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teurs de la prestation usagère de la commune de Bourberain et intéressés au même titre que lui;

Par ces motifs, la Cour, faisant droit sur l'appellation interjetée du jugement du tribunal de première instance de Dijon du 18 avril 1855, met à néant le jugement dont est appel; réformant et prononçant par jugement nouveau, déboute la commune de Bourberain de la partie de ses conclusions tendant à des dommages-intérêts et au repeuplement de la partie de la forêt de Velours défrichée par Perriquet; fait défense à Perriquet de continuer ses défrichements, à défaut d'avoir fait déterminer, contradictoirement avec les autres adjudicataires de la forêt de Velours, intéressés au même titre que lui, l'étendue du sol forestier dont le défrichement pourrait être opéré sans nuire aux droits résultant pour la commune usagère de la transaction du 16 décembre 1828, tous droits des parties à ce sujet demeurant réservés, etc. »

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La commune de Bourberain s'est pourvue en cassation contre cet arrêt pour violation des articles 637, 686, 700, 701, § 1er, et 1134 du Code Napoléon, en ce que la Cour, après avoir reconnu et constaté l'existence d'un droit de servitude réelle de paisselis en faveur de la commune demanderesse sur la portion de forêt appartenant au sieur Perriquet, a néanmoins déclaré que cette servitude ne doit pas nécessairement porter sur la totalité de cette portion de forêt, et a en conséquence déclaré valable le défrichement opéré par ce dernier d'une certaine étendue de bois, réservant même ses droits pour un défrichement plus considérable. L'article 701, disait-on, porte que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à la rendre plus incommode, et c'est d'ailleurs un principe constant que le droit d'usage établi sur un immeuble peut, à moins de convention contraire, s'exercer indistinctement sur toutes les parties de cet immeuble, dans la limite fixée par l'acte constitutif. Or, les transactions intervenues à diverses époques entre les propriétaires de la forêt et la commune de Bourberain ne limitaient point l'exercice et l'application du droit de la commune. C'est donc à tort que la Cour de Lyon a autorisé le sieur Perriquet à défricher une portion de la forêt.

ARRET (après délib. en Ch. du Cons.).

LA COUR ; - Vu les articles 701 et 1134 du Code Napoléon ;

Attendu que, suivant la règle générale contenue dans l'article 701 du Code Napoléon, et sauf les dérogations à cette règle qui seraient autorisées par une convention ou par une loi spéciale, le propriétaire du fonds servant ne peut faire dans l'état des lieux aucun changement tendant à diminuer l'assiette de la servitude et les garanties données pour en assurer l'exercice;

Attendu, néanmoins, que telle serait la conséquence du défrichement que le défendeur prétend avoir la faculté d'opérer et qu'il a déjà opéré partiellement dans la portion acquise par lui de la forêt de Velours, affectée en entier à l'exercice du droit d'usage des habitants de la commune de Bourberain par la transaction du 16 décembre 1828;

Attendu que si l'arrêt attaqué établit, en thèse générale, qu'un pareil changement dans l'état des lieux peut être autorisé par les tribunaux au moyen du pouvoir qui leur appartient pour la conciliation des droits du propriétaire et de ceux des usagers, suivant les circonstances et les dispositions des contrats, ledit arrêt ne constate point dans l'espèce qu'aucune disposition de la transaction du 16 décembre 1828 ait laissé la faculté d'apporter, à l'avenir, une limitation dans l'étendue de l'affectation de la forêt de Velours au droit d'usage de la commune de Bourberain, et qu'ainsi, la dérogation dont il s'agit au principe posé dans l'article 701 ait été justifiée par la convention qui fait la loi des parties;

D'où il suit qu'en maintenant le défrichement opéré par Perriquet, et en autorisant même à le continuer sous la condition de faire déterminer contra

dictoirement avec les autres adjudicataires l'étendue du sol forestier dont le défrichement pourra être opéré sans nuire aux droits de la commune usagere, l'arrêt attaqué a formellement violé les articles 701 et 1134 du Code Napoléon; Par ces motifs, CASSE.

Du 17 mars 1862. =

(MM. Pascalis, prés. ; Quénault, rapp.; de Marnas, 1er av. gén., c. conf.; Collet et Clément, av.)

N° 105.

-COUR DE CASSATION (Ch. crim.). 20 mars 1862.

Délit forestier, faux marteau, peines, cumul.

L'article 365 du Code d'instruction criminelle prohibitif du cumul des peines est inapplicable en matière forestière (1).

Par suite, l'adjudicataire reconnu coupable d'apposition de fausses marques forestières et de déficit de réserves dans une même coupe, est passible de l'amende édictée par le Code forestier pour ce dernier délit, bien qu'il ait été déjà, pour le premier fait, condamné à la réclusion (2).

