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criminelle. Sur ce point, la cour a donné acte de ce que le président n'a pas chaque fois demandé aux témoins si c'était de l'accusé présent qu'ils avaient entendu parler, et de ce qu'il n'a pas, dans ces cas, demandé à l'accusé s'il voulait répondre à ce qui venait d'être dit. Vous avez déjà reconnu et décidé que la formalité prescrite par l'art. 519 n'a rien de substantiel. La doctrine est d'accord sur ce point avec la jurisprudence, comme avec l'esprit de la loi suffisamment indiqué par Berlier dans l'exposé des motifs du titre III, livre II, du code d'instruction criminelle. Le législateur déclare en termes exprès qu'il n'a pas voulu, dans le nouveau code, maintenir les nullités trop nombreuses du code de l'an iv; et c'est apprécier à sa juste valeur la formalité de l'article 319 que de s'en référer, pour son accomplissement, à la prudence du président, lorsque d'ailleurs l'accusé n'a pas réclamé.

Nous vous propoQuatrième moyen. sons également le rejet du quatrième et dernier moyen. Voici le fait acté par la cour : « Le président a dit au jury que l'article 342 du code d'instruction criminelle contient seul les règles d'après lesquelles les jurés doivent former leur conviction, et que cette disposition ne renferme pas la maxime qu'un seul témoin n'est pas un témoin. » Pour avoir attiré l'attention des jurés sur les instructions contenues dans l'article 342, et dont le jury devait nécessairement prendre connaissance, le président a-t-il violé les articles 336 et 537 du code et l'article 7 du décret du 19 juillet 1831? A-t-il, contrairement à cet article 7, résumé l'affaire? A-t-il fait remarquer aux jurés les principales preuves pour ou contre l'accusé? En aucune façon. En attirant l'altention du jury sur l'article 342, il ne violait aucune prohibition de la loi, il ne portait aucun préjudice à l'accusé ; en faisant observer que l'article 342 ne renferme pas la maxime qu'un seul témoin n'est pas un témoin, il reproduisait, en d'autres termes, ces mots écrits dans l'article: « La loi ne leur dit point (aux jurės) : vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins. » Le président, en rappelant, comme il le devait, aux jurés les fonctions qu'ils auront à remplir, pouvait, sans encourir le reproche de ressusciter le résumé et la discussion des preuves pour ou contre l'accasé, relire aux jurės l'instruction de l'article 542; cette lecture, dont il se dispense ordinairement, il peut juger utile de la donner lui-même avant la délibération du jury, si, par exemple, et comme cela arrive souvent, la défense avait développé, sur le mode

PASIC., 1856, 1re PARTIE.

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de prouver les crimes, une théorie contraire à celle que trace cet article; n'est-il même pas infiniment probable que, dans cette affaire, la défense avait préconisé la maxime testis unus testis nullus, et, dans ce cas, le devoir du président n'était-il pas de prémunir le jury contre cette théorie surannée ?

Quoi qu'il en soit, le président était obligé de rappeler aux jurés les fonctions qu'ils ont à remplir; pour les remplir régulièrement, ils doivent se conformer à l'instruction de l'article 342; donc le président peut, s'il le juge opportun, rappeler en tout ou en partie soit le texte, soit le sens ou l'esprit de cette instruction. En le faisant, il ne peut violer les articles invoqués à l'appui du quatrième moyen.

Nous concluons au rejet du pourvoi avec dépens.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen, lirė de la violation du § 2 de l'art. 408 du code d'instruction criminelle, en ce que la cour d'assises a omis de statuer sur la demande de l'accusé tendante à ce qu'il fut donné acte 1o de ce que l'un des jurés de jugement, le sieur Van Assche, ne comprenait pas le français; 2o de ce que ni les questions posées au jury et conçues en langue française, ni les instructions données par le président aux jurės, et également conçues en langue française, n'avaient pas été traduites en flamand par l'interprète :

Attendu que le fait allégué par le demandeur, que le juré Van Assche ne comprend pas le français, ne résulte d'aucune pièce de la procédure;

Que ce juré n'a, à cet égard, élevé aucune réclamation soit lors de la formation du jury de jugement dont il a fait partie, soit lors du discours adressé au jury par le président de la cour d'assises, en vertu de l'article 312 du code d'instruction criminelle, soit lors du serment qu'il a prêté en langue française en sa qualité de juré, soit de la lecture, par le greffier, de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation, également en langue française, soit enfin pendant tout le cours des débats;

