle pouvait < n'avoir pas toute la liberté nécessaire à « cette défense.

Coupable, elle pouvait chercher à obtenir le pardon ou l'indulgence aux dépens « de l'enfant et par le sacrifice de son état. << Voilà pourquoi on a voulu qu'un tuteur

« ad hoc fût aussi nommé pour défendre, « au nom de l'enfant, à cette action. »

Cette nomination nécessaire d'un tuteur ad hoc n'est pas une innovation; à la vérité, on n'y avait pas toujours recours dans l'ancienne jurisprudence française. On y remarque, en effet, que les actions en désaveu prenaient cours, presque toujours incidemment, à la suite d'une plainte en adultère dirigée contre la mère, ou à l'occasion d'une réclamation de succession (1). Parfois cependant on désignait à l'enfant un tuteur (2), c'était même la règle commune.

Quoi qu'il en soit de l'origine de notre article 518, il est inutile d'insister sur cette proposition que c'est l'enfant même qui est partie principale au procès (3).

Le principe général en matière de compétence, c'est que l'enfant, comme toute partie défenderesse, doit être cité à son domicile, ajourné au tribunal de son domicile. Actor sequitur forum rei (4).

Où est donc le domicile de celui qui est né depuis la séparation de corps de sa mère d'avec celui qui en est réputé le père?

Par la séparation de corps, la femme séparée n'a plus le domicile conjugal. Mais l'enfant qui naît de cette femme a-t-il le domicile maternel?

Nous disons, avec Demolombe (5), que la femme séparée n'a plus le domicile de son mari, quoique la question soit controversée. Mais on résolvait ainsi la question avant le code (6). L'article 108 du code civil, qui n'est que la conséquence des articles 102 et 214, semble sans application quand ces art. 102 et 214 sont eux-mêmes inapplicables. Nous supposons donc que la mère séparée de corps d'avec son mari a un domicile à elle propre et spécial. En effet, si la puissance maritale continue à subsister, quant aux intérêts pécuniaires de la femme, elle n'a plus d'existence en tout ce qui tient à la cohabitation, au domicile commun. La conservation du domicile chez le mari ne serait plus qu'une fiction, ce qu'on ne peut facilement admettre.

L'enfant qui naît d'une femme séparée de corps ne nait donc pas au domicile du mari; mais ce fait de la naissance en dehors du

(1) Arrêts des 9 mai 1695, 1er décembre 1701 et 29 févr. 1712; Journ, des audiences, t. 6, liv. II, chap. 7; t. 5, liv. Ier, chap. 48.

(2) Arrêt du 15 juin 1693; ibid, t. 4, à sa date. Guyot, vo Légitimité, in-4o, p. 596, col. 1re, in fine, où il cite l'avocat général de Lamoignon.

(3) Leg. 1, 2, 5, Cod., ubi causa status agr debeat.

(4) Duranton, t. 2, édit. belge, no 197. (5) T. 1. édit. belge, p. 181, no 558. (6) Pothier. Introd, générale aux cout., no 10; Bouhier sur Bourgogne, ch. 22, no 201.

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