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royale, que de parler des désavantages des membres de la famille du roi, et de présenter comme une dégradation la haute part que ces individus ont reçue dans les droits politiques à l'exclusion de tout autre exercice!

» Les peuples, en créant la royauté, en considérant pour la tranquillité sociale qu'il valait mieux abandonner le choix des rois au hasard de la naissance que de livrer au tumulte des élections le besoin d'un souverain, n'ont sans doute pas entendu faire uniquement l'avantage et l'illustration d'une famille; ils ont voulu assurer le paix parmi eux. Arrivés à ce point de leur organisation sociale, ils ont, suivant l'heureuse expression de Mirabeau, vu un gouffre ouvert devant eux ; une famille l'a comblé ; et pour prix du repos que la société acquérait elle a donné à cette famille de grandes richesses, elle l'a investie de tout le lustre qui convenait à la dignité à laquelle elle l'a appelée.

>> On nomme cette séparation d'une famille faite par la Volonté et pour le bonheur du peuple une dégradation civile; on ambitionne encore quelque chose quand on est membre d'une famille à laquelle la nation a confié la fonction de régner héréditairement, et dans l'établissement des droits politiques on ne se trouve pas suffisamment doté par cette immense portion que l'on a reçue! Sans s'en apercevoir on se réunit ainsi à ceux qui veulent avilir la royauté pour la détruire, et qui dans leur incivique délire placent un citoyen éligible au-dessus du représentant héréditaire de la nation et des citoyens élus pour le suppléer! Est-ce par l'idée de pouvoir opérer l'anéantissement d'un pouvoir constitué, d'un pouvoir salutaire auquel est attaché le repos d'un grand empire; ou est-ce par un sentiment d'amour-propre qui porte à désirer les élections populaires; ou est-ce enfin pour pouvoir plus artistement se former un parti et pour avoir une existence, plus forte quand elle sera composée des droits au trône et de l'exercice des autres fonctions politiques? Il nous est défendu de nous prêter à ces divers sentimens; c'est la chose publique qui nous est confiée; c'est un bon ́ gouvernement qu'il nous faut établir; c'est entre des dangers et des avantages que nous avons à opter les citoyens élus

pour régner héréditairement sont sous cette qualité très avantageux à la nation; rendez compatibles la délégation dont ils sont investis et les autres délégations sociales, ils deviennent extrêmement dangereux. Parcourez les diverses fonctions qui pourraient être liées avec la fonction éventuelle à laquelle ils sont appelés: vous ne vous attendez pas qu'ils seront juges, administrateurs; croyez qu'ils se rappelleront la grande dignité que la nation leur a départie pour mépriser en quelque sorte ces honneurs populaires, quand même ils seraient en état de mériter la confiance qu'on leur accorderait. Mais ils pourront être élus représentans du peuple; peut-être ne dédaignerontils pas d'être les chefs d'une commune; peut-être même ils solliciteront des ambassades; ils seront peut-être ministres... Ai-je besoin de m'étendre sur les inconvéniens qui présente la délégation possible de ces fonctions dans les élections? Un homme qui peut parvenir au trône, qui est désigné pour y parvenir héréditairement, est quelquefois sans caractère, sans mœurs, sans capacité, et cependant un homme très subjugant; il est aperçu non par ses talens, mais par sa seule

ou,

personne;

il attire à lui tous les suffrages sans être estimé; il porte presque sur son front la distinction que la nation a donnée à sa famille; cherche-t-il à la faire oublier par son air populaire, il se rend plus séducteur; semble-t-il se la rappeler, il n'offre aux citoyens que des moyens d'obtenir leurs suffrages dans les assemblées représentatives. Prenez à votre choix pour y placer le membre de la famille du roi le moins propre à se créer un parti; il en aura un, ce qui est quelquefois la même chose, et ce qui plus souvent qu'on ne pense a de l'influence sur la chose poblique, il passera pour en avoir un : il est remarqué; il a nécessairement du crédit ; et, il ne faut pas se le dissimuler, les hommes qui ont tout cela font cercle autour d'eux; et si cet homme avait du talent, et s'ils sont deux ou trois parens qui forment une coalition, pensez-vous que l'Assemblée législative ne sera pas extrêmement influencée par eux? Croyez-vous que la liberté et le gouvernement soient bien en sûreté dans les ambassades? Ils vous feront à loisir des pactes de famille et non des traités nationaux, des contrats secrets portant échec aux intérêts généraux. Dans le ministère

uns après les autres dans la capitale pour former la garde du roi (oui, oui), et qu'on vous a présenté également le peu de convenance et même le danger réel qu'il y aurait que cette garde ne fût pas militaire, inconvenance qui serait vivement senţie par l'armée, et qui de plus, ne plaçant auprès du roi que des hommes sans état fixe, sans considération qui leur fût personnelle, les mettrait tellement à la dévotion de leur maître qu'ils ne pourraient se refuser à aucun de ses caprices, et par cette situation ne donneraient aucune garantie à la nation. Les inconvéniens de ce parti, beaucoup plus graves encore que ceux du premier, ont déterminé vos comités à vous proposer de donner au roi une garde qui fût militaire, mais dont le nombre fût déterminé, et dont les grades fussent les mêmes que ceux de l'armée; car vos comités ont pensé que les abus qui existaient dans l'ancienne maison du roi, où les simples gardes étaient lieutenans, où les officiers subalternes avaient des grades supérieurs, où un lieutenant était colonel, où un capitaine était quelquefois maréchal de France; que ces abus, dis-je, qui excitaient les plaintes continuelles de l'armée, ne devaient plus exister. Ils ont pensé aussi que les individus qui composeraient désormais la maison militaire du roi ne devaient pas plus que ceux de sa maison civile et domestique être susceptibles d'éligibilité dans les assemblées politiques, ces individus pouvant être supposés avoir un intérêt plus particulier pour la prérogative royale.

