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COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des app. musulm.).

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En matière musulmane, il appartient à la Cour de relever une partie de la déchéance d'appeler par elle encourue, lorsque celle partie justifie qu'il lui a été impossible de déclarer son appel dans le délai fixé par la loi (1).

Une femme est fondée à refuser l'habitation de son mari, indigène musulman, tant que son mari ne lui en offre pas une autre que celle qu'il partage avec ses parents et où elle est exposée à voir troublée la paix de son ménage.

FATHMA BENT MOHAMED BEN KADDOUR C. MOHAMED BEN EL MILOUD.

Par jugement du 19 septembre 1880, le cadi, faisant droit à la demande de Mohamed ben El Miloud, condamnait la femme de ce dernier, Fathma bent Mohamed, qui avait quitté le domicile conjugal, à retourner chez son mari et à résider avec lui là où il habite, sans avoir égard aux prétentions de la femme qui objectait ne pouvoir accepter la présence du père et de la mère de son mari dans l'habitation qu'elle devait partager avec celui-ci. Fathma interjeta appel de ce jugement, mais seulement à la date du 8 novembre 1880. Devant la Cour, elle exposa que son état de maladie ne lui avait pas permis d'interjeter appel dans le délai légal et demanda à être relevée de la déchéance. Au fond, elle concluait à l'infirmation du jugement, faisant remarquer qu'on ne pouvait lui imposer l'obligation d'habiter avec le père et la mère de son mari.

La Cour a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'il appartient à la Cour de relever une partie de la déchéance d'appeler par elle encourue, lorsque cette partie justifie qu'il lui a été impossible de déclarer son appel dans le délai fixé par la loi;

Attendu qu'il résulte des faits constatés à son audience que, pendant les semaines qui ont suivi le jugement du 19 septembre 1880, Fathma bent Mohamed s'est trouvée dans un état de maladie qui ne lui a pas permis de s'occuper du litige qui existait entre elle et son mari; que c'est donc le

(1) Cpr. Alger, 4 avril 1881 (Bull. jud., 1882, p. 157); 14 novembre 1881 (Bull. jud., 1882, p. 44).

cas pour la Cour de recevoir l'appel, bien qu'il n'ait été déclaré que le 8 novembre 1880;

Au fond: Attendu qu'il résulte des débats qui ont eu lieu devant la Cour que le mari de Fathma habite avec ses parents dans un enclos de peu d'étendue et qu'alors même qu'on y construirait un gourbi spécial pour la recevoir avec son époux, elle ne serait pas moins exposée qu'aujourd'hui à voir troublée la paix de son ménage; qu'il est donc évident qu'elle est fondée à refuser de partager l'habitation de son mari tant que celui-ci ne lui en offrira pas une en dehors de l'enclos où il habite aujourd'hui avec son père et sa mère;

:

Par ces motifs - Reçoit l'appel; - Confirme le jugement déféré, mais en tant seulement qu'il condamne en principe Fathma bent Mohamed à retourner chez son mari; - L'infirme pour le surplus et dit que Fathma ne sera tenue de le faire qu'autant que Mohamed ben El Miloud lui offrira un logement situé en dehors de l'enceinte où habitent ses parents; Condamne Mohamed ben El Miloud aux dépens.

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Lorsqu'une partie a avoué dans un interrogatoire qu'elle a touché une somme d'argent réclamée par l'autre partie, mais qu'elle l'a reçue comme propriétaire de biens vendus, les juges peuvent diviser son aveu, si sa prétention d'avoir été propriétaire des biens vendus est démentie par des actes authentiques, par ses agissements et par un écrit émané d'elle (1);

Dans ce cas, en dehors de l'aveu, les juges peuvent d'ailleurs se baser sur un commencement de preuve par écrit et sur un ensemble de circonstances graves, précises et concordantes pour décider que la partie a réellement reçu le prix de vente dont il s'agit; en statuant ainsi, ils ne violent nullement l'article 1356, §3 du Code civil (2).

GROS C. BOULEYN.

Le 24 mars 1881, arrêt de la Cour d'Alger ainsi conçu :

Au fond:

Attendu que dans la requête adressée à M. le président du tribunal (1-2) Cpr. Cass., 12 décembre 1881 (Bull. jud., 1882, p. 112); Alger, 6 mars 1882 (Bull. jud,, 1882, p. 199).

civil d'Alger, pour être autorisée à faire opérer des saisies-arrêts, la dame Bouleyn a exposé qu'elle était créancière de Gros de la somme principale de 52,000 francs provenant, 4,000 francs de la vente de son mobilier; 22,000 francs de la vente de la propriété de la Blancarde, et 26,000 francs de la vente de titres de rente et de valeurs de bourse; Attendu que des saisies-arrêts ont été pratiquées en vertu de l'ordonnance du président mise au pied de la requête, et jusqu'à concurrence de la somme principale de 52,000 francs entre les mains de la banque de l'Algérie et du sieur Guieux, suivant exploit de Daube, huissier à Alger, en date du 13 décembre 1878; Attendu que le tribunal civil d'Alger a, par le jugement attaqué (du 22 avril 1880) déclaré que la dame Bouleyn n'était point créancière de Gros, et a fait main-levée des saisies-arrêts dont s'agit;