(Forêts c. Gilles.)

Par procès-verbal du 18 décembre 1860, il a été constaté que 34 arbres (30 chênes et 4 érables), portant l'empreinte d'un faux marteau, avaient été abattus et enlevés dans une coupe de la forêt domaniale d'Aulnay, dont le sieur Gilles était adjudicataire pour l'exercice 1858.

Le sieur Gilles, accusé de contrefaçon du marteau de l'Etat et d'usage dudit marteau, a été traduit devant la Cour d'assises des Deux-Sèvres et, par arrêt du 5 mars 1861, condamné à six ans de réclusion.

Il a été, en outre, traduit devant le tribunal correctionnel de Melle, sous l'inculpation d'abatage et enlèvement de 34 arbres réservés, et l'agent local a conclu contre lui à 1,344 fr. 13 c. d'amende, à même somme à titre de restitution, à pareille somme à titre de dommages-intérêts et aux frais.

Par jugement du 25 mai 1861, le tribunal a condamné le sieur Gilles aux dommages-intérêts, à la restitution et aux frais, mais il a refusé de prononcer l'amende requise d'après ces motifs:

«Que Gilles a été condamné à six ans de réclusion pour contrefaçon d'un marteau de l'Etat et usage de faux marteau à l'aide duquel le délit dont il est inculpé a été commis; Que l'amende est une peine, art. 9 et 464 du Code

pénal;

« Qu'aux termes de l'article 365 du Code d'instruction criminelle qui, dans sa généralité, embrasse toutes les peines, sans distinction, corporelles et pécuniaires, l'amende encourue pour le délit dont il s'agit doit être confondue avec la peine plus forte, celle de la réclusion;

«Que si, dans les matières fiscales, les amendes n'ont pas un caractère purement pénal, parce qu'elles sont une réparation du dommage réel ou présumé occasionné par la fraude, il ne peut en être ainsi en matière forestière et particulièrement dans l'espèce où le préjudice est réparé et par une somme allouée pour la restitution et une autre pour les dommages-intérêts; Qu'en con

(1-2) Voir, en ce sens, crim. cass., 5 septembre 1846, affaire Rabault, A. F. B., 3, p. 276; voir aussi, crim. cass., 21 et 28 juin 1845, affaire Houvat et Volle, Id., p. 21 et 63; 26 décembre 1845, affaire Gely et Mensillon; 6 mai 1847, affaire Quebeillat, Id., 4, p. 129, et 24 mai 1850, affaire Barnavol, Id., 5, p. 164; Dalloz, Jur. gen., vo FORÊTS, no 336; Meaume, Comment. du Code forest., no 1336. - Voir enfin, en matière de pêche, Metz, 15 février 1860, affaire Benoît-Lechain, B., 8, p. 309.

séquence, on ne peut dire que les amendes prononcées pour les délits forestiers sont des réparations civiles, car il ne s'y mêle rien de civil, et la loi ne leur donne aucune destination spéciale au profit de tiers; que si, à raison de la différence et de la variété des délits qui peuvent se commettre dans les forêts, la législation a dů proportionner l'amende à la gravité du fait et en fixer le taux sur le dommage causé, elle n'en est pas moins une peine qui doit être absorbée par une plus forte;

«Que l'article 187 du Code forestier qui rappelle certains articles de celui d'instruction criminelle n'a pour objet que la poursuite des délits, et qu'aucune de ces dispositions ni de celles des articles du même Code, ne sont contraires à l'application de l'article 365 du Code d'instruction criminelle aux délits et crimes en matière forestière;

Que si, dans l'espèce, le taux de l'amende a été déterminé, il ne l'a été que pour fixer celui de la restitution et que si, dans tous les cas, il у a nécessité d'en déterminer le montant, puisqu'elle est le point de départ des dommages et intérêts, il n'y a ni obligation ni devoir pour le juge de la prononcer, car le délinquant ne peut ni ne doit souffrir de la division de la poursuite.»

Ce jugement a été frappé d'appel par le sieur Gilles sur le chef relatif aux dommages-intérêts, et par l'agent forestier local, sur le motif que le prévenu aurait dû être condamné à l'amende requise contre lui.

Par arrêt du 1er août dernier, la Cour impériale de Poitiers, adoptant les motifs des premiers juges, a rejeté le double appel et confirmé la décision attaquée.

L'administration des forêts s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, pour fausse interprétation de l'article 365 du Code d'instruction criminelle et violation des articles 33, 34 et 192 du Code forestier.

