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domicile du mari ne suffit pas pour établir que cet enfant n'aura pas pour domicile légal le domicile paternel.

En effet, la séparation de corps n'est pas une des causes de la dissolution du mariage; elle n'empêche donc pas la présomption de paternité écrite dans l'art. 512; seulement elle rend plus admissible l'action en désaveu de paternité.

Il est incontestable que tant que l'enfant n'est pas désavoué, il est présumé appartenir au mari. La règle pater is est exerce alors son empire dans toute sa plénitude.

. Lors donc que nous rencontrons dans l'arrêt attaqué la proposition suivante : «< Considérant qu'à la vérité, la séparation de corps ne dissout pas le mariage, mais qu'elle rompt les rapports de cohabitation et de communication, sur lesquels est fondée la présomption de paternité... » nous ne pouvons accueillir cette proposition comme l'expression de la vérité : elle se réduit en effet à contester l'existence de la présomption de paternité dès qu'il y a séparation de corps; or, cela est évidemment inadmissible. La présomption reste debout avant le désaveu et pendant la procédure en désaveu: c'est ce qui fait dire à Dalloz (Nour. Rép., vo Paternité, no 162, in fine) : « L'enfant né ou conçu dans le mariage est en possession de la légitimité, et les parents paternels sont présumés ses parents tant que le jugement INTERVENU Sur l'action en désaveu ne l'aura point exclu de la famille. » La présomption de paternité devient juris et de jure après l'expiration des délais dans lesquels le désaveu doit être exercé.

La question se réduit donc à savoir si, après le désaveu dénoncé par le mari, la présomption de paternité existe encore: c'est là la question que la cour d'appel avait à résoudre, et à cet égard elle se borne à dire : «L'intimé par son action en désaveu affaiblit de plus en plus cette présomption. »

Si la présomption est affaiblie, nous comprenons fort bien qu'on parvienne plus facilement à la détruire; mais tant qu'elle n'est pas détruite par la justice qui prononce sur le désaveu, la présomption ne subsiste-t-elle pas? C'est là le seul point à examiner.

Il est incontestable que la présomption subsiste, et cela est démontré par la combinaison des art. 108, 312 et 316.

Le fils mineur non émancipé a son domicile chez son père, parce que le père a l'obligation de le nourrir et de l'élever, parce qu'il a le droit de diriger son éducation : ce

domicile, de droit, est une des conséquences de la puissance paternelle exercée conformément à l'art. 375.

Si les effets de la puissance sont suspendus en ce sens que le père désavouant ne peut en revendiquer l'exercice, parce qu'il se mettrait en contradiction avec lui-même, il n'en est pas de même pour l'enfant qui lui, pourrait les réclamer, notamment quant à la compétence.

L'état de l'enfant est attaqué, contesté; mais cet état subsiste cependant jusqu'à ce qu'il ait été détruit par justice. Seulement pendant le procès il est mis en suspens. Si l'action en désaveu tombait en péremption. elle serait censée n'avoir jamais été intentée et n'aurait produit aucun effet.

Aussi lisons-nous dans Dalloz, Nouveau Rép., vo Paternité, no 161 : « On comprend facilement que la loi ait prescrit la nomination d'un tuteur ad hoc à l'enfant, si le mariage existe encore, puisque alors le mari, SON REPRÉSENTANT LÉGAL, se trouve être son adversaire... »

Il fallait donc une exception, écrite dans la loi, pour que l'on ne subit pas les conséquences de la présomption de paternité, d'où dérive pour l'enfant le domicile de droit conformément à l'art. 108.

Mais convenait-il au législateur de consacrer cette exception, d'exiger ainsi que l'action en désaveu fut intentée et poursuivie ailleurs que devant le juge du père désavouant?

Une femme a quitté le domicile conjugal; elle a vécu à cent lieues de distance du mari, en pays étranger. si l'on veut. Elle a mis au monde un enfant que le mari entend désavouer en prouvant qu'à raison de l'éloignement, il a été dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme!

Comment fera-t-il cette preuve?

En établissant qu'il n'a pas quitté son domicile; en mettant sa femme au défi d'établir qu'il aurait été la rejoindre dans le temps fixé à l'art. 312. Le premier élément de sa preuve directe dépend donc de témoignages à prendre dans le lieu qu'il habite. Les convenances exigeaient, comme on s'en aperçoit, que la procédure se fit devant le juge du domicile marital.