Attendu qu'après la clôture des débats et la prononciation de l'arrêt de condamnation, et alors que la mission du jury était terminée, la déclaration du juré Van Assche, qu'il n'aurait pas compris la langue dans laquelle l'instruction et les débats avaient eu lieu, eût été non recevable et irrelevante ;

Qu'en omettant de prononcer sur des demandes de l'accusé qui ne tendaient pas à

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faire usage d'un droit ou d'une faculté qui lui fût accordée par la loi, la cour d'assises n'a donc pu contrevenir à l'article 408 du code d'instruction criminelle.

Sur le second moyen, pris dans la violation de l'article 552 du code d'instruction criminelle, en ce que le réquisitoire du ministère public, tendant à l'application de la peine, n'a pas été traduit à l'accusé, alors qu'il ne comprenait pas le français, ce qu'établissent 1o son interrogatoire en flamand fait par le président de la cour d'assises à son arrivée dans la maison de justice; 2o sa renonciation à la traduction de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation, traduction dont la nécessité avait, par conséquent, été reconnue; 5o la nécessité, également reconnue, de la nomination d'un interprète pour l'audience; 4o enfin la traduction du français en flamand, par cet interprète, plusieurs fois constatée pendant le cours des débats :

Attendu que le procès-verbal de la séance constate qu'au début de la procédure le demandeur a déclaré renoncer à la traduction de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation, en ayant suffisamment compris la teneur;

Que, d'autre part, le même procès-verbal constate encore que, sur la demande qui lui a été faite par le président de la cour d'assises, s'il n'avait rien à répondre à ce qui venait d'être dit par le ministère public, il a répondu négativement;

Qu'il est donc suffisamment établi que le demandeur comprenait le français.

Sur le troisième moyen, consistant dans la violation de l'article 519 du code d'instruction criminelle, en ce que, après la déposition de chaque témoin, le président de la cour d'assises n'a pas demandé si c'est de l'accusé présent qu'il a entendu parler, et de ce qu'il n'a pas, dans ce cas, demandé à l'accusé s'il voulait répondre :

Attendu que les interpellations dont il s'agit ne sont pas prescrites à peine de nullité;

Que l'inaccomplissement de cette formalité, indiquée comme surcroît de précaution pour les cours d'assises seulement, ne pourrait avoir de l'importance que pour autant que, sur une demande de l'accusé ou des jurés de faire l'interpellation, le président eùt omis ou refusé d'y faire droit, ce qui n'existe pas dans l'espèce.

Sur le quatrième moyen, puisé dans la violation de l'art. 536, § 3, du code d'instruction criminelle, de l'article 7 du décret du 19 juillet 1851 et de l'article 556, § 2, du code

d'instruction criminelle, en ce qu'en remettant les questions aux jurés, le président de la cour d'assises leur a dit que la loi ne contenait pas la maxime qu'un seul témoin n'est pas un témoin, alors qu'il n'appartient pas au président d'interpréter la loi :

Attendu qu'aux termes de l'article 536 du code d'instruction criminelle, § 2, le président de la cour d'assises est tenu de rappeler aux jurés les fonctions qu'ils auront à remplir;

Que, dans l'espèce, en rappelant aux jurés que le principe qu'un seul témoin n'est pas un témoin ne se trouve pas écrit dans la loi, il s'est donc renfermé dans le cercle de ses devoirs et n'a pu contrevenir aux dispositions invoquées à l'appui du moyen ;

Et attendu que, pour le surplus, la procédure est régulière et qu'au fait déclaré constant par le jury la loi pénale a été justement appliquée;

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux dépens.

Du 28 avril 1856. 2e ch. Président M. De Sauvage. Rapp. M. Dewandre. Concl. conf. M. Faider, avocat général. Pl. MM. Verhaegen et Leclercq.

FAUX EN ÉCRITURE PRIVÉE. ELEMENTS.

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Troisième question. Lambert Schinkels, ici accusé, est-il coupable, comme auteur, du faux prémentionné?

Par suite de ces réponses, Schinkels fut condamné à huit années de reclusion par application de l'art. 147 du code pénal.

Pourvoi du condamné fondé sur un moyen unique.

