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« M. de Cambray sait bien que je n'ai jamais accepté cette offre : et moi, dit-il, je déclare qu'il l'a acceptée. » Voilà un démenti bien formel je le mérite, s'il dit la vérité. Il ajoute que j'ai été infidèle à l'inviolable secret d'une confession générale: puis frappé d'une accusation aussi visiblement fausse (car il faut bien que je m'explique en termes précis), il biaise à son ordinaire, et il parle ainsi : « M. de Meaux a gardé quelque temps mon écrit. » On ne se confesse point par écrit: mais on pourra croire qu'il m'a laissé en se confessant ou l'écrit de sa confession, ou du moins quelque écrit d'un pareil secret : il n'ose le dire, quoiqu'il tàche de le faire entendre. Est-il permis de donner de telles idées et d'articuler de tels faits?

14. Quand il avoueroit à présent qu'en effet je ne l'ai jamais confessé, en disant qu'il m'a confié comme à un confesseur un écrit qu'il appelle une confession générale, la vérité s'y oppose: je n'ai reçu de lui en particulier aucun écrit quel qu'il soit : tous les écrits qu'il m'a donnés m'ont été communs avec ceux qu'il avoit mis dans l'affaire à une allégation sans preuves j'oppose un simple déni, et la gravité de la chose m'oblige à le confirmer par serment Dieu est mon témoin, c'est tout dire.

15. S'il veut après cela nous avoir donné à tous un écrit de même secret qu'une confession générale, je n'ai rien à dire, sinon ce qui est porté dans ma Relation, que, s'il y a quelque chose de cette nature, « il est oublié, et il n'en sera jamais question. »

16. M. de Cambray soutient que parler ainsi, c'est trop parler d'une confession: cela est visiblement outré. Quand ce prélat se seroit confessé à moi, et que je l'aurois avoué, ce qui n'est pas, c'est autre chose d'avouer une confession, autre chose d'en violer le secret.

17. Mais pourquoi ai-je parlé de confession? Je l'ai dit dans la Relation1 je le répète : c'est qu'on répandoit dans le monde, et les témoins que j'en puis donner sont irréprochables, que la manière dont nos articles ont été signés, étoit un secret que nous nous étions donné les uns aux autres sous le sceau de la confession. Je voulois aller au-devant d'un tel discours, et de toute autre 1 Relat., IIIe sect., n. 13.

semblable idée; et l'accusation sérieuse qu'on me fait encore aujourd'hui sur le secret de la confession, montre trop que ma précaution étoit nécessaire.

18. Je promets, dit-on, d'oublier tout: non, je ne dis pas ce qu'on me fait dire, j'oublierai, comme si dans le temps présent j'en avois quelque souvenir : je dis sans rien assurer, que s'il y a eu dans nos conversations ou dans nos écrits quelque chose qu'on se soit donné les uns aux autres sous le sceau de la confession, il est oublié de ma part: est-ce trop parler, et peut-on fonder sur ces paroles une accusation capitale?

19. Mais je laisse entendre que j'avois quelque chose à dire qui m'avoit été confessé sur le quiétisme, matière si importante et si compliquée; on ose ajouter que je me fais un mérite de n'en parler pas. Non, encore un coup: je n'ai pas dit un seul mot du quiétisme; je parle à l'occasion du petit mystère, sur la façon dont les Articles d'Issy furent signés entre nous, et il ne s'agit ni directement ni indirectement du quiétisme.

20. Mais je parle, dit-on, de ce qui pouvoit regarder les dispositions intérieures de M. de Cambray comme de chose oubliée : c'est que ce prélat avoit dit dans la lettre que j'ai rapportée pour d'autres fins, qu'il offroit de me confesser tout ce qui regardoit son intérieur : mais d'étendre jusqu'au quiétisme, à des crimes, ou à des erreurs, une expression aussi vague et aussi générale que celle de dispositions, qui comprend indifféremment tout le bien et tout le mal, et sur laquelle encore je n'assure rien, c'est empoisonner les paroles les plus innocentes, et proprement me rendre coupable sur un sujet capital sans le moindre indice.

21. En un mot, j'ai voulu qu'on sùt que s'il se trouvoit quelqu'un assez injuste pour me soupçonner de me servir contre M. de Cambray de la confession qu'il disoit qu'il me vouloit faire, et que j'avois refusée, c'est à quoi je ne songeois pas à Dieu ne plaise on voit d'où j'ai tiré mes preuves, et qu'on tenteroit en vain de me les ôter sous prétexte d'une confession générale qu'on prétendroit m'avoir faite.

22. Quand après cela M. de Cambray me fait rompre le sceau 1 Lett. de M. de Cambray, Relat., IIIe sect., n. 4.

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sacré de la confession par un sacrilege punissable, s'il l'a prouvé, qu'on me châtie: s'il avance témérairement un tel fait contre un évêque son consécrateur, qu'il s'humilie une fois c'est tout ce que je lui demande : qu'il avoue qu'il est entraîné par la rapidité de son éloquence: qu'il ne vante plus sa modération et sa douceur : « on n'a guère de peine, dit-il, à être doux, quand on sait qu'on ne défend que la vérité 1. » C'est ce qui nous force à lui répliquer que ce n'est donc pas la vérité qu'il défend, puisqu'il se laisse emporter sans le moindre fondement, et avec les exagérations les plus injustes, aux accusations les plus atroces.

§ IV. Sur les procédés : qui a commencé?

