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le 4 juin, un discours en faveur de la ville de Lyon, que l'on avoit dénoncée comme un foyer de contre-révolution; expression alors fort à la mode. Le 17 du même mois, il fit son fameux rapport sur la police des cultes, où il proposoit, à cet égard, une liberté entière, et la révocation des lois.antérieures, sans demander aux prêtres, ni serment, ni déclara tion, ni promesse; il vouloit même que l'on rendit aux églises leurs anciennes cloches: ce qui lui attira des plaisanteries des journaux patriotiques. Son rapport, fait d'ailleurs avec art, excita un grand intérêt dans le public, et une vive discussion dans l'assemblée; ses propositions furent appuyées, entr'autres, par MM. Pastoret, Boissy-d'Anglas, RoyerColard, alors très-prononcés contre le parti révolutionnaire; cependant elles ne furent pas entièrement adoptées. Camille Jordan étoit membre de la commission qui proposa, le 27 juin, , par l'organe de M. Dubruel, la révocation de la déportation, et des autres lois pénales portées contre les prêtres. Il s'éleva contre le directoire, qui faisoit marcher des troupes vers Paris:

Cette conduite et son courage l'exposèrent au ressentiment du parti le plus fort. Condamné à la déportation, après le 18 fructidor, Jordan parvint à s'y soustraire, et publia une lettre à ses commettans sur cette révolution; Hambourg, 1798, in-8°. Il ne reparut qu'après la chute du directoire (1), et se fit remarquer, dans les premiers temps du consulat, par une brochure anonyme, et intitulée: Véritable sens du Vœu national pour le consulat à vie, Paris, 1802, dans laquelle on trouva qu'il parloit en républicain, et qu'il s'écartoit des principes polítiques qu'il avoit professés jusque là. Cet écrit le rendit suspect à la police de Buonaparte, et l'auteur resta constamment à l'écart pendant le régime impérial. Mais, lors de la restauration, il reparut sur la scène, et se prononça pour le rétablissement de la dynastie légitime. Il fut employé à

(1) Les talens et les opinions de C. Jordan dans l'assemblée l'avoient fait regarder comme le chef des royalistes de Lyon, et il est ainsi présenté dans une assez singulière brochure, qui a pour titre: Robespierre qux frères et amis, et Camille Jordan aux fils légitimes de la monarchie et de l'Eglise, in-8°. de 32 pages, sans date. Cet écrit paroit être de 1798; c'est une exhortation supposée de Robespierre et de C. Jordan, l'un aux révolutionnaires, l'autre aux royalistes, sur leurs choix dans leurs élections futures. Cette exhortation, toute dans le genre ironique, paroît destinée à tourner en ridicule l'un et l'autre parti.

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cette époque dans plusieurs négociations. En 1815, le Roi le nomma président du collège électoral de Lyon; mais une maladie l'empêcha de remplir cette commission. Chargé de la même fonction, l'année suivante, dans le collége électoral de l'Ain, il fut nommé seul député, une scission déclarée ayant eu lieu entre les électeurs aussitôt après son élection. Il vota constamment dans la chambre avec la majorité de cette année, qui étoit la minorité de l'année précédente. Le 4 décembre 1816, il fut nommé conseiller d'Etat, en remplacement de M. Benoît, et, l'année suivante, il fut appelé dans les conseils des ministres qui se tinrent relativement au Concordat. Il cessa, en 1820, de.faire partie du conseil. On attribua cette disgrâce à la direction qu'avoit prise M. Camille Jordan, qui, en plusieurs rencontres, avoit voté et parlé dans le sens du parti libéral. Ce changement étonna beaucoup ceux qui se rappeloient les principes qu'il avoit soutenus autrefois, ses écrits contre la constitution civile du clergé, et ses discours aux cinq-cents, en 1797.