Il est de principe, disait le demandeur, qu'un accusé ne peut être condamné pour crime de faux soit en écriture authentique, soit en écriture commerciale, soit enfin en écriture privée, qu'autant que les questions posées au jury renferment toutes les conditions caractéristiques du faux. Or, l'une des conditions substantielles de tout crime de faux est qu'il soit de nature à porter préjudice à autrui (cass. fr., 24 avril 1851; Dalloz, 1851, p. 265).

La première question posée au jury porte sur le fait matériel de la contrefaçon de signature et sur l'intention de nuire. Elle ne porte pas sur la possibilité de préjudice pour autrui résultant de l'écrit incriminé.

Dans la seconde question on parle, il est vrai, de préjudice. Mais l'on se borne à demander si par suite de la fausseté mentionnée dans la première question (ten gevolge der valschheid by de eerste kwestie vermeld), la* famille Keppens a éprouvé un préjudice de 512 francs 68 centimes.

Cette question n'équivaut point à celle de savoir si l'écrit incriminé pouvait, par luiméme, porter préjudice à autrui. Le jury, en répondant affirmativement à cette dernière question, n'a donc pu avoir en vue que le préjudice qui est résulté, pour la famille Keppens, de l'usage qu'a fait l'accusé de l'écrit mentionné dans la première question et contenant une fausseté telle quelle, ainsi que des manœuvres frauduleuses qui ont

accompagné l'usage de cette pièce. Par conséquent, les éléments essentiels du crime de faux en écriture privée ne sont pas constatés par les réponses du jury, et il a été fait une fausse application de l'art. 147 du code pén.

Il faut que la contrefaçon d'écriture et de signature puisse, par elle-même, porter préjudice à autrui; car si ce préjudice ne résulte que de manoeuvres frauduleuses et de l'usage d'un écrit qui ne renferme pas tous les éléments du faux, il n'y a plus crime de faux, mais simple délit d'escroquerie.

L'escroquerie, en effet, peut se commettre en prenant par écrit un faux nom. C'est ce qui est aujourd'hui hors de doute. Les discussions préparatoires sur l'art. 403 du code pénal le prouvent à l'évidence. On peut voir à ce sujet Chauveau et Hélie, Théorie du code pénal, no 5470 (édit. belge, augmentée par Nypels). Ces mêmes auteurs s'expriment comme suit au no 3471 : « L'usage «d'un faux nom par écrit constitue le crime de faux, lorsque l'acte dans lequel il est pris peut produire une obligation quelconque et causer préjudice à autrui, ou lorsque cet acte est destiné à constater les «faits qui s'y trouvent consignés. Cet usage, « au contraire, se range parmi les moyens

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d'escroquerie, lorsque l'acte ne renferme «ni obligation, ni décharge, ni convention, <<ni disposition qui soit de nature à léser des tiers, et qu'il n'a point, d'ailleurs, caractère pour constater les faits qui y sont énoncés. » Et au no 1480, ils avaient déjà «<dit: Une nuance, quelquefois assez délicate a à saisir, sépare l'altération constitutive du faux, des fausses allégations qui servent de moyens à l'escroquerie. La règle que « nous avons posée peut seule éclaircir les doutes. Il y a faux si les actes frauduleux employés par l'agent rentrent dans quelqu'un des cas exprimés par les art. 146 et u 147, s'ils renferment, par exemple, obli"gation ou décharge, ou s'ils émanent d'un

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bien commencement de preuve par écrit contre un tiers. Mais on veut faire une distinction en faveur du faux par contrefaçon d'écriture et de signature, pour soutenir que, dans ce cas, la possibilité de préjudice n'est pas une condition intrinsèque de l'écrit incriminé.

La réponse est facile, la possibilité de préjudice est une condition essentielle de tout faux en écriture, quel que soit le moyen employé. Comment donc pourrait-on prétendre qu'un écrit contient un faux punissable, si l'on ne constate pas qu'il renferme en lui-même cette condition essentielle? Et il en résulte, par une conséquence invincible, que le faux commis par contrefaçon d'écriture ou de signature doit contenir au moins le germe d'une obligation contre un tiers.

