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terent la propofition du Clergé, difant même qu'ils avoient une nouvelle raifon de ne pas confentir à la publication de ce Concile. C'étoit fans doute l'oppofition que le Clergé venoit de former par la bouche du Cardinal du Perron au premier article du cahier du Tiers-Etat. Cet article déclaroit « que le Roi ne reconnoît point de fupérieur au temporel, finon Dieu feul; qu'aucune puiffance n'a droit ni pouvoir de difpenfer fes fujets du ferment de fidélité, ni de le priver de fou Roïaume, ni d'attenter fur les perfonnes facrées des Rois. » Le Tiers-Etat vouloit qu'on reconnût ces maximes pour Loix fondamentales du Roïaume. Elles l'avoient toujours été; mais ce qui engageoit à les renouveller, c'eft que dans le cours de vingt années, la France venoit de perdre deux de fes Rois -par d'horribles attentats, & que depuis quatre ans elle s'étoit vû enlever le Prince le -plus cher à fes peuples. On vouloit par cet article déraciner de tous les cœurs, s'il étoit poffible, la doctrine meurtriere, qui avoit produit ces déteftables parricides. Le Clergé y fit une oppofition fcandaleufe; nos Evéques oferent foutenir que ce font des queftions purement problématiques, de favoir fi le Pape n'eft pas en droit de difpofer des Couronnes, & s'il n'eft aucun cas où il foit permis de tuer fon Roi. Le Cardinal du Perron menaça même d'excommunication quiconque voudroit faire regarder cette doctrine comme un dogme révélé. Ce n'eft pas,qu'il fût perfonnellement féditieux ; mais il s'imaginoit qu'en faifant envifager ces maximes. comme de fimples opinions fur lefquelles il eft permis à chacun d'abonder en fon fens a

Tome X.

I

Roi.

il fe mettoit au large avec les Proteftans, qui reprochoient à l'Eglife de tolérer deux doctrines contradictoires. Cette raison qui paroiffoit confidérable à un homme fort occupé de la controverfe avec les hérétiques, n'étoit gueres propre à lever le scandale, puifque les Proteftans pouvoient prouver clairerement que la doctrine qui met en sûreté la Couronne & la vie des Souverains appartient à la révélation, & que la doctrine contraire eft certainement fauffe & erronée.

Le foulevement général qu'excita l'oppofiXVII. Nouveaux tion du Clergé au premier article du cahier excès du du Tiers-Etat, engagea le Parlement à reClergé. Zé- nouveller par un Arrêt du 31 Décembre le du Parle- [ 1614] celui du 2 Décembre 15.61, & tous ment & du ceux qui avoient été rendus fur la même maChâtelet tiere. Les Prélats moins jaloux de leur gloire pour les intérêts du que de leurs prétentions, s'emporterent contre le Parlement, & tinrent au Roi, à la Reine, & aux Princes qui les accompagnoient, les difcours les plus indécens & les plus féditieux, pour faire annuller l'Arrêt du 31 de Décembre, qui n'avoit été rendu que pour la sûreté du Roi lui-même. Leurs Majeftés, quoique vivement bleffées, redoutant l'incendie que le Clergé étoit prêt à allumer, firent expédier un Arrêt du Confeil & des Lettres-patentes portant évocation des différends furvenus en l'Affemblée des trois Ordres des Etats fur l'article propofé en la Chambre du Tiers-Etat. Les gens du Roi, en préfentant ces Lettres patentes par l'exprès commandement de fa Majefté, requirent que fidele regître fût fait de tout ce qui s'étoit paffé en cette affaire, « à ce que la Poftérité reconnoiffe, que la Cour & cux ont fait ce

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qui étoit dû pour la confervation des maximes de tout temps gardées en France, pour l'autorité & fouveraineté temporelle dudit Seigneur, sûreté de fa vie & repos public. La délibération fur ces Lettres-patentes dura deux jours. Et le 10 de Janvier [1615 ] la Cour arrêta « de ne rien ordonner fur icelles, fe réservant aux occations qui fe préfenteront à faire très-humbles Remontrances au Roi. »

