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Faites tout avec prudence, patience et sagesse, et ne précipitez rien dont on puisse se repentir.

Montrez cette lettre à M. de Tourville (1) afin qu'il ne puisse douter de mes intentions, et que cela lui serve pour la conduite qu'il devra tenir, quand vous ne serez plus sur mes vaisseaux.

Demeurez tant que vous croirez être néces saire, et surtout voyez ce qui se passera d'important, pour me rendre un compte exact de ce que chacun aura fait.

Vous n'avez rien à craindre de l'absence; soyez assuré que je suis très-content de vous, et que je compte plus les services que vous me rendez où vous êtes, que si vous étiez au près de ma personne.

(Réflexions) depuis avoir écrit.

C'est de bonne part que, si ma flotte ne sort point, et s'il n'y a point d'avantages sur elle, que les ennemis ne peuvent rien entreprendre de la campagne.

(1) Le comte de Tourville, maréchal de France le 27 mars 1693, et mort le 28 mai 1701, âgé de 59 ans avec la réputation d'être le plus grand homme de mer de son siècle; il n'arriva à Brest que dans les derniers jours de juillet.

UV. DE LOUIS XIV. TOME VI.

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Que cela me fait croire qu'il vaut mieux changer de pensée, et qu'il n'y ait que Seignelai qui le sache, qui est de ne point sortir, mais de faire croire que l'on sortira aussitôt qu'on le pourra.

Donner ordre à Tourville de joindre par. le raz, s'il a un vent bon pour cela, et qu'après la jonction, que l'on ne sorte point jusqu'à nouvel ordre, lequel dépendra de la manoeuvre des ennemis; c'est-à-dire, s'ils demeurent encore ou s'ils se séparent.

Qu'il est important que Seignelai demeure, faisant croire que les ordres sont toujours d'aller aux ennemis.

Mander à Tourville, que s'il ne peut venir joindre, que sur la moindre apparence que les ennemis puissent aller à lui, qu'il se retire dans les rades de la Rochelle, et même dans la Charente à Rochefort. Suivant cette conduite à l'égard de la mer, c'est se conduire avec le même esprit qui me fait agir sur la terre (1).

Que ne craignant point de descente, ma flotte pouvant sortir à tout moment,

que cela

que

(1) La flotte finit par sortir et remporter, dans la Manche, le 10 juillet 1690, une victoire signalée sur l'armés navale combinée d'Angleterre et de Hollande.

me donne lieu de tirer des troupes que j'ai sur la Saare et du côté de Flandre, et d'en renvoyer en Guienne.

En un mot, c'est le plus sûr et le plus vraisemblable, pour nous faire penser à empê

cher les ennemis de ne rien faire contre mon royaume de bien considérable. Cela étant, c'est le parti le plus sage, le plus sûr, et celui que je dois prendre.

A MADAME DE MAINTENON.

Juillet 1690.

LE major de l'armée navale vient d'arriver (1). Villette a obligé les ennemis de brûler quatre des six vaisseaux qu'il suivoit, et les deux autres sont échoués ; enfin, il y a de brûlés ou coulés à fond, quatorze vaisseaux, et les vaisseaux légers en suivent encore quatre incommodés. Je n'en ai aucun hors de combat. Le major croit que par le vent qu'il faisoit à la mer, les ennemis retireront le reste de leurs vaisseaux dans leurs ports, et que Tour

(1) Il apportoit la nouvelle de la victoire remportée le 10 juillet, par le comte de Tourville, sur les flottes anglaise et hollandaise.

ville mouillera venant les Dunes. Chateaurenaud est arrivé à Brest avec tous mes vaisseaux et beaucoup d'autres anglais, chargés de douze mille Irlandais. Je crois que vous ne serez pas fâchée de savoir cette nouvelle.

A LA MÊME.

Juillet 1690.

LE gentilhomme de Lauzun (1) n'est pas encore arrivé; mais il vient d'arriver un courrier de Brest, parti long-temps après ledit gentilhomme, qui apporte que le major de Zurlauben est arrivé avec un passeport de Lauzun, à cause de sa maladie, qui dit que le canon étoit déjà embarqué, que le trésor a péri, et que ses mesures étoient prises pour embarquer ses troupes, pour les repasser en France. Je crois que vous ne serez pas fâchée de savoir l'état des choses, quoiqu'elles ne soient pas trop bonnes. Ils manquoient de vivres et de toute autre chose. Le trésor péri est le mien, et non pas celui du roi d'Angleterre.

(1) Le duc de Lauzun avoit obtenu d'aller commander en Irlande les troupes du roi Jacques 11, détrôné par le prince d'Orange, son gendre. Les événemens dont il s'agit. ici, furent la suite de la bataille de la Boyne, perdue le 11 juillet par Jacques.

A LA MÊME (1).

Avril 1691.

JE profite de l'occasion du départ de Montchevreuil, pour vous assurer d'une vérité qui me plaît trop, pour me lasser de vous la dire; c'est que je vous chéris toujours, et que je vous considère à un point que je ne puis exprimer; et qu'enfin, quelque amitié que vous ayez pour moi, j'en ai encore plus pour vous, étant de tout mon cœur tout-à-fait à vous.

A LA MÊME.

Au camp devant Mons, le 9 avril 1691, lundi à 10 heures du matin.

Je n'écris ce billet que pour marquer l'or

(1) Madame de Maintenon paroît avoir détruit avec soin tous les monumens de son union avec Louis xiv. Il n'est échappé de la correspondance de celui-ci, qu'un très-petit nombre de pièces, qu'on trouvera dans cette Collection. La lettre ci-dessus est la seule qui contienne des expressions de tendresse. Il est impossible d'en déterminer précisément la date; mais divers rapprochemens font soupçonner qu'elle fut écrite pendant le siége de Mons, en avril 1697.

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