C'est ce que Chauveau et Hélie enseignent avec une grande force au no 1592 de leur Théorie du code pénal. Voici comment ils s'expriment « Il n'est pas besoin de faire << observer ici que cette contrefaçon ou alté<<ration ne peut prendre un caractère coupa«ble que quand elle peut porter un préju« dice... De là il suit qu'il n'y a contrefaçon « d'écriture, dans le sens de la loi pénale, « que lorsque l'écriture contrefaite forme « un acte quelconque susceptible d'engen«drer une obligation... (Cass., 7 août 1812.) « Cette règle générale doit servir à apprė«cier toutes les contrefaçons d'écriture qui

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pourraient être assimilées au crime de «faux.» Enfin au no 1601, ils disent : Répétons ici que si l'acte ne peut produire « aucun effet, soit parce que le fonctionnaire dont il est réputé émaner est incompétent, soit parce que l'acte est par

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« lui-même inoffensif, le crime disparait

<< aussitôt. >>

C'est en partant de ces mêmes principes que la cour de cassation de France a décidé :

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qu'une lettre missive ne constituant par « elle-même ni convention, ni disposition, "ni obligation, ni décharge, il ne résulte « pas nécessairement un préjudice pour au« trui du faux commis par contrefaçon « d'écriture ou de signature dans une pièce « de ce genre.» (Cass., 3 janv. 1846; Devill., 1846, 1, 472.)

L'écrit incriminé, auquel cet arrêt de la cour de cassation est entièrement applicable, ne pouvait pas, dans l'espèce, porter par luimême un préjudice quelconque, car il ne pouvait contre un

tiers. En effet, d'après l'art. 1101 du code civil, pour qu'il y ait obligation il faut une dette, un débiteur et un créancier; or, dans

la pièce en question il n'est pas fait mention d'un créancier. Les mots de jonge Vaneuytrang désignent un commissionnaire et non un créancier. Par conséquent, cette lettre missive ne pouvait faire naître d'obligation ni former un commencement de preuve par écrit au profit de personne. Partant nulle possibilité de préjudice.

En résumé, il n'est pas constaté par les réponses du jury que l'écrit, au bas duquel on a frauduleusement et avec intention de nuire contrefait la signature de Charles Keppens, était, par lui-même, de nature à porter préjudice à autrui. Il a donc été fait fausse application de l'art. 147 du code pénal... Et attendu que le fait reproché au demandeur en cassation ne peut être qualifié que d'escroquerie et que ce fait est antérieur à un jugement du tribunal correctionnel d'Anvers en date du 5 déc. 1854, par lequel il a été condamné du chef d'escroquerie au maximum de la peine portée par l'article 405 du code pénal, il y a lieu, vu l'art. 379 du code d'inst. crim. combiné avec l'article 365 du même code, de casser l'arrêt de la cour d'assises de la Flandre orientale, sans renvoi.

Par ces motifs, le demandeur Lambert Schinkels concluait à ce qu'il plùt à la cour de cassation admettre son pourvoi et en conséquence casser, sans renvoi, l'arrêt de la cour d'assises de la Flandre orientale en date du 10 mars 1856.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi.

L'arrêt de la cour d'assises de Gand, a-t-il dit, est à l'abri de la cassation. Les faits déclarés constants par le jury, et dont la portée égale a été appréciée par l'arrêt attaqué,

constituent bien, suivant nous, le crime de faux. En effet, le jury déclare que la signature de Charles Keppens, marchand de bestiaux, a été frauduleusement et avec intention de nuire, contrefaite par Schinkels, et que ce faux a causé un préjudice de 512 fr. 68 cent. aux époux Keppens. Le pourvoi prétend que ces faits constituent non pas le faux mais l'escroquerie, parce que l'acte ou l'écrit au pied duquel la fausse signature de Keppens a été fabriquée ne renferme pas convention, obligation ou décharge, et qu'il n'est pas par lui-même capable de porter préjudice. Nous croyons qu'il y a là une véritable confusion.- Keppens est marchand de bestiaux, et il s'était rendu à Bruxelles pour son commerce; sa femme voit venir chez elle l'accusé porteur d'un écrit ainsi conçu Ayez la bonté de donner à... pour deux bêtes que j'ai achetées... telle somme.

