Page images
PDF
EPUB

les indices et les preuves; l'autre apprécie le caractère des faits et d'après les charges recueillies, saisit

s'il y y a lieu, le juge'. Or, le préfet ne peut faire personnellement ou ne peut requérir les officiers de police judiciaire de faire que des actes de police judiciaire; il ne peut donc mettre l'action publique en mouvement; il peut requérir qu'un fait soit constaté, il ne peut requérir qu'il soit poursuivi, il exerce les fonctions de la police judiciaire, il n'exerce pas celles du ministère public. La loi n'a délégué qu'aux cours d'appel, aux membres du ministère public et aux parties lésées, lorsqu'elles se constituent parties civiles, le droit de mettre l'action publique en mouvement. 2.

Le législateur a prévu le cas où la dénonciation faite par le préfet pourrait provoquer de la part du ministère public ou du juge d'instruction de nouveaux renseignements, et il a réglé les rapports des deux autorités. L'art. 3 du décret du 4 mai 1812 porte: Dans les affaires où nos préfets auront agi en vertu de l'art. 10 du Cod. d'inst. crim., si le bien de la justice exige qu'il leur soit demandé de nouveaux renseignements, les officiers chargés de l'instruction leur demanderont ces renseignements par écrit, et nos préfets seront tenus de les donner dans la même forme. »>

Il nous reste à faire observer que l'attribution que l'art. 10 confère aux préfets leur est personnelle,

[blocks in formation]

en ce sens que seuls ils peuvent l'exercer, tant qu'ils remplissent activement leurs fonctions, et ce n'est qu'en cas d'absence ou d'empêchement, qu'elle passe, avec l'administration du département, entre les mains des fonctionnaires délégués pour les remplacer. Cela résulte du texte même de la loi. Cette attribution consiste, soit à faire personnellement les actes de police judiciaire, soit à requérir un officier de police de procéder à ces actes: le préfet seul, ou celui qui remplit les fonctions du préfet, peut faire ces actes ou ces réquisitions; et, s'il agit personnellement, il ne peut procéder que par luimème ou par des officiers de police judiciaire compétents à tous les actes de cette information sommaire.

Maintenant, et après avoir tracé le cercle dans lequel l'art. 10 doit se mouvoir, après avoir posé les limites que son texte et les règles générales du droit indiquent et qui peuvent en affaiblir le danger, nous n'hésiterons pas à dire que, dans notre opinion, cette disposition, même renfermée dans ces termes, devrait disparaître de notre Code. Elle est née dans des circonstances qui l'expliquent sans la justifier. A l'époque où le législateur s'occupait de réédifier la justice, le pouvoir judiciaire était faible, et le gouvernement nouveau, sorti du sein d'une révolution et à peine assis, soupçonnant partout des conjurations et des complots, et pensant ne pas trouver un appui assez fort et assez actif dans un ministère public encore mal constitué, lui assurait le concours des préfets. Ce motif n'existe plus. Notre

justice criminelle est assez fortement organisée pour que ses propres agents suffisent à son action. Dans tous les lieux où réside un préfet, la loi a placé un procureur de la République qui peut agir aussi promptement que l'exigent les circonstances. Averti par le préfet, ce magistrat peut faire aussitôt, et avec plus d'autorité, parce qu'il est le représentant de la justice, tous les actes que peut commander l'intérêt public. Mais, en supposant même que l'intervention administrative pût, dans quelques cas trèsrares, avoir quelque utilité, cette considération serait tout à fait secondaire en face des inconvénients qui peuvent en surgir. Que devient l'indépendance de la justice, que deviennent les garanties que la loi a voulu accorder à la liberté individuelle, à l'inviolabilité du domicile, lorsqu'un préfet peut faire personnellement des actes de police judiciaire, dresser des procès-verbaux, décerner des ordres d'arrestation, procéder à des visites domiciliaires? En principe, le juge seul a le droit de faire ces actes, car seul il réunit les conditions d'impartialité qui rassurent tous les intérêts. La loi, à la vérité, et par une exception trop étendue peut-être, a confié une portion de ces pouvoirs au procureur de la République et à ses auxiliaires, dans les cas de flagrant délit. Mais le procureur de la République est un magistrat de l'ordre judiciaire, il agit au nom de la justice, en connaît les règles, les termes, les traditions, il doit avoir, comme tous les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, le culte de la loi qui les rend inaccessibles aux entraînements de la politique; et quant à ses

auxiliaires, ils ne sont que les agents de la justice, ils agissent par ses ordres et sous sa surveillance, ils ne procèdent qu'à son défaut et pour le suppléer. Le préfet, agent révocable du pouvoir exécutif, ne se rattache par aucun lien à la justice, il n'est point soumis à son autorité, il est complétement étranger à ses règles, et cependant il exerce des fonctions judiciaires, il dispose au moins temporairement de la liberté et de l'honneur des citoyens, et n'encourt, à raison de ces actes purement judiciaires, aucune responsabilité. N'est-il pas à craindre que ce pouvoir exorbitant, surtout dans les temps d'agitation politique, ne devienne, entre les mains des préfets, comme le dit M. Mangin, « un moyen d'opression contre les personnes dont ils soupçonnent les opinions, les liaisons, les démarches? » Et même, dans les temps les plus calmes, n'est-il pas déplorable, n'est-il pas contraire aux principes qui régissent les institutions judiciaires, que la justice reçoive son impulsion de l'administration, que celle-ci se mêle à ses actes, qu'elle usurpe une partie de ses attributions, qu'elle se substitue à sa place? N'estce pas là la plus étrange confusion des pouvoirs? Et cette confusion devrait-elle exister quand il s'agit de l'exercice des droits les plus graves de l'action judiciaire? Le préfet est naturellement rangé dans la classe des fonctionnaires qui, aux termes de l'art. 29 du C. d'inst. crim., doivent communiquer sur le champ au procureur de la République les renseignements qu'ils recueillent, dans l'exercice de leurs fonctions, sur les crimes et les délits; mais leur in

tervention doit se borner à ces avis et à ces communications; toute extension n'est qu'une déviation des principes essentiels de la justice '.

$ 224.

Quels sont les pouvoirs du procureur général en matière de police judiciaire?

Nous avons précédemment exposé toutes les attributions du procureur général dans l'administration de la justice criminelle 2.

En matière de police judiciaire, il a la haute surveillance de tous les officiers de police judiciaire de son ressort, mais il n'a point lui-même cette qualité, il n'exerce point personnellement les fonctions qui y sont attachées.

Cette distinction résulte de tous les textes de la loi. L'art. 279 du Cod. d'instr. crim. porte: «Tous les officiers de police judiciaire, même les juges d'instruction, sont soumis à la surveillance du procureur général. Tous ceux qui, d'après l'art. 9 du présent Code, sont à raison de fonctions même administratives, appelés par la loi à faire quelques actes de la police judiciaire, sont sous ce rapport seulement, soumis à la même surveillance. » L'art. 45 de la loi du 20 avril 1810 dispose également qu'ils ont la surveillance de tous les officiers de police

[blocks in formation]
« PreviousContinue »