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été observée. Il avait été reconnu que la syphilis s'était révélée, chez l'enfant, postérieurement à son admission et à son placement; que le médecin, chargé de visiter l'enfant périodiquement, s'était abstenu de s'acquitter de ce devoir aux époques prescrites, et que, si le médecin eût exécuté le règlement, il eût été à même de prendre des mesures de nature à empêcher le mal signalé (1).

Il est évident que, si l'administration confiait sciemment un enfant syphilitique à une nourrice, elle encourrait une responsabilité, dont elle ne saurait se décharger, alors même qu'elle soutiendrait, pour sa défense, que ni elle, ni le médecin ne pouvaient, sans violer le secret professionnel, révéler la maladie à la nourrice (2).

On peut déduire les principes suivants des décisions qui viennent d'être citées :

1° L'administration départementale est dégagée de toute responsabilité, lorsque les trois conditions ci-après sont remplies: A) il existe une réglementation, conçue avec prudence, et ayant pour objet d'empêcher, autant que possible les contaminations; B) cette réglementation a été observée par les agents de l'administration et par le médecin; C) les demandeurs n'ont pas établi de faute professionnelle à la charge du médecin.

2o Si une seule de ces trois conditions vient à défaillir, l'administration peut être déclarée responsable (3).

(1) Trib. Seine, 9 déc. 1886, inédit.

(2) Dijon, 14 mai 1868, Rotat (S. 69. 2. 12, P. 69. 97, D. 69. 2. 195). (3) Telle est la jurisprudence. Suivant nous, cependant, la responsabilité de l'administration peut faire doute dans le cas de faute professionnelle du médecin. Un médecin du service des enfants assistés, bien que choisi librement par l'administration départementale, sans aucun concours préalable, peut être difficilement considéré comme le préposé dont parle l'article 1384. En effet, du moment qu'il est pourvu du diplôme de docteur en médecine, comment l'administration pourrait-elle distinguer le médecin habile du médecin inhabile? Et, d'autre part, comment pourrait-elle exercer une autorité, au point de vue médical, sur les actes professionnels d'un médecin? - Il faut ajouter encore que, même si on admet la responsabilité de l'administration départementale, dans le cas de faute du médecin choisi par elle, il faut, dans tous les cas, décider que l'administration hospitalière, sous la tutelle de laquelle sont placés des enfants assistés, mais qui ne nomme pas médecins du service des enfants assistés, échappe à toute responsabilité, à

les

3o L'administration est fondée à exercer un recours contre le médecin, en cas, soit d'inobservation du règlement, soit de faute professionnelle, de la part de celui-ci : et, sans doute aussi, contre les agents de l'administration qui n'auraient pas observé le règlement.

§ 4. Services d'aliénés.

La gestion des services d'aliénés, confiée au département, entraîne des responsabilités analogues à celles qui résultent du fonctionnement des services hospitaliers.

L'administration est, en général, responsable des dommages causés à des tiers par le fait de vices de réglementation, du mauvais aménagement des locaux, enfin par les actes des agents, ses préposés.

pas

Dans le cas, par exemple, du suicide d'un aliéné, il convient d'examiner si l'administration ou les médecins n'auraient dû prévenir cet accident, en faisant enfermer le malade dans. une cellule d'isolement et si les gardiens n'auraient pas pu empêcher le suicide (1). Les mêmes questions sont soulevées, quand un aliéné s'évade et que son évasion est suivie d'accidents, ou bien encore, lorsqu'un aliéné a été frappé par un gardien.

Dans un quartier d'hospice affecté aux aliénés, le gardien avait omis de fermer une fenêtre dont il avait la clef. Un malade se jeta par cette fenêtre. L'administration fut condamnée à 1.000 francs de dommages-intérêts (2).

Il est à remarquer qu'à la différence de ce qui se passe dans les hôpitaux, les directeurs des asiles d'aliénés encourent une

raison des actes du médecin du service (Poitiers, 26 déc. 1892, dép. des Deux-Sèvres, précité).

(1) La même question se pose dans les hôpitaux, en ce qui concerne les malades atteints de fièvre intense ou de delirium tremens. Si le tribunal reconnait qu'aucune négligence n'a été commise, aucune responsabilité n'est encourue (Trib. Lyon, 17 juill. 1895, dame G... (Rev. des établ. de bienf., 1895, p. 373).

(2) Orléans, 13 juill. 1898, hosp. d'Orléans (J. des cons. de fabr., 1899, p. 100).

responsabilité personnelle et directe, exclusive de celle de l'administration, des actes, causant préjudice à des tiers, et imputables aux gardiens et infirmiers, qui sont nommés par eux et non par l'administration départementale (1).

