Page images
PDF
EPUB

faveur, attire en ce lieu une infinité de personnes amenées par la piété ou la compassion, et même des étrangers conduits par la seule curiosité. Ce qui contribue à faire prévaloir cette croyance, est un petit autel expiatoire, qu'en 1814, l'inspecteur-général a fait ériger dans ce souterrain, « à la mémoire de tant d'illustres victimes de leur dévouement pour la religion et pour la cause du Roi, » suivant ses expressions en 1815. Alors il déclaroit qu'il avoit été blâmé pour avoir élevé ce monument, et que son intention étoit d'y ajouter deux tables de marbre, dont l'une indiqueroit à l'avenir les noms de ces victimes, et l'autre porteroit cette inscription que lui avoit fournie M. Hezelle, vicaire de la paroisse de Saint-Jacques du Haut-Pas :

D. O. M.

Piis Manibus civium

xx

Diebus IIa ac IIIa septembris MDCCLXXXXII
Lutetiæ trucidatorum.

Hic palmam expectant cives, virtutis amore
Conspicui: cives patriæ legumque Deique
Cultores, diris, heu! tempestatibus acti,
Immoti tamen, ut scopuli, rectique tenaces,
Infrena plebis deliramenta perosi.

Hos, dùm crudelis Discordia sceptra tenebat,
Hortatrix scelerum, contemptaque jura jacebant,
Sævâ cæde cohors furiis incensa peremit.

Siste gradum, inque pios fletus erumpe, viator;
Castas funde preces, et candida lilia sparge.
Lux perpetua luceat eis.

Det illis Dominus invenire
misericordiam à Domino in
illa die. (Paul. II ad Timoth.
C. 1, . 18.)

Cette inscription est aussi touchante que les vers en sont

même pendant plusieurs années, une guinguette et des danses à l'établissement desquelles il ne pouvoit qu'applaudir. Ce local a changé dix fois de propriétaire depuis 1794 jusqu'en 1815, où il étoit occupé par un cabaretier. Il s'appeloit déjà la tombe d'Isoire, avant 1785 où il fut acheté par les échevins

heureux; mais elle nous laisse regretter que les vrais Martyrs qui ont été glorifiés par Dieu au moment même de leur mort, y soient confondus avec les victimes politiques qui attendent encore leur palme, et pour lesquelles on ne peut que dire Lux perpetua luceat eis. C'est au reste la faute de cet ossuaire, dans lequel on auroit jeté confusément tous les cadavres quelconques, parmi lesquels étoient probablement ceux des prisons où avoient péri beaucoup de malfaiteurs. S'il n'y avoit là que les ossemens des hommes qui moururent pour la loi de Dieu, il auroit suffi d'écrire, sur leur tombe commune, cet éloge consacré par l'Esprit saint à la mémoire des Machabées: Elegerunt magis mori, et noluerunt infringere legem Dei sanctam, et trucidati sunt (I. Mach. c. 1, V. 65 et 66). En allant voir ce dépôt sacré, nous pourrions dire alors comme Aurelius Clemens Prudentius, visitant, au IVe siècle, les catacombes de Rome:

Innumeras illic defossas mole sub una
Relliquias memini me didicisse hominum:

Quorum solus habet comperta vocabula Christus,
Utpotè quos propriæ junxit amicitiæ.

(De Coronis: Hymn. XI.)

Nous y répéterions à l'envi ce qu'en 1796, un prêtre, non moins instruit que pieux, disoit en terminant son Hommage

de Paris avec la maison qui s'y trouvoit, pour servir de logement au gardien du dépôt sacré des ossemens qui alloient étre portés dans le souterrain de cet endroit. Ils firent alors transporter et ériger, au milieu de la cour de cette maison, la croix pyramidale appelée croix Gastine qui étoit dans le cimetière des Saints-Innocens. Est-ce cette croix que l'abbé Sicard a prise pour une croix de fer; et les charrettes chargées de cadavres, qui sortoient par la barrière d'Enfer, comme celles qui sortoient par la barrière Saint-Jacques ne pouvoient-elles pas se rendre également à la carrière de la tombe Isoire, qui est dans la plaine de Mont-Souris, sous l'ancienne route d'Orléans, dite VoieCreuse, sur les bords de laquelle étoient deux puits de service qui avoient beaucoup de profondeur et peu d'ouverture, sans parler de l'escalier et de la maison situés sur le côté gauche de la route qui part de la barrière Saint-Jacqnes?

(imprimé) à la mémoire du véhérable curé de Saint-Jeanen-Grève, massacré dans la prison de l'Abbaye (M.L. ROYER): « Témoins que nous fûmes des triomphes de ces glorieux Martyrs de notre France, conjurons-les d'y hâter par leurs vœux, le triomphe de la vérité, de la concorde, de la paix, et d'y perpétuer par leurs exemples, le règne de JésusChrist. Dieu de nos pères! le sang de vos Martyrs réclame pour nous vos miséricordes. Ecoutez sa voix; pardonnez à votre peuple; ayez pitié de votre Eglise ; et réunissez tous ses enfans dans la vérité, dans l'unité, et dans la charité : par Jésus-Christ, notre Seigneur. Ainsi soit-il ».