M. Jordan étoit depuis long-temps miné par une maladie organique, que les médecins avoient jugée incurable, et dont les progrès insensibles le forcèrent de se retirer entièrement de la chambre et des affaires. Il s'affoiblit par degrés, et mourut, le 19 mai au matin, après avoir été visité, dans ses derniers momens, par un ecclésiastique de sa paroisse, qui lui donna l'extrême-onction. Les opinions qu'il avoit manifestées depuis quelques années avoient causé quelque réfroidissement entre lui et ses anciens amis; cependant M. Jordan n'avoit point entièrement oublié les principes de religion auxquels il étoit si attaché dans sa jeunesse, et on le voyoit dans nos églises, même aux jours où l'assistance aux offices n'est pas d'obligation. Il étoit marié, et laisse des enfans, Il existe quatre frères de M. C. Jordan, parmi lesquels sont : M. Augustin Jordan, directeur de la division des affaires ecclésiastiques au ministère de l'intérieur, et M. le curé de Notre-Dame de Roanne.

Le Constitutionnel a donné un article en l'honneur de M. C. Jordan; il est inutile de dire qu'il l'a loué dans un sens précisément inverse du nôtre; il ne parle d'aucun des écrits que nous avons cités.

Les deux ouvrages, annoncés à la fin de notre dernier numéro, se trouvent chez Méquignon, rue des Grands-Augustius, et au bureau de ce journal; et non chez H. Nicole.

Mercredi 27 juin 1821.)

(No. 718.)

Sur quelques saints personnages nouvellement béatifiés

ou en voie de l'étre.

L'Eglise, malgré le dépérissement de la foi, offre toujours d'éclatans exemples de vertu, et compte parmi ses enfans de ces ames choisies qui marchent à grands pas vers la perfection, qui s'élèvent à un plus haut degré de sainteté, et qui semblent destinées à consoler la religion de ses pertes et à opposer une réclamation vivante aux scandales de nos mœurs. Ces exemplesfont, ce semble, d'autant plus d'impression qu'ils sont plus rapprochés de l'époque actuelle; et les pieux personnages des temps modernes, qui ont eu aussi à combattre l'esprit de leur siècle, et à lutter contre de plus grands dangers, paroissent avoir plus de force pour nous toucher, et pour nous porter à les suivre. Leurs noms ne figurent cependant point encore dans les recueils de vies de saints, ni même dans les dernières éditions de l'ouvrage d'ailleurs si estimable et si précieux de Butler et Godescard (1). C'est pour y suppléer, en quelque sorte, que nous allons présenter la liste de ceux qui ont été béatifiés dans ces derniers temps. Leur vie est peu connue parmi nous, et l'ex

(1) On ne sait pourquoi l'on ne trouve point dans Butler les noms de tous les bienheureux canonisés par Clément XIII, le 16 juillet 1767. Il donne des notices sur Jérôme Emiliani, Joseph Calasauz, Joseph de Copertino et Jeanne-Françoise Fremiot de Chantal, qui furent déclarés ce jour-là au rang des saints; mais il ne fait point mention de Séraphin d'Ascoli et de Jean de Kenti, qui furent proclamés en même temps. Séraphin d'Ascoli, frère chez les Capucins, mourut en 1604. Jean de Kenti, né, en 1397, au diocèse de Cracovie, étoit prêtre, et remplit tour à tour les fonctions de curé, de professeur en théologie et de missionnaire; il mourut le 24 décembre 1473. Butler ne parle pas non plus d'Ascagne, ou, en religion, François Caracciolo, béatifié par Clément XIV, quoiqu'il ait consacré des articles à Paul d'Arezzo et à Grégoire-Barnabé Barbadigo, béatifiés vers le même temps.

Tome XXVIII. L'Ami de la Relig, et du Ror. Q

trait que nous en donnerons, quelque succinct qu'il soit, peut édifier le lecteur, et tourner à la gloire de la religion.