(1) D'après un jugement du tribunal du Mans, du 13 mai 1896, Giancoli, (Rev. des établ. de bienf., 1896, p. 242), les quasi-délits, résultant du fait des gardiens, nommés par les directeurs des asiles d'aliénés et placés sous leur autorité, engagent la responsabilité des directeurs, et non celle des départements.

CHAPITRE III

RESPONSABILITÉ PERSONNELLE DES AGENTS

§ 1. Administrateurs (1).

Les membres des commissions administratives des établissements publics d'assistance peuvent encourir des responsabilités personnelles et directes, soit à l'égard des tiers, soit à l'égard des établissements mêmes qu'ils représentent.

A l'égard des tiers, ils sont, en général, personnellement responsables des actes qu'ils ont accomplis comme représentants de l'administration, alors qu'ils n'avaient pas été autorisés à les accomplir, ou alors qu'ils ont agi, soit contrairement aux autorisations intervenues, soit en dépassant les limites fixées dans ces autorisations.

Ainsi, des administrateurs, qui, sans autorisation, contractent un emprunt pour leur établissement, ou ordonnent des fournitures et des travaux, n'engagent pas l'établissement et n'obligent qu'eux-mêmes; ils peuvent être poursuivis personnellement sur leurs biens particuliers.

Des décisions dans ce sens sont intervenues, notamment, au sujet de travaux, en ce qui concerne des maires, agissant au nom de communes (2), et il n'est pas douteux que les solu

(1) Les actes que peuvent accomplir les administrateurs d'établissements d'assistance sont relatifs, soit à la gestion du service public, soit à la gestion des biens. On admet, généralement, que, dans l'une et l'autre de ces gestions, leurs fautes personnelles engagent leur responsabilité propre. V. sur ces questions, Berthélemy, Traité élém. de dr. adm., p. 29 et s., 56

et s.

(2) Cons. d'Ét., 21 nov. 1879, Pastré (D. 81. 3. 77); 8 déc. 1882, Poy (D. 84. 3. 46).

tions doivent être les mêmes, en ce qui concerne les administrateurs des établissements publics d'assistance.

Cependant, si des travaux exécutés ou des fournitures commandées sans autorisation étaient l'objet d'une autorisation ultérieure, donnée à titre de régularisation, l'irrégularité, qui avait donné ouverture à une action contre les administrateurs, se trouverait couverte.

Aux termes de l'article 132 du Code de procédure civile, les administrateurs, qui ont compromis les intérêts de leur administration, peuvent être condamnés aux dépens, en leur nom et sans répétition, et même à des dommages-intérêts, s'il y a lieu, et sans préjudice de la destitution, suivant la gravité des circonstances.

Cet article ne peut être appliqué que s'il y a réellement faute commise par les administrateurs incriminés.

Ainsi, il a été jugé que le président d'un bureau de bienfaisance ne peut être condamné personnellement aux dépens par un arrêt qui annule une saisie-exécution pratiquée à la requête du bureau de bienfaisance sur le mobilier d'un curé, à l'effet de contraindre celui-ci à verser à la caisse du bureau le produit d'une quête faite dans son église, lorsque les juges d'appel, d'une part, ne contestent pas que le président a agi, dans ce cas, comme délégué du bureau, dont il exécutait les délibérations, en vertu d'autorisations régulièrement données, et, de l'autre, ne relèvent contre lui aucune faute personnelle(1).

Au contraire, lorsqu'un établissement d'assistance a succombé dans un procès, et qu'il est démontré que ce procès été occasionné par la faute des administrateurs, « sous l'in«fluence d'un inqualifiable esprit de tracasserie, qui avait compromis, de la manière la plus grave les intérêts à la garde desquels ils étaient préposés, >> les administrateurs peuvent être condamnés personnellement aux frais du procès, alors même qu'ils n'auraient engagé ce procès qu'avec l'autorisation du conseil de préfecture (2).

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(1) Cass., 21 mars 1883, Gouville (S. 84. 1. 148, P. 84. 1. 353, D. 84. 1.397). (2) Cass., 13 juill. 1857, bur. de bienf. de Crévecœur (S. 58. 2. 181, P. 58. 50, D. 58. 1. 348). Demolombe, t. 26, n. 280 bis. Le même arrêt déclarait les administrateurs solidairement responsables de la condamnation à l'amende et aux dépens.

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