Les moyens produits à l'appui de ce pourvoi peuvent se résumer ainsi : L'article 365 du Code d'instruction criminelle dispose in fine: « Qu'en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. »

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Cet article, il faut le reconnaître, consacre dans nos lois pénales, en termes explicites, un principe général, celui du non-cumul des peines. Par application de ce principe, un individu qui a commis un crime entraînant au maximum une peine de dix années de travaux forcés et un autre crime entraînant cinq années de la même peine, ne pourra être condamné à quinze années, la peine cumulée, mais à dix années, la peine la plus forte.

Des motifs d'humanité expliquent cette solution lorsque les peines encourues sont corporelles; mais lorsqu'elles ne sont pas afflictives ou lorsqu'elles sont de nature différente, sans identité ou analogie, le non-cumul pourrait n'être qu'une prime à l'impunité. - Aussi, le principe général de l'article 365 précité doit souffrir des exceptions.

Ces exceptions auront lieu dans deux cas : 1o A raison de dispositions spéciales du législateur, par exemple dans les cas prévus par les articles 220 et 245 du Code pénal; 2o A raison de la nature des peines.

Ainsi, l'emprisonnement, peine corporelle, et l'amende, peine pécuniaire, sont des peines distinctes quí, par suite, peuvent se cumuler. Non-seulement les peines pécuniaires peuvent se cumuler avec des peines d'une autre nature, mais elles peuvent se cumuler entre elles.

Ces principes ont été consacrés en de nombreuses circonstances, notamment en matière de douanes, de contributions indirectes, etc. Ainsi, il a été jugé que l'amende prononcée par la loi des 22 août 1791 et 4 germinal an II, contre ceux qui ont maltraité les préposés des douanes, peut être réclamée par l'administration, concurremment avec l'action intentée par le ministère public et cumulée avec la peine portée par l'article 231 du Code pénal (Cassation, 16 décembre 1831).

Il a été jugé également que l'amende pour contravention aux lois sur la

fabrication des médailles peut se cumuler avec la peine de l'emprisonnement encourue pour délits distincts d'émission de médailles séditieuses (cass. 8 décembre 1832).

Un arrêt du 14 novembre 1832 a décidé, conformément à ces principes, l'amende encourue pour fait d'usure se cumule avec la peine des travaux forcés à temps encourue pour crime de faux.

que

En matière forestière, il est de jurisprudence que les amendes peuvent se cumuler entre elles. Si le même individu comparaît devant le même tribunal, sous l'inculpation de plusieurs délits ou contraventions, il doit être condamné non pas à une seule amende, la plus forte de celles qui seraient encourues, mais à autant d'amendes qu'il y a de contraventions diverses. Ce point a été formellement tranché par la Cour suprême. Un individu, le sieur Houvat, avait commis le double délit de coupe de bois et de feu allumé en forêt. Une double amende avait été requise contre lui, et la Cour impériale de Pau avait cru devoir ne prononcer que la plus forte des deux. La Cour suprême, par arrêt du 21 juin 1845, a cassé la décision attaquée, d'après ces motifs:

« Qu'en droit, tout délit est passible d'une peine spéciale, s'il n'en est autrement disposé par la loi; Que si l'article 365 du Code d'instruction criminelle prescrit qu'en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits la peine la plus forte soit seule appliquée, aucune disposition du Code forestier n'admet cette régle quant aux délits prévus par ce Code; - Que l'article 187, qui énumère les dispositions du Code d'instruction criminelle applicables en matière forestiere, n'y comprend pas l'article 365 précité; que ce dernier article ne peut, des lors, être invoqué lorsqu'il s'agit de poursuites exercées contre un individu à raison de plusieurs délits forestiers;

«Que l'application de l'article 365 ne pourrait se concilier avec le système admis en général par le Code forestier dans la détermination des peines qu'il prononce; qu'en effet, ces peines sont proportionnées, dans presque tous les cas, à la quotité du dommage causé, ainsi qu'il résulte des articles 192, 194, 196, 199 et 202; que cette proportion, base de la pénalité et des prescriptions de la loi en ce qui concerne les dommages-intérêts, serait détruite si une seule peine était prononcée en cas de conviction de plusieurs délits. D

Si, en matière forestière, les amendes peuvent se cumuler entre elles, elles ne peuvent pas moins se cumuler avec des peines d'une autre nature : l'emprisonnement, la réclusion, les travaux forcés.

Le système contraire, s'il était admis, aurait les plus fâcheuses conséquences. Un adjudicataire, menacé d'une amende considérable, commettrait à dessein un délit qui l'exposerait à quelques jours de prison, comme par exemple, le délit d'arrachis de plants dans les circonstances prévues par l'article 195 du Code forestier; le délit d'insultes envers les agents de l'administration. Ainsi placé sous le coup d'une peine corporelle, il soutiendrait que la liberté est préférable à l'argent; que l'amende est au-dessous de la prison et que, puisqu'il a mérité d'être condamné à l'emprisonnement, il ne peut être condamné à l'amende.