Le zele du Clergé pour élever les prétentions de la Cour de Rome au préjudice des droits & de la sûreté du Roi, leur mérita un Bref de remercîment du Pape, auquel les Prélats répondirent par des promeffes folemnelles, qu'ils continueroient de s'oppofer courageufement aux entreprises des ennemis de la Foi, pour les faire tourner à la gloire de l'Eglife. La foibleffe du Gouvernement étoit la vraie caufe de cette hardieffe du Clergé. Le Roi & la Reine Régente témoignerent au Tiers-Etat leur fatisfaction sur ce qu'il avoit fait pour le maintien de l'autorité Roïale mais leurs exceffifs ménagemens pour les Evêques, faifoient gémir tous les cœurs vraiment François. Le Roi voulut que l'Article ne fût point inféré dans le Cahier du Tiers-Etat, & donna un Arrêt du Confeil, pour faire furfeoir toutes délibérations à cet égard. On adreffa pareillement des Lettres-patentes au Parlement, pour empêcher la publication de fon Arrêt de Reglement. Le Roi vit, fans les punir, les Evêques de fon Roïaume fe déclarer ouvertement pour les droits chimériques de la Cour de Rome, & qualifier d'ennemis de la Foi ceux qui prenoient la défenfe des droits réels de la

Tom. VIII. pag. 693 Juiv.

XVIII.

Roïauté. Cette timidité de la Cour fit croire à nos Prélats qu'ils pouvoient tout entreprendre. La fermeté du Tiers-Etat aïant empêché la publication du Concile de Trente, les Evêques prirent le parti de faire eux-mêmes fans la permiffion du Roi, une acceptation folemnelle de ce Concile, & l'acte en fut inféré dans la Remontrance qu'ils préfenterent au Roi. Cette démarche attira l'attention des Juges féculiers. Le Châtelet rendit une Sentence pour fupprimer cette Remontrance du Clergé, & défendre à tous Eccléfiaftiques du reffort de tenir ledit Concile pour reçu, & de rien innover en l'ordre & police Eccléfiaftique fans l'autorité du Roi, fous peine de faifie du tempore!, & d'être déclarés criminels de Léze-Majesté. Les Evêques reconnurent alors leur faute, & déclarerent en 1616, que « ce qui avoit été fait l'année précédente touchant le Concile de Trente, fans l'autorité du Roi, feroit répa ré, & les chofes mifes en l'état où elles étoient auparavant. » C'eft qu'une entreprife fi formelle contre les Loix fondamentales de l'Etat avoit foulevé tous les efprits, & déterminé enfin le Roi même à laiffer agir fes Cours pour réprimer le Clergé. Nous avons marqué ailleurs les raifons pour lefquelles la Puiffance féculiere a toujours empêché la publication du Concile de Trente en France.

I X.

Nous croïons devoir rapporter ici en peu Principaux de mots les événemens les plus remarquables évenemens du Regne de Louis XIII, afin de ne point dur egnede interrompre ce que nous dirons enfuite des

Louis XIII.

affaires purement Eccléfiaftiques arrivées fous le même Regne.

Fr. de M. le

Les Etats généraux dont nous venons de Abr. Chr. parler, & qui fe féparerent fans avoir pro- de l'Hift. de duit aucun des bons effets que l'on en atten doit, font les derniers que l'on ait tenus. Préf. Hén. L'année fuivante 1615, le Prince de Condé premier Prince du Sang, toujours mécontent de n'avoir pas le principal crédit, fe retira de la Cour, & publia un manifefte fanglant contre le Gouvernement. Le Roi le déclara lui & fes adhérans criminels de Léze-Ma

jesté. On avoit publié quelque temps auparavant une double alliance entre la France & l'Espagne, en faifant époufer au Roi l'Infante d'Efpagne Anne d'Autriche, & à Elizabeth four du Roi le Prince d'Espagne, qui fut depuis Philippe IV. Le Roi alla à Bordeaux en 1615 pour la célébration de ces deux mariages, malgré les inquiétudes que les mécontens pouvoient lui donner dans fa marche. Il avoit fur-tout à fe défendre contre les infultes des Huguenots, aufquels le Prince de Condé s'étoit lié, malgré la haine qu'il leur portoit, & qu'il leur porta toute la vie. Il força la Régente de faire un Traité dont il fe promettoit de grands avantages. Mais cette Princeffe le fit bientôt arrêter & conduire à Vincennes. Plufieurs Seigneurs irrités de cet emprisonnement fe retirerent de la Cour, pour le préparer à faire la guerre. La Reine fe mit en état de défenfe. Toutes les faveurs étoient pour l'Italien Concini devenu Maréchal d'Ancre. Celui-ci fit Secrétaire d'Etat Armand-Dupleffis de Richelieu, Evêque de Luçon, qui dans la fuite fçut concentrer en Lui feul toute la puiffance Roïale. La guerre

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