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Que signifie ce dernier article? que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques; c'est à dire, qu'elle y soit ou non exprimée, le défaut de satisfaire à l'engagement donn lieu à la résolution.

Si la clause résolutoire est tacitement inhérente au contrat, elle a la même force que si elle était expresse: eadem vis est contractus taciti, quam expressi. Mais le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix, ou de forcer l'autre à l'exécution, ou d'en demander la résolution avec dommages intérêts, mais la résolution doit être demandée en justice.

L'article 1184 semble avoir ainsi renfermé les deux cas prévus par Pothier, celui ou la clause est exprimée, et celui ou elle ne l'a pas été.

Cependant Pothier paraît établir une nuance entre le cas de la stipulation expresse, et le cas ou la résolution naît tacitement de l'inexécution, en ce que dans le premier cas, après une sommation, le résiliment devrait être prononcé, et que dans le second il dépen· drait encore du juge d'accorder un délai au débiteur.

Nous avons observé que, suivant l'article 1139, une sommation ou un autre acte équivalent suffit pour cons tituer le débiteur en demeure ;' qu'il peut aussi être mis en retard par l'effet de la convention, si elle porte que le débiteur sera en demeure sans qu'il soit besoin d'acte, et par la seule échéance du terme.

Quel est l'effet de cette demeure? c'est de produire des dommages intérêts contre le rétardataire, ce qui

s'accorde avec l'article 1146, ou de mettre la chose aux risques du débiteur faute de la livrer, tandis que suivant l'article 1184 il s'agit de la résolution du contrat avec dommages-intérêts ou de son exécution au choix du créancier.

La demeure ne fait pas condition, et l'article 1184 est relatif au cas où dans une convention bilatérale 2 l'inexécution de l'engagement opère la révocation du contrat qui contient la condition résolutoire, soit formellement, soit tacitement.

Nous avons également observé que les effets de l'obligation de douner ou de livrer un immeuble sont réglés particulièrement au titre de la vente.

La vente de denrées et effets mobiliers est aussi soumise à des dispositions particulières.

Selon l'article 1656, s'il a été stipulé lors de la vente d'immeubles que, faute de paiement du prix dans le terme convenu, la vente serait résolue de plein droit, l'acquéreur peut néanmoins payer après l'expiration du délai, tant qu'il n'a pas été mis en demeure par une sommation; mais après cette sommation le juge ne peut pas lui accorder de délai.

Voilà encore un cas où le code tient un milieu entre le droit romain et l'ancienne jurisprudence française.

En matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation au profit du ven« deur après l'expiration du terme convenu pour le retirement ». (Art. 1657.)

Tome III, No. 1.

Ici la disposition est totalement conforme au droit

romain.

Ainsi le contrat de vente a ses principes particuque l'on liers ce n'est pas le lieu d'examiner ici ce doit comprendre sous l'expression d'effets mobiliers; si elle est déterminée par la définition que donne l'article 535, elle renferme tout ce qui est meuble, mėme les animaux, les troupeaux, etc.

Comme la vente d'immeubles, de denrées et effets mobiliers, le bail a aussi ses règles pour la rẻsolution du contrat.

Le contrat de louage (dit l'article 1741) se résoud par la perte de la chose louée et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagemens.

Cette disposition est générale; mais la loi indique les cas particuliers où la résolution peut être demandée, soit de la part du bailleur, soit de celle du preneur.

Les obligations du propriétaire sont tracées dans le code, ainsi que celles du fermier ou locataire ; lit aussi les cas où chacun d'eux a la faculté de demander le résiliement du bail.

on y

Une des conditions imposées au preneur est de payer le prix du bail au terme convenu. (Art. 1728, $ 2.)

S'il ne paie pas, qu'en résulte-t-il? Que le propriétaire a le droit de poursuivre et de faire pro

noncer la résiliation dans le terme qui sera imparti au preneur s'il ne satisfait pas.

L'article 1766, après avoir détaillé plusieurs cas où le preneur d'un héritage rural encourt le risque de la résiliation, dit: ou en général s'il n'exécute pas les clauses du bail; mais, loin d'exprimer que le bail sera révoqué de plein droit, l'article porte seulement que le bailleur peut faire résilier, suivant les circonstances.

Ce n'est donc qu'une faculté dépendant du fait et des circonstances, sur lesquels le preneur a ses exceptions; et comment ue les aurait-il pas ?

La loi n'a-t-elle pas prévu des cas où le fermier a droit à une remise du fermage et d'obtenir du juge la dispense provisoire de payer une partie du prix?

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La clause résolutoire, si le preneur ne paie pas au terme convenu, outre qu'elle est insolite, est au moins inutile, car elle est sous-entendue ; mais elle n'opère pas de plein droit. L'article 1728 ne le porte pas, et l'article 1766 n'accorde qu'une faculté dont l'exercice est subordonné aux circonstances et par conséquent à l'arbitrage du juge on pourrait appliquer ici l'article 1184.

:

Qu'importe que le bail contienne un premier terme ordinaire et un second terme de six semaines de plus à peine de résiliation!

Cette clause est bonne pour tenir le fermier en respect, mais elle ne laisse pas d'être comminatoire,

Qu'est-ce qu'un délai de six semaines de plus ?

quel est le propriétaire qui exige son fermage et quel est le fermier qui le rende à terme nommé ?

Cependant, s'il y a demeure, il y'a action en résiliement, soit qu'il n'y ait qu'un terme ordinaire soit qu'il y en ait un autre plus rigoureux, c'est défaut de remplir l'engagement, et le cas de l'application des articles 1741 et 1766.

A-la-vérité cette sorte de stipulation, par laquelle le preneur s'obligeait à payer à un terme ordinaire ou dans les six semaines suivantes, à peine de résolution, était usitée en Flandre et en Brabant; mais il est certain qu'en Flandre elle était comminatoire, et que la demeure pouvait se purger. C'est ce que la cour d'appel a jugé, d'après la jurisprudence attestée par les arrêtistes; et, quant au Brabant, il paraît au rapport des jurisconsultes que la jurisprudence a varié, parce qu'en dernier lieu on avait pris à la lettre quelques dispositions du droit romain dont les principes n'ont pas été reçus en France et qui ne sont entrés dans les dispositions du code civil que pour certains cas ou avec des modifications.

L'article 1139 apporte une modification au droit français, relativement au moyen de constituer en demeure et déterminer l'époque à laquelle le débiteur, tenu de donner ou livrer, est chargé des risques de la chose et des dommages intérêts.

Nous trouvons aussi une modification dans l'article 1656, au sujet de la vente des immeubles.

Observez néanmoins que ces deux modifications se rattachent à l'opinion de Pothier qui accorde moins de latitude au juge quand il y a une clause résolutoire.

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