Et ce que nous venons de faire observer est encore plus saillant, s'il s'agit de prouver que le mari, par l'effet de quelque accident, a été dans l'impossibilité de cohabiter avec sa femme.

Les convenances s'opposaient donc à ce

que l'on consacrât dans la loi, quant à la compétence, une exception aux principes du droit commun.

ARRÊT.

LA COUR; Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi et tirée de ce qu'il aurait été formé plus de trois mois après la notification de l'arrêt contre lequel il est dirigé :

Attendu que l'exploit de notification de l'arrêt attaqué, fait le 10 fév. 1854, constate que l'huissier s'est d'abord transporté dans une maison rue des Vaches, à Saint-Trond, qu'il indique comme étant le domicile ou le dernier domicile du sieur Marcelin Moreau, y parlant à la dame veuve d'Augustin Moreau, laquelle a refusé de recevoir l'exploit: que sur ce refus, l'huissier s'est présenté chez les voisins et notamment chez le sieur Jagueneau, contrôleur des contributions;

Attendu que non-seulement il n'est pas établi que le demandeur ait jamais eu son domicile dans la maison indiquée comme telle par l'huissier; mais qu'il résulte des certificats délivrés par l'autorité communale de Saint-Trond, qu'à la date du 10 février il avait conservé son domicile dans la maison habitée par le sieur Jagueneau, dont l'épouse a été requise, comme voisine du notifié, de recevoir la copie de l'exploit et de signer l'original, ce qu'elle a refusé de faire, et sans que l'exploit constate que l'huissier n'y a trouvé ni le notifié ni aucun de ses parents ou serviteurs;

D'où résulte que l'exploit de notification du 10 fév. 1854 est entaché de nullité à défaut d'avoir été fait à personne ou domicile, et que la fin de non-recevoir n'est pas fondée; Au fond, sur le moyen unique de cassation tiré de la violation des art. 512, 102, 103 et 108 du code civil et de l'art. 59 du code de procédure civile:

Attendu qu'aux termes de l'art. 318 du code civil l'action en désaveu doit être dirigée contre un tuteur ad hoc donné à l'enfant et en présence de sa mère; que le tuteur ad hoc n'a d'autre mission que de défendre l'enfant désavoué dans l'action intentée contre lui, et dans laquelle celui-ci est le véritable défendeur;

Qu'ainsi le tribunal compétent pour connaître de cette action, conformément à l'article 59 du code de procédure, ne peut être autre que celui du domicile de l'enfant; Attendu que, d'après l'art. 108 du code

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civil, l'enfant a pour domicile celui de son père, et que la simple dénégation de la paternité ne peut lui enlever ce domicile que la loi lui assigne tant à l'égard des tiers qu'à l'égard du père lui-même;

Attendu que si, pendant l'instance en désaveu, celui qui conteste sa paternité n'est pas recevable à réclamer l'exercice de la puissance paternelle, parce qu'il se mettrait en contradiction avec lui-même, néanmoins cette considération ne peut exercer aucune influence sur la compétence du tribunal appelé à connaître de l'action;

Qu'en effet la loi elle-même ayant fixé le domicile de l'enfant chez celui qu'elle lui assigne pour père, tant que la présomption de paternité n'a pas été détruite par un jugement passé en force de chose jugée, le demandeur, en portant son action devant le tribunal de Hasselt, n'a fait qu'obéir aux prescriptions impérieuses des art. 108 du code civil et 59 du code de procédure civile ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'en déci dant que le demandeur aurait du porter son action devant les juges naturels des défenderesses, l'arrêt attaqué a contrevenu formellement auxdits articles;

Par ces motifs, casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Liége le 7 déc. 1854; renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand, pour être statué sur l'appel du jugement du tribunal civil de Hasselt, en date du 8 août 1854; ordonne la restitution de l'amende consignée, et condamne les défenderesses aux dépens de l'instance en cassation et de l'arrêt annulé; ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la cour d'appel de Liége et que mention en sera faite en marge de l'arrêt annulé.

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la réserve pour le débiteur d'opposer la prescription de cinq ans, conformément à l'article 2277, encore bien que plus de trente ans se seraient écoulés sans qu'il y eût eu payement ou réclamation de ces intérêts (1). (Code civil, art. 2262; L. 4, 7, § 4, Cod., lib. VII, tit. XXXIX; L. 8, § 4, Cod. eodem.) L'obligation de servir les intérêts d'une dette principale ne se prescrit qu'avec celle-ci. Les créances à terme productives d'intérêts et les rentes constituées sont régies par des principes différents; le créancier d'une rente constituée n'ayant directement, en vertu de son titre, qu'un droit aux annuités à écheoir. (Code civil, art. 2263.)