A la tête de ces héros chrétiens nous devons placer le cardinal Joseph-Marie Tomasi, fils du duc de Palma, né à Alicate en Sicile, le 14 septembre 1649. Il entra dans l'ordre des Théatins, et s'y rendit célèbre par sa piété, son humilité, sa doctrine et ses travaux. Il joignoit à la prière et aux austérités l'étude de l'Ecriture, de la théologie et des langues savantes orientales, dans lesquelles il se rendit fort habile. Clément XI le fit cardinal, le 16 mai 1712. Tomasi ne changea rien à son genre de vie. Il prêchoit dans l'église de son titre, distribuoit de grandes aumônes, et exerçoit envers le prochain les œuvres de miséricorde. Il mourut le 1. janvier 1713. On trouve dans Je Moréri de 1759, tome X, la liste de ses écrits, qui ont été recueillis et publiés à Rome, 1747, 3 vol. in-4°., par les soins du père Vezzosi. Le titre de rénérable lui fut donné par décret de la Congrégation des Rits, en mai 1714, et sa béatification a été pro noncéé par Pie VII, en 1803, et célébrée avec pompe à Saint-Pierre. Voyez l'article Tomasi, dans le recueil des Ecrivains théatins de Vezzosi, Rome, 1780, 2 vol. in-4°. Cette famille offrit de grands exemples de piété. On publia, en 1658, la Vie du duc de Palma, père du cardinal, et, en 1662, ce le du vénérable Charles Tomasi, frère aîné du duc, et aussi religieux théatin. Une sœur du cardinal, Marie-Crucifice, religieuse Bénédictine du monastère de Palma, a mérité aussi que sa vie fût écrite, et que des procédures pour sa béatification fussent commencées.

Alphonse-Marie Liguori, évêque de Sainte-Agathe des Gots, dans le royaume de Naples, et fondateur d'une congrégation de missionnaires, est célèbre par sa piété, ses écrits et son zèle; il mourut, le jer. août 1787, à l'âge de 99 ans, et a été béatifié, par

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Pie VII, le 6 septembre 1816. Nous avons donné une idée de sa vie, no. 528, tom. XXI.

François de Posadas, Dominicain espagnol, né à Cordoue, le 25 novembre 1644, d'une famille noble, montra dès sa jeunesse le goût de la piété, et fit profession, en 1663, dans l'ordre de saint Dominique. Des humiliations qu'il éprouva ne firent que fortifier sa vertu. Il fut élevé au sacerdoce à Saint-Lugar, et s'acquit de la réputation par ses prédications et par la sainteté de sa vie. Il donnoit des missions dans les villes et les campagnes, dans les prisons, dans les hôpitaux, et rappeloit de toutes parts les pécheurs à Dieu; il n'étoit pas moins heureux dans le ministère de la confession, et l'onction de ses paroles avoit une grâce particulière pour toucher les cœurs. Un zèle qui n'étoit arrêté ni par les fatigues ni par les obstacles, la visite assidue des pauvres et des malades, des austérités étonnantes, une humilité qui lui fit refuser les évêchés d'Alguer et de Cadix, le faisoient regarder dans tout le midi de l'Espagne comme un saint. Il mourut, presque subitement, le 20 septembre 1713 (1), ayant célébré la messe le matin. Il a laissé des écrits de théologie et de piété. Vincent de Castro a publié un Abrégé de sa vie, Rome, 1818, in-12. Des informations ayant été faites sur ses vertus, Pie VII déclara, le 4 août 1804, qu'il les avoit possédées à un degré héroïque : le 5 mai 1817, le même pontife proclama deux miracles opérés par l'intercession du saint religieux, et, le 8 septembre, il prononça que l'on pouvoit procéder sûrement à sa béatification, dont la fête a été célébrée à Rome, le 20 septembre 1818.

François de Girolamo, Jésuite napolitain, naquit, le 17. décembre 1642, près Tarente, d'une famille honorable, fut ordonné prêtre en 1666, et entra chez

(1) Le Moreri de 1759 met sa mort en 1720; nous avons suivi cette fausse date dans nos Mémoires.

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