Enfin, il est une autre considération, qui tend à prouver que l'amende forestière doit pouvoir se cumuler avec une autre peine plus forte, la peine corporelle par exemple.

L'amende, même en matière forestière, a sans doute un caractère pénal ; mais ce caractère pénal est particulier, il est mixte; il tient aussi du caractère des réparations cíviles, même dans les cas où, comme dans l'espèce, des réparations civiles sont allouées sous forme de dommages-intérêts et restitution. L'amende elle-même entre dans la réparation du préjudice causé et la suppression de ladite amende aurait pour résultat de modifier, en les affaiblissant, les proportions de cette réparation. C'est ce que la Cour de cassation a décidé le 5 septembre 1846, affaire Rabault, dans une affaire qui présente avec l'espéce actuelle la plus grande analogie. Cet arrêt repose sur ces motifs :

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Qu'en droit, tout fait pénal comporte l'application d'une peine spéciale, à moins qu'il n'en ait été autrement ordonné par la loi ; — Qué si l'article 365 précité a dérogé à ce principe, en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, et si sa dispositon doit, en général, être étendue à toute matière criminelle et correctionnelle, quelles que soient la législation qui la régit et la nature des peines que cette législation a édictées, il n'en peut être ainsi quand il est manifestement inconciliable avec le système de répression auquel se rapportent l'un ou plusieurs des faits compris dans une poursuite collective, ou se rattachant à une prévention qui, bien que divisée, a une source com

mune;

Que l'amende forestière, nonobstant son caractère pénal, est soumise à des règles qui lui sont propres ; Que le taux de cette amende se mesure, dans presque tous les cas, sur la quotité des dommages causés; - Qu'ainsi elle n'est pas invariable;

Que, aux termes de l'article 202 du Code forestier, elle sert de point de départ à l'adjudication des dommages-intérêts; Que cet article n'admet pas que cette adjudication ait lieu sans que l'amende ait été préalablement prononcée par le jugement;

Que, envisagée sous ces divers rapports, elle ne saurait être ni détachée de chacun des délits auxquels elle s'applique isolément, ni, en cas de concours de l'un de ces délits avec un crime, absorbée par une peine plus forte sans détruire la proportion, qui, en cette matière, est la base de la pénalité; - Que, dés lors, l'arrêt attaqué, en refusant de condamner Rabault à l'amende, a fait une fausse application de l'article précité du Code d'instruction criminelle et violé les articles 192, 194, 196, 202 du Code forestier. >>

Il ressort évidemment des termes de cet arrêt, combinés avec la teneur de l'arrêt précité du 21 juin 1845, que le principe de non-cumul des peines n'est pas le principe forestier; que non-seulement les amendes forestières peuvent se cumuler entre elles, mais qu'elles peuvent se cumuler avec d'autres peines d'une nature différente; que, dès lors, dans l'espèce, la Cour impériale de Poitiers, en refusant de condamner le sieur Gilles à l'amende encourue pour délit forestier sur le motif que déjà, à raison du crime de faux marteau, il avait été condamné à la peine de la réclusion, a faussement interprété l'article 365 du Code d'instruction criminelle et violé, en ne les appliquant pas, les articles 33, 34 et 192 du Code forestier.

ARRÊT.

LA COUR; Code forestier; Sur l'unique moyen pris d'une fausse application du premier de ces articles; Attendu qu'en prescrivant que, au cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte soit seule prononcée, l'article 365 établit un principe général de pénalité applicable à toutes les infractions atteintes de peines criminelles ou correctionnelles qui n'ont pas été explicitement ou implicitement exceptées, soit par les dispositions particulières de la loi, soit par le caractère de réparations civiles attaché aux amendes en matière fiscale;

Vu les articles 365 du Code d'instruction criminelle et 34 du

Mais attendu que, en matière forestière, l'exception résulte implicitement de la nature de la répression et de l'ensemble des dispositions du Code forestier; qu'en effet le système de cette législation est de frapper le délinquant d'une répression pécuniaire égale au profit que devait lui procurer et au préjudice que causait au propriétaire de la forêt l'enlèvement de bois et autres productions utiles du sol, ou le pâturage;

Que, notamment, les articles 34, 192 et 194 fixent le taux de l'amende d'après le nombre, l'essence et la grosseur des arbres de délit ; que, toujours, les produits enlevés sont additionnés, et leur total sert à déterminer la quotité de l'amende, sans distinguer entre le cas où la coupe ou l'enlèvement

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