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ticiable des conseils de guerre. c) L'article 70 du Code de justice militaire réglemente la compétence des conseils de guerre, dans les places de guerre assiégées ou investies et dans les communes ou départements déclarés en état de siège. Dans ce cas, en outre des justiciables ordinaires, tout individu français. ou étranger qui commet des crimes contre la constitution, l'ordre et la paix publique est déféré aux conseils de guerre.

Ce système de compétence, sur lequel nous n'avons pas à insister ici, s'appuie donc à la fois sur deux bases: la qualité des prévenus et la nature des faits. Il est contradictoire dans un temps surtout où l'armée c'est la nation. La compétence ratione materiæ devrait être l'unique base de la justice militaire.

111. Les infractions sont encore spéciales, en ce sens qu'au lieu d'être prévues et punies par le Code pénal qui constitue la loi commune, elles le sont par des lois particulières, distinctes du Code pénal. C'est en ce sens qu'on appelle les délits de presse, les délits de chasse et de pêche, des délits spéciaux.

112. La distinction des délits ordinaires et des délits spéciaux offre de l'intérêt, soit au point de vue des circonstances atténuantes, qui ne peuvent être admises en matière de délits spéciaux que si un texte exprès autorise le juge à les prononcer; soit au point de vue de la compétence, en ce sens que les délits spéciaux, tels que les délits de presse et les délits militaires, peuvent être soustraits, en raison de leur nature, à la juridiction commune; soit au point de vue de l'application de la loi pénale française à l'étranger; soit, enfin, au point de vue des règles de la récidive.

Le nombre des lois pénales particulières est fort grand. Faut-il laisser le ministère public fouiller, sans règle certaine, dans cet arsenal, qui fournit des armes à toutes les opinions et à tous les partis? Il conviendrait, je crois, de procéder, non pas à une codification, mais à une révision des principaux textes en vigueur. C'est là une œuvre qui n'a jamais été faite ni même tentée en France'.

Loi du 3 avril 1878, art. 7.

7 Après la réunion de la Belgique à la France, le directoire exécutif,

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113. Toute infraction se constitue de deux espèces d'éléments bien distincts: les uns lui sont communs avec toutes les autres infractions; ce sont les éléments généraux, constitutifs de tout délit ; les autres lui servent d'éléments propres, lui assignent une place à part, lui donnent un caractère particulier : ce sont les éléments spéciaux, constitutifs de tel délit. De sorte que toute infraction, comme tout individu, a deux noms un nom de famille, on l'appelle une «< infraction »; un nom propre, on l'appelle un « vol », un « faux », un « meurtre ».

114. Deux choses étant nécessaires à l'existence de l'infraction : la perpétration du fait d'action ou d'inaction prévu et puni par la loi; la culpabilité de l'agent auquel ce fait est imputable, on comprend que les éléments essentiels de l'infraction soient puisés, et dans le fait punissable et dans la personne de celui qui l'a commis. On peut ramener ces éléments à quatre. En effet, lorsqu'une juridiction pénale déclare un individu coupable d'une infraction, cette déclaration implique qu'elle a constaté: 1o que tel individu avait participé à la perpétration de tel fait (élément matériel); 2° qu'il y avait participé avec discernement et liberté (élément moral); 3° que ce fait était prévu et puni par la loi à laquelle cet individu devait obéissance (élément légal); 4° que cet acte ne se justifiait pas par l'exercice d'un droit (élément injuste). Si l'un de ces éléments fait défaut,

usant d'un pouvoir qu'il tenait de la loi du 12 vendémiaire an IV, ordonna, par arrêté du 16 frimaire an V, de recueillir tous les textes en vigueur en France pour les rendre communs à la Belgique. La collection de ces lois et ordonnances, approuvée par un arrêté du 7 pluviôse an V, contient des dispositions législatives rendues, en France, depuis l'année 1539 jusqu'au 11 brumaire an V. Elle est connue sous le nom de Code Merlin. Elle n'a aujourd'hui qu'une valeur historique.

le juge ne peut condamner l'inculpé; il doit, suivant les cas, soit l'absoudre, soit l'acquitter. On voit, par là, que l'étude générale de l'infraction ou de l'incrimination, qui rentre seule dans le programme de cette partie de l'ouvrage, comprend l'examen de ces quatre éléments, l'étude des éléments constitutifs spéciaux à chaque infraction appartenant à l'examen des incriminations et pénalités particulières, c'est-à-dire à la seconde partie de ce traité.

