GUIBERT, ABBÉ DE FLORENNES ET DE GEMBLOUX XII ET XIII• SIÈCLES. On a souvent répété que les œuvres de Guibert de Gembloux n'offrent qu'un mince intérêt pour l'histoire. Nous sommes loin d'attacher à ce personnage une importance égale à celle de ces grands moines qui dominèrent leur siècle, comme un Suger et un saint Bernard; mais, dans l'état actuel des études historiques, un écrivain du xır° siècle qui a laissé des écrits volumineux ne peut plus passer inaperçu. C'est ce que montrent suffisamment les nombreux emprunts qui ont été faits en ces derniers temps aux œuvres en grande partie inédites de Guibert. La suite de ce travail fera connaître un bon nombre de questions historiques dans lesquelles son témoignage a été invoqué incidemment; deux publications relativement récentes le concernent d'une manière spéciale. C'est d'abord le recueil des œuvres inédites de sainte Hildegarde, dans lequel le savant et regretté cardinal Pitra a compris les lettres de Guibert à la sainte dont il fut le directeur spirituel. Les Bollandistes, dans les travaux préparatoires aux Actes des Saints, n'ont pu oublier le confident de sainte Hildegarde, le moine qui par dévotion pour l'apôtre des Gaules se faisait appeler Guibert-Martin et consacrait sa vie à propager le culte du grand thaumaturge. Après avoir fourni d'utiles compléments à la publication du cardinal Pitra 2, 1 J. B. Card. Pitra, Analecta Sanctae Hildegardis opera Spicilegio Solesmensi parata. Analecta sacra, tome VIII. Mont Cassin, 1882, gr. in-8°. Cfr. D A. Battandier, Sainte Hildegarde, sa vie et ses œuvres, dans la Revue des quest. hist., tome XXXIII (1883), p. 395-425. 2 Analecta Bollandiana, tome I(1882): Annotationes ad nova S. Hildegardis opera edita ab Emo Card. Pitra, p. 597-609. ils ont mis au jour quatre lettres importantes de Guibert sur le pèlerinage de Tours au XIIe siècle', bientôt suivies d'un travail désormais indispensable à quiconque voudra étudier la vie et les écrits du célèbre abbé; nous voulons parler de l'analyse détaillée des principaux manuscrits de ses œuvres, complétée par la publication d'un grand nombre de pages inédites et de précieux éclaircissements 2. Avec de pareilles ressources, il est possible enfin de soumettre au contrôle de documents sûrs la biographic traditionnelle de Guibert. Nous n'étonnerons personne en disant qu'elle est pleine d'inexactitudes, d'erreurs et de contradictions chronologiques : l'histoire littéraire du moyen âge offre trop d'exemples en ce genre. Il faut le dire à la décharge des érudits qui se sont occupés de Guibert de Gembloux, la source principale de son histoire, c'est à-dire, sa correspondance, a été jusqu'ici peu accessible; maintenant qu'elle commence à être mieux connue, le moment semble venu de soumettre à une révision rigoureuse les détails qui nous ont été transmis sur sa vie. Nous essayerons de raconter cette vie avec des développements nouveaux, en nous attachant spécialement à fixer les dates des faits. Le lecteur familiarisé avec les études historiques n'ignore pas quelles conséquences peut avoir une erreur chronologique, même dans l'histoire particulière des personnes et des lieux car de là elle passe dans l'histoire générale et va y créer aux chercheurs des embarras parfois inextricables. La précision dans les supputations chronologiques est surtout importante, autant que difficile, dans une étude appuyée presque toute entière sur un recueil de lettres non datées, où règne un certain désordre. A ces titres, on nous pardonnera les nombreuses discussions qui devront interrompre le récit. 1 Analect. Boll., tome III (1884), De cultu S. Martini apud Turonenses extremo saec. XII, epistolae quatuor, p. 217-257. 2 Catalogus codd. Hagiographicorum bibliothecae regiae Bruxellensis, cdiderunt Hagiographi Bollandiani. Pars 1, tom. I (1886), 8°. Signalons surtout la description des mss. 5387-96, p. 484-506; mss. 5397-5407, p. 506514; mss. 5527-34, p. 529-577; mss. 5535-37, p. 577-582. |