M. DE CAMBRAY.

23. Tout le monde est étonné de voir M. de Cambray nous faire les agresseurs sur le récit des procédés : voici les paroles de son avertissement : « Qui est-ce qui force M. de Meaux à déclarer tout? J'ai toujours borné la dispute aux points dogmatiques; et malgré mon innocence, j'ai toujours craint des contestations de faits, qui ne peuvent arriver entre des évêques sans un scandale irrémédiable 2. »

RÉPONSE.

24. Nous lui montrerons bientôt que son procédé concernant madame Guyon, que nous sommes enfin contraints de découvrir à toute l'Eglise, influe dans le fond: mais en attendant, peut-il dire qu'il a toujours évité de former par les procédés entre les évêques des contestations scandaleuses? C'étoit sans doute un procédé qu'il racontoit, quand il reprochoit à M. l'archevêque de Paris l'examen et l'approbation du livre qu'il a condamné, et il savoit bien que ce prélat avoit nié cent fois les faits qu'il avance. A-t-il évité cette contestation, et ne l'a-t-il pas au contraire poussée à bout dans sa première lettre à cet archevêque 3? ne finit-il pas cette même lettre par un procédé si faussement allégué, qu'il l'a supprimé lui-même en d'autres de ses écrits, comme il en

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demeure d'accord par deux fois dans sa Réponse1? La première lettre qui m'est adressée est conclue par le même fait, dont il sait bien en sa conscience que nous sommes bien éloignés de pouvoir demeurer d'accord.

25. Il oublie qu'il a déclaré notre procédé si odieux, que l'histoire, si on la faisoit, ne trouveroit point de créance parmi les hommes en sorte qu'il valoit mieux en ôter la connoissance au public. Qu'il me permette de lui rendre ici les propres paroles dont il s'est servi contre moi : « Ce silence dont M. de Meaux se vante, est cent fois pire que la révélation du secret qu'il fait semblant de cacher. » Que n'a-t-il pas dit de mon procédé avec madame Guyon, à qui il m'accuse d'avoir donné les sacremens contre toute règle ? N'étoit-ce pas un procédé bien essentiel? Passons mon hypocrisie, mes larmes trompeuses pour le déchirer plus sûrement et le reste, que le lecteur pourra voir au commencement de ma Relation: n'étoit-ce pas un procédé des plus odieux qu'il m'imputoit? Ainsi nous ne faisons que répondre: c'est lui qui nous fait les agresseurs contre la vérité du fait: dans son intérêt il fait valoir « la réputation si nécessaire à un évêque pour l'exercice de son ministère : » cependant il veut, tant il est injuste, avoir pu impunément attaquer la nôtre et encore nous ôter les justes défenses qu'il nous a lui-même fournies.

§ V. Sur les Lettres.

M. DE CAMBRAY.

4

26. « M. de Meaux a recours à tout ce qu'il y a de plus odieux... Le secret des lettres missives n'a plus rien d'inviolable pour lui... Il fait inutilement ce qu'il n'est jamais permis de faire contre son prochain. » C'est ce qui revient à toutes les pages, et on allègue partout « la loi inviolable des lettres missives et des mémoires secrets » ·

1 Rép. à la Relat., chap. VII, p. 138. M. de Cambray, Relat., 1re sect., n. 3. à la Relat., Avert., p. 10. Voy. ci-dessus, p. 70.

2 Rép., chap. II, p. 51. 3 Mém. de
Lett. à M. de Paris, p. 55.
5 Rép.

§ 3.

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Rép., chap. 11, 3o obj., n. 6,

RÉPONSE.

27. Je lui réponds: Le Mémoire que j'ai imprimé n'a jamais été donné comme un secret. C'est la plus fine apologie que M. de Cambray ait jamais pu faire à son avantage : si elle se tourne contre lui, c'est par la règle commune, que tout ce qu'inventent pour leur défense ceux qui s'opposent à la vérité, leur tourne à condamnation. Il n'y a donc pas la moindre ombre de violation du secret dans l'impression de ce Mémoire, qui décide tout.

28. Au surplus dans une histoire suivie, telle qu'est celle de nos examens et de tous nos procédés, il falloit aller à la source, et faire connoître notre accusateur; convaincre de faux ce qu'il a dit étant fàché, par ce qu'il a reconnu avant que de l'être : c'est ce qui nous a fait opposer ses lettres à ses livres, dès le commenment de cette dispute. Afin de remuer en sa faveur le ressort de la compassion, il s'est donné pour persécuté, et ses confrères pour persécuteurs, pendant qu'ils ne faisoient autre chose que de déclarer leur pensée sur un livre dont on les faisoit garans : et il ne veut pas qu'il leur soit permis de montrer par son propre aveu qu'ils n'ont eu ni l'esprit ni le procédé de persécuteurs de leur frère? Mais lui-même, qui veut paroître si scrupuleux sur le secret des lettres missives, m'a-t-il demandé ma permission pour publier celle où je lui dis: «Je vous suis uni dans le fond avec le respect et l'inclination que Dieu sait: je crois pourtant ressentir encore je ne sais quoi qui nous sépare encore un peu, et cela m'est insupportable 1. » Cette lettre est de confiance comme les autres, sur la matière de nos examens visiblement elle est écrite après la signature des Articles, et on voit que je lui insinue le plus doucement que je puis la peine qui me restoit sur le cœur il est aisé de la deviner : mais quoi qu'il en soit, c'est là une lettre sur mes sentimens secrets qu'il a révélée, pour en tirer avantage contre moi-même. Il ne sert de rien de répondre que j'ai commencé mon exemple, s'il étoit mauvais, ne l'autorisoit pas à faillir mais c'est qu'il sait en sa conscience que le secret de lettres missives comme celui de certains discours, est sujet 1 Rép. à la Relat., chap. 11, 2e obj., p. 54.

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