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exciter que l'indignation dans des lieux encore pleins de ses services et de sa loyauté.

Ce qui acheva de révolter les esprits, ce furent ces proclamations où des militaires sans pudeur forçant ou supposant peut-être les signatures de leurs subordonnés, se vantaient avec toute l'audace du crime, d'avoir les premiers donné l'exemple du parjure et de la rebellion; ce furent surtout les prétentions d'une armée dont le moindre corps se hasardant à publier des proclamations sur la politique et le gouvernement de l'état, semblait vouloir imiter ces Janissaires de Cons tantinople, ces Prétoriens de Rome, qui s'étaient arrogé le droit de nommer, déposer ou assassiner leurs princes, et de disposer à leur gré de la couronne. Les officiers et les soldats de l'île d'Elbe ceux du 11. de ligne, ceux du 3.o du génie, ceux du 4. d'artillerie, en célébrant leur ignominie, s'érigeaient en législateurs armés, et, de leurs vœux parricides, osaient nous faire des lois. Les Lyonnais furent d'autant plus attentifs à cet égarement, que déjà, dans d'autres temps, ils s'étaient hautement et courageusement prononcés contre Buonaparte lui-même, lorsqu'en 1797, simple général d'armée, il osait du fonds de l'Italie, intervenir avec ses bayonnettes, dans les affaires de l'Etat, menaçant de repasser les Alpes, faisant remettre à toutes les autorités françaises, les séditieuses adresses de son état-major et des diffé

rentes divisions de son armée. « L'expérience de » l'histoire nous apprend, lui disaient-ils, que » si l'énergie des peuples fonda la liberté, une >> armée qui marche et veut agir en son nom, » ne peut que la détruire (1). »

Les autres décrets qu'il rendit à Lyon le 13 mars, qui avaient peut-être été rédigés à l'île d'Elbe, et qu'il n'osa laisser mettre au jour que le 18, cinq jours après son départ, appartiennent à l'histoire générale et sortent de mon sujet.

Buonaparte en quittant Lyon, voulut persuader à la France, à l'Europe, et à la ville elle-même, par une proclamation, qu'il en avait été reçu avec enthousiasme il termina ses adieux par ces mots qu'il crut sublimes, et qui n'étaient que burlesques: Lyonnais, je vous aime.

Ce fut le 13 mars, à deux heures après midi, qu'il s'éloigna en prenant la route de Paris. Sa marche jusques à la capitale ne fut qu'une longue scène d'anarchie, de licence, de trahison, de terreur et de deuil. Elle est connue.

(1) Voyez la réponse faite par le département du Rhône, au général Berthier, chef de l'état-major de l'armée d'Italie, concernant les adresses faites par l'étatmajor et par les différentes divisions de cete armée. ➡ De l'imprimerie de Ballanche et Barret, an V.

CHAPITRE QUATORZIÈME.

M. le duc d'Angoulême dans le midi. Il marche sur Lyon. - Il bat les rebelles à Montelimart, à Loriol, à Valence. Défections dans plu

Défection de deux régimens.

sieurs contrées du midi.

grader.

Le Prince obligé de rétro

Il est trahi et retenu prisonnier au Pont SaintEsprit. Il est relâché et s'embarque à Cette.

PENDANT

ENDANT que la défection de l'armée et la stupeur de la nation, aplanissaient à Buonaparte le chemin du trône, un grand nombre de bons Français et même de soldats fidèles, se rangeaient dans le midi, sous les drapeaux de M. le le duc d'Angouleme.

Ce prince était à Bordeaux, lorsque le 5 mars, le Roi lui adressa les pouvoirs nécessaires pour diriger la défense et les armemens des provinces méridionales (1), et se mettre à la tête de l'armée du Gard. Le principal noyau de cette armée ne devait être que de 3 à 4000 hommes; mais il pouvait être porté à 13,000 combattans, en y comprenant les troupes éparses dans les 8. et 9. divisions militaires. Le Prince établit le centre

(1) Rapport de M. le chancelier de France à la chambre des députés., du 11 mars 1815.

de son gouvernement à Toulouse, sous la direcrection du comte de Damas et du baron de Vitrolles, commissaires extraordinaires du Roi.

M. le duc d'Angoulème fut reçu dans ces contrées avec de grandes démonstrations d'enthousiasme. De toute part, des volontaires accoururent sous ses bannières. Les jeunes gens de l'école de médecine de Montpellier, formèrent à eux seuls un bataillon. Mais l'esprit des troupes de ligne, lorsqu'il lui fut connu, lui inspira plus de crainte que de confiance. Pour quelques corps fidèles et franchement prononcés, il eut la douleur d'en voir beaucoup d'autres qui chancelaient dans leur soumission, ou qui même avaient déjà été pervertis par les agens des factieux, et qui n'attendaient que l'occasion d'éclater. Il se vit obligé de désorganiser les uns, de disséminer les autres: il composa du surplus une réserve destinée à se porter sur tous les points où la rebellion pourrait se manifester.

Il donna au général Gilly, à Nimes, l'ordre d'organiser les volontaires qui seraient rassemblés dans cette ville, et de les diriger ensuite sur l'armée royale.

Il donna les mêmes ordres au général Merle, au pont St-Esprit, et le chargea d'en réparer la citadelle, pour servir de point d'appui aux opérations.

Le maréchal Pérignon arriva dans ces entrefaites. Après avoir donné tous ses ordres, le Prince passa

en Provence, où il arrêta un plan de campagne qui, seul et sans le secours de l'étranger, eût pu sauver la France, si l'une de ces trahisons qui rendent si exécrables les guerres civiles déjà si tristes par elles-mêmes, n'était venue le traverser ; c'était de marcher sur Lyon, où l'appelaient les vœux d'une immense population, et où pouvait s'affermir par un succès imposant, la fidélité de toutes les troupes du midi.

Ce fut à Marseille que M. le duc d'Angoulême alla chercher le noyau de l'armée active qu'il fallait créer pour l'accomplissement de ce dessein. Il y trouva une foule de vrais Français qui firent éclater les plus brûlans transports; tous juraient de mourir pour Dieu, pour le Prince, pour la patrie. Un orateur célèbre dans l'église, le même qui à Lyon, l'année précédente, s'était associé avec tant de courage et de gloire à la reconnaissance des Bourbons, M. l'abbé de Bonnevie, échauffait encore cet enthousiasme par le patriotisme religieux que respiraient ses discours, par la noble et sainte alliance qu'il y faisait de l'amour de Dieu et de l'amour du Roi. Douze à quinze cents volontaires sont en un instant armés et équipés pour cette croisade nouvelle; c'est à la tête de cette poignée de braves, qu'un Prince, modèle lui-même de tous les braves, marche à la délivrance de la nouvelle Jérusalem.

Cette petite troupe se trouva bientôt renforcée de plusieurs détachemens de volontaires de Vau

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