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Attendu qu'il résulte d'actes authentiques que la dame Bouleyn a acheté en son nom personnel le domaine de la Blancarde, à Marseille, en 1868, et qu'elle l'a revendu, en 1872, à un sieur Agnély, moyennant le prix principal de 22,000 francs; que, le 1er septembre 1873, elle a acheté, également en son nom personnel, la propriété de Belle-Tête, sise à El-Biar, moyennant la somme de 25,000 francs dont 5,000 francs payés comptant et le surplus à terme rapproché; que la dame Bouleyn, nantie de titres authentiques, faisant foi de leur contenu, n'avait pas à justifier de l'origine des sommes à l'aide desquelles elle s'est libérée; que cependant elle établit, par deux actes passés le 1er septembre, 1873 devant deux notaires d'Alger, qu'elle a donné procuration à l'effet de vendre deux titres de rentes françaises nominatives, l'un de 120 francs 5 p. 100, et l'autre de 500 fr. 3 p. 100, et qu'elle a de plus fait vendre à la bourse de Marseille, en juin 1873, des obligations des docks de Marseille qu'elle avait achetées l'année précédente; qu'il est donc incontestable que l'appelante était bien seule propriétaire de la campagne d'El-Biar; que Gros l'a du reste reconnu en se faisant consentir par la dame Bouleyn une affectation hypothécaire de cet immeuble suivant acte reçu par M° Favereau, notaire à Alger, le 18 juillet 1876, et ce pour lui garantir une créance de 50,000 francs constatée par un autre acte du même notaire dressé à la date du 29 novembre 1875; Attendu que l'appelante a vendu la campagne dont s'agit moyennant la somme de 40,000 francs payée comptant, aux termes d'un acte reçu par Me Lebailly, notaire à Alger, le 19 juin 1877; qu'elle a également vendu au prix de 2,400 francs le mobilier qui garnissait la maison; Attendu qu'il est constant par tous les faits de la cause, ainsi que l'a reconnu le jugement attaqué, que Gros a touché ces deux sommes; qu'il en a déposé une partie, soit 30,000 francs, en son nom personnel, à la banque de l'Algérie, au mois de septembre 1877; qu'il est parti précipitamment d'Alger en octobre 1878; que la dame Bouleyn est restée sans ressources et que, sur les réclamations qu'elle lui a adressées, il lui a écrit de Marseille le 26 octobre 1878, en lui recommandant de ne pas exagérer ses prétentions, reconnaissant, du reste, qu'elle possède un petit capital, et s'engageant à régler avec elle, et même à lui payer ce qui lui revient, si elle quitte Alger ; que du reste l'intimé n'eût pas manqué, si le prix de la maison et du mobilier n'avait pas été versé entre ses mains, de mettre à exécution les stipulations contenues dans l'obligation à lui consentie le 29 novembre 1875 et réclamer les 50,000 francs portés audit acte; - Attendu que Gros a reconnu, dans son interrogatoire sur faits et articles du 12 juin 1879, qu'il avait réellement touché la presque totalité des sommes dont il s'agit, soit 41,980 francs au lieu de 42,400 francs, mais qu'il a ajouté qu'il l'avait reçue comme propriétaire de la maison et du mobilier vendus, et qu'il oppose aujourd'hui l'indivisibilité de son aveu; - Attendu que la prétention de Gros d'avoir été propriétaire de la campagne d'El-Biar est démentie par des actes authentiques, par ses agissements et par sa lettre susrelatée du 26 octobre 1878; qu'au surplus, la Cour trouve dans la lettre ci-dessus un commencement de preuve par écrit, et dans un ensemble de circonstances graves, précises et concordantes la preuve, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux témoignages offerts, que Gros a réellement reçu le prix de vente de la maison d'El-Biar et du mobilier qui la garnissait;

Par ces motifs : - Dit qu'il a été mal jugé, bien appelé ; Infirme, et, statuant à nouveau, déclare Gros débiteur de la dame Bouleyn de la somme principale de 42,400 francs pour les causes susénoncées; Le condamne en conséquence à lui payer ladite somme avec intérêts de droit du jour de la demande ; · Valide les saisies-arrêts, etc.