» Enfin les comités ont pensé que pour calmer des inquiétudes qui appartiennent aux circonstances actuelles il était utile de statuer que les personnes qui composeraient la garde du roi seraient prises dans l'armée de ligne et dans les gardes nationales actuellement en activité.

» Avec toutes ces précautions les comités ont cru avoir concilié tout ce que pouvaient réclamer les sollicitudes les plus inquiètes pour le maintien de la liberté, en même temps ce qu'il était convenable d'accorder à la sûreté et à la dignité du chef du pouvoir exécutif. Je demande en conséquence que l'avis du comité, avec la nouvelle proposition de M. Demeunier, qui établit que la maison du roi roulera sur elle-même pour l'avancement, je demande que ces propo

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sitions soient mises aux voix et adoptées. aux voix.)

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L'Assemblée décréta, sauf rédaction, les bases établies cidessus. (Elles forment dans la Constitution l'article 12 au titre III, chapitre II, section Ir, de la royauté et du roi. ) Le rapporteur passa immédiatement à l'article relatif aux droits politiques des princes.

Sur les droits politiques des membres de la famille royale.

L'Assemblée avait rendu applicables à tous les Français sans exception ses décrets sur la suppression de la noblesse, des titres, distinctions, etc.; seulement elle avait décrété que l'héritier présomptif de la couronne porterait le titre de prince royal. Dans la séance du 14 août 1791, lorsqu'on mit en délibération la section relative à la famille du roi, M. Goupil demanda que tous les membres de cette famille fussent qualifiés princes français, mais déclarés non susceptibles du titre et des fonctions de citoyen actif. La première partie de cette proposition essuya une vive réprobation; la majorité réclama la question préalable, et l'Assemblée décréta presque aussitôt qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la qualification de prince. Quant à la seconde elle trouva aussi des opposans; mais elle fut soutenue par les membres des comités, par M. Duport surtout, qui montra la liberté en danger dans l'admission des membres de la dynastie régnante aux élections populaires; il leur refusa absolument le titre de citoyen actif. Cependant l'Assemblée avait décidé que la question serait renvoyée aux comités; et c'est ce renvoi qui fait l'objet de la discussion suivante, dans laquelle nous verrons reproduire la double motion de M. Goupil.

M. Thouret. (Méme séance. ·24 août 1791.)

« L'article suivant est relatif à l'état des parens du roi dans l'exercice des droits politiques : les comités proposent l'exclusion... (Agitation.)

» Les raisons de principes constitutionnels et d'intérêt politique et social qui appuient cette proposition vous ont déjà été développées dans le premier débat qui a eu lieu sur cette

matière. Vous avez trouvé ces raisons assez importantes pour les renvoyer par un décret positif à l'examen de vos comités : nous pensons que l'exclusion de l'exercice des droits politiques dans la personne des parens du roi est fondée sur l'intérêt de conserver la pureté de la représentation nationale et le maintien de la distinction des pouvoirs. En effet, la famille dans laquelle la Constitution a placé, assuré et garanti la substitution au trône n'est sous aucun rapport dans l'état commun des autres familles du royaume ; elle a politiquement un droit très différent du droit commun des autres citoyens; et à raison de ce droit différent elle a aussi un intérêt différent; et pour le dire en un mot, c'est que le pouvoir exécutif est en quelque sorte le patrimoine de cette famille. Or s'il y a union entre tous les individus de cette famille il est indubitable qu'ils ont une sphère d'influence immense toujours tendante à établir les prérogatives de la couronne et les attributions du pouvoir exécutif: si au contraire ils sont désunis entre eux, et surtout désunis avec le chef, il résulte de là un foyer d'agitation, de troubles politiques et de désordres sociaux incalculables.

» J'ajoute qu'aucun principe n'est blessé quand la Constitution fixe une part exclusive, spéciale, héréditaire à la première des fonctions publiques, et la fixe par hérédité dans une famille; aucun principe, dis-je, n'est blessé de ce qu'on ne cumulera pas en même temps dans les individus de cette même famille l'exercice des droits de la représentation nationale; au contraire, l'exclusion de ces droits est une conséquence indubitable du principe. On a objecté qu'il ne pouvait pas être au pouvoir d'une Assemblée, même constituante, de priver de l'exercice des droits attachés à la qualité de citoyen actif un certain nombre d'individus qui sont cependant citoyens..... Je réponds qu'au contraire la Constitution en a le droit, par la raison qu'elle a eu le droit de placer la substitution perpétuelle et héréditaire de la couronne dans cette même famille. ( On murmure et l'on rit à droite.)

» L'interruption que je viens d'éprouver n'est pas je crois de nature à ébranler dans cette Assemblée l'évidence et l'imperturbabilité de ce principe; car à quel titre les parens du

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