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Par exploit du 4 février 1854, Byl fit assiguer les Spitaels devant le tribunal d'Audenarde pour s'y entendre condamner principalement à lui payer 1o 925 francs 17 cent. pour six années d'intérêts échus; 2o 5,085 fr. 90 cent. en restitution du capital que les auteurs des assignés auraient reçu du père du sieur Byl le 3 février 1819, sous l'obligation de le rembourser dans les cinq années, ainsi au 4 février 1824, et d'en servir, en attendant, les intérêts à 5 pour cent.

Les Spitaels ayant dénié cette dette, Byl posa en fait vrai, avec offre de preuve, la reconnaissance des auteurs des défendeurs qui servait de base à la demande.

Par écrit du 15 juin 1854, les Spitaels répliquèrent qu'en supposant que la reconnaissance invoquéc fut réelle, la dette serait éteinte par la prescription, laquelle aurait commencé à courir depuis la date de cette prétendue reconnaissance.

Devant le tribunal ils conclurent en conséquence à ce que le demandeur fût déclaré non recevable et non fondé dans sa demande.

Pour les demandeurs on soutint que, s'agissant d'une créance à jour fixe, la prescription, aux termes de l'article 2257 du code civil, n'avait commencé à courir qu'au 3 février 1824, jour de l'exigibilité, et que l'action ayant été intentée le 2 février 1854, l'avait été en temps utile.

Sur ce, le tribunal statua, le 8 août 1854, en rejetant la prescription.

Appel fut interjeté en temps utile par la famille Spitaels.

(4) Sur la prescription des intérêts en droit romain, voy. L. 8, § 4, Cod., liv. VII, tit. XXXIX.

A l'audience de la cour de Gand, les appelants réitérèrent leurs conclusions de première instance. Ils soutinrent que la prétendue créance étant productive d'intérêts, les créanciers auraient pu agir, après la première échéance des annuités, en vertu de leur titre; que la prescription contre le titre avait donc commencé à courir depuis le jour de sa date ou tout au moins depuis l'échéance de la première année d'intérêts.

Les intimés conclurent principalement à la confirmation de la sentence des premiers juges.

Le 50 mars 1855, la cour de Gand mit l'appellation à néant en confirmant la décision des premiers juges.

Cet arrêt a été rapporté, partie d'appel, 1835, p. 161.

Les Spitaels se sont pourvus en cassation. Cependant il est à remarquer que Giles Mangelinkx. qui figurait au pourvoi, était décédé le 22 septembre 1854, postérieurement au jugement de première instance, mais avant l'instance d'appel (11 octobre 1834), dans laquelle il se trouvait néanmoins en nom, et que l'arrêt avait été signifié à ses héritiers qui étaient restés étrangers au pourvoi.

Pour les demandeurs, on concluait à ce qu'il plût à la cour casser et annuler l'arrêt attaqué, parce qu'il n'avait pas appliqué la prescription trentenaire tant à la demande du principal qu'à celle des intérêts, et subsidiairement à ce qu'il ne l'avait pas du moins appliquée à la demande des intérêts; dans tous les cas, renvoyer la cause et les parties devant telle autre cour qu'il lui plairait de désigner; condamner le défendeur aux dépens dudit arrêt, ainsi qu'à ceux de cassation; ordonner la restitution de l'amende.

Le défendeur opposait d'abord une fin de non-recevoir à Mangelinkx et concluait au rejet du pourvoi avec indemnité et dépens.

Les demandeurs invoquaient à l'appui de leurs conclusions un moyen unique fausse application de l'article 2257 du code civil et par suite violation de l'article 2262 du même code. Voici, en résumé, quelle était leur argumentation:

L'article 2257 porte: La prescription ne court point à l'égard d'une créance à jour fixe jusqu'à ce que ce jour soit arrivé.

La créance qu'a en vue cet article est évidemment celle en vertu de laquelle on ne peut agir avant le jour fixe; celle qui reste inerte jusqu'à ce jour.

Dans l'espèce, le capital prétendùment prêté produisant des intérêts du jour de sa

date, le créancier pouvait agir après l'échéance de la première année; la prescription a donc commencé à courir depuis la date du titre, comme quand il s'agit d'une rente, ou tout au moins depuis le 4 février 1820, échéance de la première annuité.