Paris n'est pas la seule ville de France où l'impie et féroce municipalité du 10 août, fit égorger des prêtres, à cause de leur foi, dans les premiers jours de septembre 1792. Déjà cette municipalité, s'élevant par ses attentats au-dessus de l'Assemblée Législative, tendoit à devenir l'arbitre suprême de la France: projet dans lequel elle réussit progressivement jusqu'en avril 1794, où périrent sur l'échafaud Chaumet, Hébert, Danton, etc.

Le lendemain du jour où le comité de surveillance de la Commune de Paris avoit fait commencer les massacres dans la capitale, c'est-à-dire le 3 septembre, il avoit promptement écrit aux administrateurs de toutes les communes de France une circulaire atroce, dans laquelle on lisoit : « La Commune de Paris se hâte d'informer ses Frères de tous les départemens qu'une partie des conspirateurs, détenus dans les prisons, a été mise à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables. -Et sans doute la nation entière........... s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public. Signés, Pierre Duplain, Panis, Sergent, Lenfant, Jourdeuil, Marat, Desforgues, Leclerc, Dutertre, constitués, par la Commune, administrateurs du salut public; et contresigné, Danton, ministre de la justice.-P. S. Nos Frères sont invités à remettre cette lettre sous presse, et à

la faire passer à toutes les municipalités de leurs arrondis

semens ».

Ces administrateurs avoient même envoyé des agens dignes d'eux(1), pour faire exécuter plus sûrement des massacres dans les villes où il lui importoit davantage qu'il y en eût; et ce fut par l'instigation de ces émissaires que plusieurs prêtres furent massacrés à Reims les 2 et 3 septembre (voy. ALEXANDRE); à Meaux, le 4 (voy. L. G. DAVID); à Lyon, le 9 (voy. GUILLERMET); et à Versailles, les 8 et 9 (voy. GALLOIS).

En cette dernière ville, si près de Paris, les assassins dans leur impatience, commencèrent un jour plus tôt qu'ils ne le devoient. Le 8 septembre ils massacrèrent d'abord neuf prêtres enfermés dans le bâtiment appelé les Ecuries de la Reine. Si le carnage devoit y être retardé, c'est qu'il falloit attendre que toutes les victimes désignées pour y périr, y fussent réunies. On vouloit que les personnages envoyés précédemment comme contre-révolutionnaires dans les prisons d'une Haute-Cour de justice nationale reléguée à Orléans, où l'on ne croyoit plus pouvoir les faire égorger, fussent amenés en cette autre ville, demeure des Rois. L'Assemblée Législative, cédant à des insinuations astucieuses, avoit décreté le 3 septembre qu'ils seroient transférés à Saumur; mais, une fois maîtres d'eux sur la route, les agens du comité les firent diriger sur Versailles. Ils étoient au nombre de cinquantetrois, parmi lesquels se trouvoit un prélat zélé, que, depuis le commencement de la révolution, l'on n'avoit cessé de persécuter pour sa foi c'étoit l'évêque de Mende (voy. CASTELLANE): aussi fut-il des premiers que l'on immola, lorsque les charrettes qui apportoient ces prisonniers arrivèrent dans Versailles. Sept d'entre eux seulement purent échapper à ce

:

(1) Ronsin et Lacroix furent envoyés à Meaux et ailleurs ; Guermeur le fut dans l'Ouest de la France où il ne trouva pas les esprits disposés à le seconder. Il fut même emprisonné à Quimper; et on se mettoit en devoir de lui faire son procès, lorsque la Convention, à peine installée, décréta qu'il seroit mis en liberté. (Hist. des Crimes de la Révol. Tom. IV, pag. 152 et 165.)

massacre. Comme il se fit le dimanche d'après celui où les prêtres détenus dans l'église des Carmes, et dans la cour de l'Abbaye, avoient été égorgés, ce fut pour la municipalité de Paris une espèce de joyeuse octave qui transformoit en jour de fête, la journée où elle avoit fait périr un si grand nombre de saints ministres de l'Eglise catholique.

COPIES FIGURÉES,

Soit des Registres d'écrous, soit des Registres mortuaires de Paris, en ce qui concerne les victimes sacerdotales de SEPTEMBRE 1792 (1).

TABLE I.

Registre d'écrou de la prison de l'Abbaye, déposé dans les archives de la Préfecture de police de Paris.

Du 4 au 5 septembre, le sieur abbé Chapt de Rastignac a été jugé par le peuple, et sur-le-champ mis à mort.

Du 4 septembre, le sieur de Boisgellin a été jugé par le peuple, et sur-le-champ mis à mort. (Ensuite, d'une autre main et postérieurement) le mot incertain. A quoi une troisième main est venue ajouter: NOTA. Le sieur Boigelin a péri rue de Grenelle, à ce qu'a assuré le peuple (2).

Du 26 août 1792.

Le sieur abbé Chapt de Rastignac, écroué en vertu d'ordre de MM. les administrateurs de police, membres du comité de surveillance et de salut public.

Du 27.

Le sieur Thomas-Pierre-Antoine Boisgelin a été écroué en vertu d'ordre de MM. les administrateurs du département de police de la mairie. Signé Daujon, Colly et Rossignol.

(1) Nous y conserverons les noms de celles qui échappèrent au massacre, comme encore ceux de quelques autres laïques confondues avec elles.

(2) Ceci fut écrit pour tâcher de déguiser la férocité des assassins employés à l'Abbaye.

« PreviousContinue »