Les éléments constitutifs généraux de toute infraction se rapportent donc à l'étude de la loi, du délit et de l'agent.

115. Autour des éléments constitutifs de l'infraction, se groupent des circonstances accidentelles, qui augmentent ou diminuent la culpabilité. C'est seulement après avoir déterminé les éléments constitutifs et généraux du délit et avoir pris connaissance du système des peines, qu'il sera possible de bien se rendre compte des modifications que subissent ou pourraient subir l'infraction et la peine par suite de ces circonstances accidentelles.

TITRE II

L'APPLICATION DE LA LOI PÉNALE FRANÇAISE
QUANT AU TEMPS,

QUANT AUX LIEUX, QUANT AUX PERSONNES

CHAPITRE PREMIER

DE L'APPLICATION DE LA LOI PÉNALE QUANT AU TEMPS
QU'ELLE RÉGIT

§ VIII. — ÉLÉMENT LÉGAL DE L'INCRIMINATION

(C. p., art. 4.)

116. Division. 117. Nul délit, nulle peine sans une loi. 118. Le principe s'applique quelle que soit la cause du changement de législation.

116. La Loi n'est pas universelle comme le Droit: elle est soumise à des restrictions qui tiennent au milieu dans lequel elle agit, considéré sous le rapport du temps, du lieu, des personnes. Le temps marque l'apparition et la disparition de la loi; il en forme la partie historique. Le lieu détermine les confins entre lesquels s'exerce son action: il en précise le côté national. Les personnes sont sujettes de la loi dire à qui la loi s'applique, c'est déterminer à qui elle s'impose, quelle est l'étendue de sa souveraineté. Nous nous occuperons successivement de ces différents point de vue.

117. Pour qu'une action ou une inaction constitue une infraction, il faut qu'elle ait été défendue ou ordonnée par une loi pénale. En effet, il appartient au législateur, de déclarer,

au nom de la société dont il est l'organe, quelles actions ou inactions sont illicites, parce qu'elles troublent l'ordre public. Aussi, l'article 4 du Code pénal décide que : « Nulle contravention, nul délit, nul crime ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent com

mis».

Cette disposition est la consécration de deux principes, qui dominent l'un et l'autre l'interprétation et l'application des lois criminelles :

1° C'est, en effet, déclarer que nul acte ne saurait être incriminé et puni par le juge, aussi longtemps qu'il n'est pas incriminé et puni par le législateur.

2o C'est, en même temps, déclarer que le législateur n'incrimine et ne punit que pour l'avenir.

Ces deux principes, qui sont des corollaires l'un de l'autre, n'étaient pas reconnus par notre ancienne jurisprudence criminelle. Les juges pouvaient, en général, incriminer eux-mêmes des faits que la loi n'avait pas prévus et y appliquer, à leur choix, les peines qui leur paraissaient convenir parmi celles établies par les usages ou les ordonnances. C'est en ce sens que nos anciens criminalistes disaient : Les peines sont arbitraires en ce royaume. Aujourd'hui, elles sont légales: tout délit doit être prévu par une loi promulguée avant qu'il ait été accompli, comme toute peine doit être attachée par la loi aux injonctions ou aux prohibitions qu'elle contient. Ainsi donc la première recherche que devra faire le juge, dans tout procès pénal, consistera à déterminer si le fait reproché à l'inculpé, en le supposant établi, est ordonné ou prohibé à l'avance par la loi sous menace de châtiment1.

§ VIII. Un Code pénal, en déterminant la valeur des actions humaines, forme l'expression d'une morale sociale à laquelle tous les citoyens doivent conformer leur conduite. Il représente le minimum d'exigence de la moralité collective. On s'explique donc que l'apologie des faits qu'il incrimine et qu'il qualifie crimes ou délit sait pu être érigée, par les lois sur la presse, en délit spécial. La loi du 27 juillet 1849, dans son article 3, punissait ce fait d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, et d'une amende de seize francs à mille francs. La loi sur la presse du 29 juillet 1881 ne punit pas l'apologie

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