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Cet écrit porte la fausse signature de son mari; la femme y est trompée, elle paye. Est-ce là une simple escroquerie? Est-ce là, de la part de Schinkels, une manœuvre frauduleuse ou l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité? Nous ne saurions l'admettre en présence des motifs pour lesquels le conseil d'Etat, en rédigeant l'article 405, a réservé le crime de faux. L'article 147 du code pénal avait considéré comme faux punissable la contrefaçon de signature: ce fait existe, il est déclaré constant par le jury. Cette contrefaçon est déclarée frauduleuse, faite avec intention de nuire; elle a causé un préjudice déterminé : voilà bien les éléments du faux criminel, du faux punissable. Nous ajoutons que la fausse signature apposée au bas du billet que Keppens était censé adresser à sa femme, était de nature par ellemême à causer un préjudice, parce que, aux yeux de la femme, les termes du billet prétendûment signé par son mari établissaient à la fois l'existence d'un achat rentrant dans le commerce qu'il exerce et l'obligation reconnue par lui de payer le prix de cet achat; el le porteur de ce billet avait un titre dont la valeur ne pouvait pas être de bonne foi contestée par la femme ainsi invitée par le chef de la communauté à payer une somme dont il se déclarait redevable. - Sans doute, la pièce arguée de faux ne forme pas un contrat déterminé ; il ne s'y trouve qu'une sorte d'obligation innomée, une espèce d'assignation de payement consentie sur la caisse de Keppens au profit du porteur du billet : si au lieu d'une lettre ou d'un billet adressé à sa femme, Keppens avait signé un billet payable à vue, les conséquences eussent-elles été différentes? Supposons vraie la signature de Keppens sur le faux billet, le porteur de ce billet n'eut-il pas pu se prévaloir en justice de la reconnaissance que ce billet renferme, de l'obligation qu'il constate? Evidemment il le pouvait, et dès lors ni Keppens ni sa femme autorisée par lui, n'eussent pu refuser le payement de la somme due pour le prix des deux bètes achetées. - Supposons même que ce billet n'eut pu servir que de commencement de preuve par écrit contre Fauteur de la signature, encore le fait d'avoir frauduleusement contrefait cette signature constituerait le crime de faux et tomberait sous le coup des articles 147 et 150, et non pas de l'article 405 du code pénal.

Il n'y a pas à déduire une autre conséquence de la discussion du conseil d'Etat où la rédaction définitive de l'article 405 a été admise, ni des conclusions qu'en tire Chauveau, chap. 62, en traitant de l'escroquerie

et chap. 22, en traitant du faux : Chauveau reconnaît que si l'écrit argué oblige le prétendu auteur de cet écrit, la fraude puise dans cette circonstance un caractère plus grave, celui du crime de faux. — Or, nous croyons que tel est le cas du procès actuel : nous pouvons invoquer à notre aide l'arrêt portant règlement de juges que vous avez rendu le 31 mai 1847; vous y avez reconnu que des escroqueries perpétrées à l'aide de faux doivent être qualifiées d'après les articles 147 et 150: c'est bien ici le même cas; sans doute, Schinkels a en réalité escroqué 512 francs aux époux Keppens, mais il a employé, pour arriver à ses fins coupables, autre chose qu'un faux nom ou une fausse qualité, autre chose que des manœuvres frauduleuses; il a fabriqué une pièce portant, au moins indirectement, reconnaissance d'un acte de commerce et d'une dette contractée, et il a apposé au bas de cette pièce une signature contrefaite : c'est bien positivement le cas de dire, comme vous le disiez en 1847, que l'escroquerie n'a été commise ici qu'à l'aide d'un faux caractérisé dans tous ses éléments constitutifs.

Nous concluons en conséquence au rejet du pourvoi.

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ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen de cassation proposé par le demandeur, et déduit de la violation de l'article 147 du code pénal, en ce que la déclaration du jury ne présente pas les caractères constitutifs du crime de faux:

Attendu que le crime de faux existe lorsqu'il y a 10 faux matériel par altération ou contrefaçon d'écriture ou de signature; 2o intention frauduleuse; 5° préjudice possible;

Attendu que la déclaration du jury constate non-seulement que le demandeur a pris un faux nom, mais en outre qu'il a frauduleusement et avec intention de nuire, contrefait la signature de Charles Keppens, et que, par suite de ce faux, les époux Keppens ont éprouvé une perte de 512 francs;

Attendu que les termes du billet faux repris dans la première question comprennent à la fois, la reconnaissance d'une dette de la part de Charles Keppens, et un mandat ou assignation de payement sur la femme dudit Keppens;

Que tous les éléments du crime de faux se rencontrent donc dans l'espèce, et que, par suite, le moyen n'est pas fondé;

Et attendu que, pour le surplus, la procé dure est régulière et qu'il a été fait une juste

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