-

Sur le pourvoi du sieur Gros, pour violation de l'article 1356, paragraphe 3 du Code civil, arrêt de la cour de Cassation:

Sur le moyen unique, tiré de la violation du paragraphe 3 de l'article 1356 du Code civil: Attendu qu'un aveu peut être divisé lorsqu'une

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partie de cet aveu est reconnue fausse;

Attendu que l'arrêt attaqué déclare que Gros a avoué dans son interrogatoire qu'il avait réellement touché la presque totalité de la somme réclamée par la demoiselle Bouleyn, mais qu'il l'avait reçue comme propriétaire de la maison et du mobilier vendu; que sa prétention d'avoir été propriétaire de cette maison et de ce mobilier est démentie par des actes authentiques, par ses agissements et par la lettre écrite, le 26 octobre 1878, par Gros à la demoiselle Bouleyn; Attendu, d'ailleurs, qu'en dehors de l'aveu, l'arrêt attaqué pour décider que Gros a réellement reçu le prix de vente dont il s'agit, se base sur un commencement de preuve par écrit résultant de la lettre du 26 octobre 1878 précitée, et sur un ensemble de circonstances graves, précises et concordantes; qu'en statuant ainsi, cet arrêt n'a nullement violé l'article de la loi visé dans le moyen de cassation; Par ces motifs : Rejette.

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Formation.

Créance née antérieurement contre un assoProfit procuré à la société. Défaut d'action contre le

coassocié.

Ceux qui contractent n'ont d'action que contre ceux avec lesquels ils ont contracté et non contre les tiers qui ont pu bénéficier d'un contrat auquel ils sont demeurés étrangers;

En conséquence, un associé ne peut être actionné en payement du prix de fournitures faites à son associé avant la formation de la société qu'ils ont contractée, alors même qu'il serait constant que lesdites fournitures auraient été versées dans l'actif de la societé et que celle-ci en aurait profité.

SOCIÉTÉ DES CHAUX DE L'HOMME-D'ARMES C. BLANCHET et GALOFFRE.

Attendu que Galoffre ne comparaît pas, bien que dûment réassigné; — Qu'il y a lieu, adjugeant le profit du défaut du 22 octobre 1881, de statuer définitivement à l'égard de toutes les parties;

Au fond - Attendu qu'aux termes de son exploit introductif d'instance et de ses conclusions prises en appel, la Société anonyme des chaux éminemment hydrauliques de l'Homme-d'Armes demande que Blanchet et Galoffre soient tenus solidairement de lui payer la somme de 4,267 fr. 75, se composant 1° De celle de 2,772 fr. 75, solde du prix de fournitures de chaux et ciments par elle faites à Galoffre seul, antérieurement au 24 novembre 1877, date de la formation de la société que celui-ci a contractée avec Blanchet; 2° De celle de 1,495 francs, solde du prix de fournitures de chaux et ciment par elle faites à la société Blanchet et Galoffre, postérieurement au 24 novembre 1877;

Attendu que Blanchet se refuse à payer les fournitures faites à Galoffre antérieurement au 24 novembre 1877; Qu'il offre, au contraire, comme ill'a déjà fait devant les premiers juges, de payer la somme de 1,495 francs, solde du prix des fournitures faites à la société Blanchet et Galoffre postérieurement au 24 novembre 1877;

-

Attendu qu'il n'est pas établi par l'enquête que les chaux et ciments vendus et livrés par l'appelante à Galoffre seul antérieurement au 24 novembre 1877, aient été versés par celui-ci dans l'actif de la société Blanchet et Galoffre, lors de la formation de cette société; Qu'il n'est pas davantage établi] par l'enquête que ces chaux et ciments aient été employés à la construction des écoles Saint-Félix et que la société Blanchet et Galoffre en ait ainsi bénéficié; - Qu'il résulte, au contraire, des témoignages produits dans l'enquête que les chaux et ciments fournis par l'appelante à Galoffre antérieurement au 24 novembre 1877 ont été emmagasinés dans le chantier de celui-ci situé rue d'Arzew à Oran, et non dans le chantier établi par Blanchet et Galoffre près des écoles Saint-Félix, après l'adjudication tranchée en leur faveur; - Qu'il résulte également des témoignages de l'enquête que ces chaux et çiments ont servi à confectionner des blocs artificiels que Galoffre préparait en vuc de l'hypothèse qu'il demeurerait adjudicataire des travaux des écoles Saint-Félix, mais qui ont été refusés pour la plus grande partie lorsqu'il a voulu les mettre en œuvre dans la construction dont il a soumissionné l'entreprise dans la caution de Blanchet; - Qu'il est dès lors sans importance dans la cause que Blanchet ail ou non touché la totalité des sommes dues par la commune d'Oran à la société Blanchet et Galoffre, à raison de la construction des écoles Saint-Félix; Que cette circonstance n'est d'ailleurs pas établie par l'enquête, le receveur municipal déclarant que le premier payement qu'il a effectué a été fait par lui entre les mains de Galoffre;

Attendu, au surplus, qu'alors même qu'il serait constant que les fournitures faites par l'appelante à Galoffre antérieurement au 24 novembre 1877 auraient été versés par celui-ci dans l'actif de la société Blanchet et Galoffre, que cette société en aurait profité, il ne s'ensuivrait pas que la société Blanchet et Galoffre et, par suite, Blanchet fussent obligés de lui tenir compte du solde du prix de ces fournitures, le profit qu'ils en auraient

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