Il n'est point douteux que le créancier, en demandant le payement des intérêts, exerce ses droits au capital, puisque les intérêts représentent l'usage de ce capital dont il a été privé; du moment donc qu'il néglige de réclamer ces intérêts, la prescription de ses droits au capital doit naturellement commencer à courir.

Aussi la prescription a-t-elle lieu contre le propriétaire d'une rente qui n'en a pas exigé les arrérages dans les trente ans de sa constitution (voy. un arrêt de la cour de cassation de France, du 5 août 1829 [Jurisprudence du XIXe siècle, 1829, 1, 549; Sirey, p. 386]; arrêt de Pau du 26 juin 1827 [ib., 1828, 2, 148]; Vazeille, no 357).

Vainement objecterait-on que dans la constitution de rente il y a eu aliénation du capital, puisque, dans le prêt à intérêt dont il s'agit dans l'espèce, il y a eu également aliénation du capital, le débiteur ne pouvant être forcé qu'à rendre autant après un certain délai.

D'ailleurs le débiteur d'une rente peut aussi être forcé au remboursement dans les cas prévus par les articles 1912 et 1915 du code civil.

Le crédirentier, outre son droit au service des arrérages, conserve donc des droits au fonds de la rente même, et comme le défaut de service des arrérages pendant trente ans, à compter de la constitution de la rente, fait tomber ces droits, de même le défaut de service des intérêts d'une créance, pendant le même espace de temps, emporte également la prescription du droit au remboursement du capital, quoique son exigibilité ne date pas de trente ans.

D'après l'article 1912, le crédirentier a un droit conditionnel au remboursement de la rente.

L'article 2257 place sur la même ligne les droits conditionnels et les créances à jour fixe. Si l'on admettait le système de l'arrêt attaqué, il faudrait donc dire que la prescription de l'action en remboursement ne commencerait à courir que depuis que le droit a pu être exercé, c'est-à-dire depuis que le débiteur a cessé pendant deux années de remplir ses obligations.

Et cependant la jurisprudence et la doc

trine sont d'accord que tous les droits résultant de la constitution de rente se prescrivent par trente ans à compter de la date du titre ou au moins à compter de la date de la première échéance.

Si, avec l'arrêt attaqué, on suppose le droit aux intérêts distinct du droit au remboursement du capital, ce droit serait au moins prescriptible par le même laps de temps. Mais ces deux droits se confondent, puisque les intérêts payés au créancier représentent à son profit l'existence de son capital entre les mains du débiteur (loi 26, au Code, de usuris).

L'arrêt attaqué a donc donné à l'art. 2257 une portée qu'il ne comporte point; mais cette disposition présenterait quelque doute, qu'il faudrait en fixer le sens par le droit romain auquel elle est empruntée.

D'après les lois 7 et 8, au Code, liv. VII, tit. XXXIX, et surtout d'après le dernier paragraphe de la loi 8, il est clair qu'en droit romain, où la constitution de rente étant inconnue, le capital devait toujours étre remboursé, la prescription du capital commençait à courir depuis que le débiteur cessait d'en payer les intérêts. Aussi les interprètes de ce droit considèrent-ils le cas qui nous occupe comme ne pouvant donner lieu au moindre doute (voy. Maurissen, Recitationes, au titre de usuris, $$ 44 et 45. Voy. aussi Voet, au même titre, no 1, et les lois 12 et 25, Cod.).

Mais en supposant pour un instant gratuitement qu'il faille, pour la prescription, adopter la distinction admise par la cour de Gand, il y aurait toujours, même dans cette hypothèse, fausse application de l'art. 2257 et violation manifeste de l'article 2262 du code civil.

En effet, dans l'espèce, le demandeur avait conclu 1° à six années d'intérêts échus le 3 février 1855; 2° au remboursement du capital.

Les défendeurs avaient opposé l'exception de prescription à cette double demande.

La cour de Gand, pour être conséquente, aurait dù au moins admettre la prescription relativement au droit d'exiger les intérêts, droit distinct, suivant elle, de celui d'exiger le remboursement.

Le droit aux intérêts étant ouvert depuis la première échéance, soit au 4 février 1820, et n'ayant pas été exercé depuis cette date, est en tout cas prescrit, et il ne resterait plus qu'un capital improductif d'intérêts.

Cela est d'autant plus incontestable qu'il

est passé en jurisprudence que le créancier qui reçoit pendant trente ans des intérêts moindres qu'au taux stipulé, perd le droit d'exiger le surplus (voy. arrêt de la cour de Bruxelles du 23 avril 1818 [Jur. de la cour sup., 1818, 2, 12]; Déc. not., t. 15, p. 289; arrêt du 8 mars 1808).

Certes si le créancier qui pendant trente ans n'exerce pas son droit pour une quotité d'intérêts perd son droit à cette quotité, le droit d'exiger la totalité des intérêts se perdra aussi par le défaut d'exercice de ce droit durant trente ans.

Réponse.

On opposait d'abord une fin de non-recevoir au pourvoi formé au nom de Mangelinkx.

Au fond, ajoutait-on, le système du pourvoi est nouveau; il est en opposition formelle avec le texte de l'article 2237 qui ne distingue point entre les créances productives d'intérêts et celles qui ne le sont pas. Cette distinction, si elle était admise, ôterait à cet article presque toute sa portée, puisque les créances à jour fixe produisent généralement des intérêts.

D'ailleurs le pourvoi s'appuie sur deux ordres d'idées: 1° la prescription court depuis la première échéance d'intérêts, parce que le créancier peut faire valoir son droit au capital non exigible en se faisant payer les intérêts; 2o les créances à jour fixe productives d'intérêts doivent être assimilées aux rentes constituées, lesquelles se prescrivent à dater du titre.

A la première argumentation des demandeurs, l'arrêt attaqué répond avec raison que le droit d'exiger les intérêts annuels et le droit au remboursement du capital donnent naissance à deux actions différentes que le créancier peut exercer séparément. Le droit romain et ses commentateurs ne laissent aucun doute à cet égard (voy. loi 75, dig., § 9, de verb. oblig., lib. XLV, titre ler; Voet, liv. XXII, tit. 1er, no 16; Zoesius, liv. XXII, tit. Ier, no 56; Perezius, livre IV, tit. XXXII, no 28).

A la vérité, la dette et les intérêts moratoires qu'elle peut engendrer ne forment qu'une même obligation, mais quand il y a stipulation pour le capital et stipulation pour les intérêts, il y a bien réellement deux obligations distincles.

On conçoit, dès lors, que la faculté pour le créancier de se faire payer des intérêts soit sans influence sur le sort du capital inexigible; à l'égard du capital, il y a impossibilité d'agir avant le jour du terme.

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Si le droit aux intérêts est uni au droit sur le capital, c'est que la stipulation d'intérêts constitue toujours un accessoire d'une convention principale. Les intérêts accessoires du capital doivent nécessairement en suivre le sort, mais c'est par un renversement d'idées que le pourvoi voudrait faire dépendre le principal de l'existence et du sort de l'accessoire.

Le droit aux intérêts subsiste aussi longtemps que le droit au capital, mais chaque échéance d'intérêts engendre une action nouvelle susceptible de s'éteindre par le silence du créancier pendant cinq ans.

La seule action par laquelle le créancier puisse faire valoir son droit aux intérêts est soumise à une prescription spéciale différente de la prescription du capital.

D'après le pourvoi, un capital productif d'intérêts, stipulé remboursable après quarante années, pourrait se prescrire avant d'être exigible.

L'assimilation du droit du défendeur au droit d'un crédirentier n'est pas plus heureuse. Cette assimilation ne se concilie guère avec la première partie du système du pourvoi, car si elle était exacte, la prescription aurait du prendre cours non pas de la première échéance d'intérêts, mais à partir de la date même du titre.

En réalité, l'assimilation entre une créance portant intérêts et une rente constituée est inadmissible. Le créancier de la rente aliène son capital et ne peut exiger de son débiteur que le payement régulier des arrérages. Le créancier ordinaire n'aliène pas son capital et il a contre son débiteur deux actions correspondantes à la double obligation de ce dernier.

Aussi les arrêts invoqués par le pourvoi se fondent précisément sur le caractère spécial du contrat de rente qui n'est point la créance à jour fixe dont parle l'article 2257 du code civil.

Les demandeurs argumentent vainement des articles 1912 et 1915 du code civil. Le droit du crédirentier au remboursement ne lui est pas conféré par son titre; il ne dérive que du fait postérieur du débiteur; c'est une application du principe que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques. D'après son titre, le crédirentier a uniquement le droit de se faire payer des arrérages; ce droit éteint par la prescription trentenaire, on conçoit qu'il n'ait plus rien à prétendre.

Mais le créancier ordinaire, qui a à la fois droit aux intérêts et droit au remboursement

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